SOCIÉTÉ - Selon l'OFPRA, les principaux pays d’origine de la demande d’asile en 2017 sont l'Albanie, l’Afghanistan et l’Afrique de l’Ouest. Parmi les demandeurs d'asile, les Albanais voient leur demande refusée car ressortissants de ce que l'on appelle, "un pays d'origine sûr". Quel est le parcours d'un demandeur d'asile en France ? Que deviennent les personnes qui voient leur demande déboutée ?
Ce mercredi, Gérard Collomb a défendu son projet de loi sur l'asile et l'immigration, en conseil des ministres, un texte très critiqué par les associations et qui fait des vagues jusque dans la majorité pour sa logique de fermeté. Que deviennent les demandeurs d'asile lorsqu'ils sont déboutés ? Quels sont les vrais chiffres des demandeurs d'asile en France ? LCI fait le point.
Être demandeur d'asile, en France, relève de plus en plus du parcours du combattant. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, publiés en juillet 2017, l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) indique que pour l’ensemble de l’année 2017, la demande d’asile a atteint les 100 412. Un chiffre découpé ainsi et en hausse de 17% par rapport à l’année 2016 : 73 689 premières demandes, 19 141 mineurs accompagnants, 7 442 réexamens et enfin, 140 réouvertures. En tout, ce sont près de 43 000 personnes qui ont été placées sous la protection de l’OFPRA au titre du statut de réfugiés et de la protection subsidiaire.
Mais avant d'avoir une décision finale, chaque personne doit formuler une demande devant l'OFPRA, qui l'examinera, statuera ou celle-ci sera envoyée à la Cour Nationale du Droit d'Asile qui, à la suite d'une audience, décidera du sort de la personne demandeuse d'asile : elle accordera un statut de refugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ou bien confirmera la décision de rejet de l'OFPRA et rejetera le recours formulé.
La Cour Nationale du Droit d'Asile
En moyenne, une procédure de demande d'asile dure entre six mois et un an, indique à LCI, Flor Tercero, avocate spécialisée en droit des étrangers, à Toulouse. Pour elle, il ne faut pas parler de crise migratoire mais de "crise de l'accueuil, une crise de prise en charge, d’aide et pas seulement des demandeurs d’asile . L’état ne dégage pas de moyens de suffisants pour permettre aux personnes de faire leur demande d'asile dans de bonnes conditions, notamment", dit-elle. "Sur la durée de la procédure, ça va encore, bien que parfois, explique la spécialiste, cela peut être difficile pour certaines personnes, torturées, notamment. Il faut savoir que les gens n’ont pas d’argent, donc n'ont accès ni à un médecin, ni à un traducteur, etc. En province, c'est encore plus compliqué car les personnes ne peuvent pas financer de déplacement à Paris", dit-elle.
En effet, la seule Cour nationale du droit d'asile est à Paris "et c’est la roulette russe, suivant certaines chambres", précise-t-elle. Ici, une "audience pour un demandeur d'asile dure entre 30 minutes et 1h30, si le dossier est complexe", détaille l'avocate. Dans son rapport annuel de la Cour nationale du droit d'asile datant de 2016, le Conseil d'Etat chiffrait que sur 42 968 décisions rendues devant cette cour, les décisions de protection ont été décidées dans 15.2% des cas. A contratio, 83.2% d'entre elles étaient des rejets motivés par "incompétence ou irrécevabilité manifeste", "pour absence d'éléments sérieux" et "rejet au fond".
Pour Flor Tercero, ces refus sont toujours motivés et d'expérience, elle l'assure, souvent celles-ci le sont car les déclarations des demandeurs d'asile sont jugées peu crédibles, les explications peu convaincantes et ce, malgré les certificats médicaux présentés dans le cas de personnes ayant subi des actes de tortures et/ou de mauvais traitements dans leur pays d'origine. "Dans le cas de ces personnes, elles sont bien souvent incapables d'en parler, précise l'avocate. Souvent, tout cela est pris pour de la fraude avec des questions orientées", par des magistrats qui interviennent dans cette cour mais qui ont d'autres activités professionnelles que la CNDA. "Bien sûr, il y a des assistants mais bien souvent, ils ne connaissent pas le dossier, n'ont pas connaissance des problèmes géopolitiques et des situations réelles de certains pays".
Que signifie "être débouté du droit d'asile" ?
Selon la définition de l'OFPRA, une personne "déboutée du droit d'asile" est une personne dont la demande d'asile a été rejetée définitivement par l'Ofpra et par la Cour Nationale du Droit d'Asile et ayant épuisé tous les recours possibles. Très peu d'alternatives s'offrent alors à elles. Bien souvent, la préfecture notifie la décision de refus de séjour en France, accompagnée d'une OQTF, une obligation de quitter le territoire français même si un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat contre la décision est formulé.
Dans le guide du démandeur d'asile daté de 2015 et émis par l'OFPRA, on peut d'ailleurs lire à l'attention des déboutés : "Vous pourrez alors être reconduit à la frontière par la police. Cette mesure d’éloignement peut s’accompagner d’un placement en centre de rétention administrative afin de procéder au renvoi dans votre pays".
L'OQTF est contestable devant un tribunal administratif dans un délai d'un mois suivant sa notification et 48 heures, si celle-ci ne prévoit pas de date de départ. Le tribunal administratif doit statuer sur le cas, dans les trois mois mais si la personne a été placée en centre de rétention, il se prononcera dans les 72 heures. Dans un rapport publié par le centre Primo Levi, en 2016, on estimait à 40 000, le nombre de personnes déboutées du droit d'asile, chaque année en France. Des personnes qui sont au centre de l'attention des pouvoirs publics car, en situation irrégulière sur le territoire et visées par le durcissement de la nouvelle politique d'immigration. Gérard Collomb l'avait affirmé en décembre dernier sur RTL : "Ceux qui sont déboutés du droit d'asile doivent être expulsés. C'est plus 14% d'éloignement par rapport aux onze premiers mois de l'année. Donc lorsqu'on veut, on peut avoir des résultats", disait le ministre de l'Intérieur.
Déboutés ... l'avenir s'assombrit
Que deviennent alors ces personnes, dont les demandes ont été rejetées ? "Certains se retrouvent sans papier et doivent faire face à des mesures d'éloignement exécutés notamment pour l’Europe de l’Est et des pays comme l'Albanie et le Kosovo", analyse Flor Tercero. "Toutefois, beaucoup sont régularisés pour des raisons de santé car ils sont traumatisés par des tortures subies dans leurs pays. Ils doivent être soignés et accompagnés. En général les titres sont renouvelés pour un an. Pour cette décision, on sollicite l’avis d’un collège de médecins avec le risque de voir ce titre non renouvelé, malgré tout", indique-t-elle.
"Le taux effectif d’éloignement est faible. Le chiffre est secrètement gardé par l'administration et pour l'avoir, il faut voir le rapport des associations qui font des études dans les centres de rétention. En réalité, on éloigne en général, les personnes de l’Europe de l’Est et du Maghreb", dit-elle.
Quels sont les principaux pays d'origine de la demande d'asile ?
Ainsi, dans les faits, et c'est confirmé par les chiffres de l'OFPRA en date du 8 janvier 2018, les personnes qui font le plus de demandes d'asile sont les Albanais et sont aussi ceux qui voient leur demande le plus débouter. Selon les chiffres, l'OFPRA note "une progression notable de la demande en provenance de pays d’Afrique de l’Ouest comme la Côte d’Ivoire et la Guinée".
Ressortissants de ce que le droit d'asile appelle " un pays sûr". Un notion établie par la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile (article L.714-4 2° du CESEDA). Un pays est considéré comme sûr "s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie, de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales", dit-elle. Conséquence de quoi, "une personne originaire d'un de ces pays ne peut bénéficier d'une admission sur le territoire au titre de l'asile (elle n'obtiendra donc pas d'APS, ni de récépissé)", indique le site de l'OFPRA. En 2016, la France a procédé à 12 961 éloigements forcés et aidés au départ, 3468 personnes. Les éloignements spontanés eux, sont de l'ordre de 8278 personnes, selon les chiffres du gouvernement publiés en juillet 2016.
Et lorsqu'on demande à Flor Tercero comment certains de ses clients prennent-ils ce refus, la réponse est claire : "C’est une catastrophe pour ces personnes car elles perçoivent la France comme le pays des droits de l’homme. Ces demandeurs déboutés sont dévastés. Et parfois, c’est parfois compliqué de dire aux gens qu’on ne peut rien faire pour eux", confie cette spécialiste peu optimiste pour la suite.
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