TEMOIGNAGES - La restriction des déplacements à 100 km maximum autour du domicile, annoncée par le Premier ministre dans son plan de déconfinement, ne ravit pas forcément les Français. Certains par confort, d'autres par nécessité, envisagent d'outrepasser la règle.
Les déplacements autorisés dans un rayon de 100 km après le 11 mai, James ne s’y attendait pas. "Je pensais que les trajets allaient être autorisés partout en France, sans restriction mais avec un appel à la responsabilité de chacun", explique-t-il à LCI. S’il approuve globalement les mesures annoncées hier, "cette histoire des 100 km [l]'a un peu énervé". Le parisien d’adoption avait déjà planifié ses prochains déplacements “post-confinement” depuis plusieurs jours. Notamment pour aller rendre visite à son père à Lille, ce qu'il devrait pouvoir justifier sans peine puisque ce dernier est "fragile, sous tutelle judiciaire", et injoignable par téléphone.
"J’avais aussi réservé des billets de train pour un voyage en Bretagne, avant les annonces d’Edouard Philippe". Le motif ? "Purement loisirs cette fois-ci", reconnaît James. "Cela peut paraître inconscient ou égoïste, mais la situation commence à peser sur mon mental. L’isolement va mal avec ma ‘bougeotte’", explique le jeune communicant dans le secteur du tourisme.
"Inventer un motif familial"
"J’estime ne pas prendre plus de risques en empruntant un TGV pour parcourir 500 km, qu’en prenant un Transilien pour me déplacer en Ile-de-France, tant que je garde mes distances avec d’autres personnes", précise-t-il. Alors s'il maintient son trajet, programmé pour mi-mai, James envisage de "tenter sa chance en gare" et "d’inventer un motif familial en cas de contrôle", la seule raison autorisée par le gouvernement pour se déplacer.
Comme lui, les confinés dans la capitale ayant jusque là résisté à l’appel de la province, sont nombreux à craquer à l’approche du 11 mai. Pour Paul, cette restriction des déplacements inattendue n’est que le coup de grâce d’un confinement qui n’en finit pas. "J’étais dégoûté quand le Premier ministre l'a annoncé. J’ai tenu bon pendant un mois mais là, je ne peux plus rester à Paris dans ces conditions", confie le trentenaire, originaire de la côte d’Azur. "Avec tous les restaurants ou loisirs fermés, se déplacer à 100 km de Paris ou rester enfermé, c'est du pareil au même pour moi, ça ne fait que prolonger la dépression". Il attend donc "de voir les documents qu’il faudra produire pour avoir un laissez-passer en bonne et due forme" et ce sera un départ pour Cannes, sa ville natale. Sa mère y vit encore, ce qui pourrait l’aider à prétexter un retour pour motif familial vraisemblable. "Mais j’irai dans l’appartement d’un ami, qui habite à quelques rues", explique Paul.
Une fois là-bas, pas de retour en vue d'ici la fin de l’été. L’assistant réalisateur, évoluant dans le milieu de la publicité et du cinéma, a vu tous ses projets annulés à cause de la pandémie de Covid-19, et compte bien - enfin - profiter du soleil. "Etant donné que mon industrie ne va pas reprendre avant plusieurs mois, rester au chômage, enfermé dans une ville où tout le monde va se courir les uns sur les autres, je trouve ça presque plus dangereux que de partir", soutient-il.
Stages, déménagements... Il n'y a pas que les vacances
Ceux qui s'apprêtent à braver l’interdiction ne l'envisagent cependant pas tous par confort. Actuellement dans la Drôme chez ses parents, Sam, 22 ans, est censé démarrer un stage de fin d’études le 11 mai à Lyon. "Je vais certainement démarrer en télétravail, il me faudra donc aller récupérer du matériel informatique sur place, puis il va bien falloir que je m’installe à Lyon, donc il y aura des visites d’appartements, le déménagement, etc", résume l’étudiant ingénieur, encore dans le flou. "Ça me fait un peu stresser, je n'ai pas très envie de me justifier auprès de la police sur le trajet, et encore moins de risquer une amende !", assure-t-il. Il craint aussi que cette mesure annoncée par l’exécutif "freine son entrée effective au sein de l'entreprise", alors que l'obtention de son diplôme dépend de la bonne réussite de ce stage. "Je comprends que ce soit compliqué pour tout le monde, mais dans mon cas, cette restriction de déplacement ne m’arrange absolument pas", regrette Sam.
Toulousain venu à Paris pour un stage de fin d’études, Guillaume va lui aussi devoir passer la barre des 100 km pour déménager. “J’ai passé mon confinement chez ma copine à Toulouse, juste avec quelques vêtements puisque j’avais fait mon sac pour un week-end seulement, celui qui précédait l’annonce d’Emmanuel Macron”. Avec un avion annulé et un stage suspendu, il n’attendait que le 11 mai pour aller récupérer ses affaires définitivement. “J’ai tous mes papiers là-haut, et puis je dois débarrasser la chambre que j’occupe dans la colocation”, détaille le jeune homme. Conscient qu’un axe aussi fréquenté sera soumis aux contrôles, Guillaume a plusieurs stratégies à l’étude. “Je n’ai aucune famille en région parisienne mais je vais dire que je vais voir des grands-parents, ou bien que ma colocataire est ma cousine et qu’elle est malade”, explique l’étudiant.
Pour éviter d’avoir à mentir aux forces de l’ordre, certains misent sur la discrétion. Simon et sa femme prévoient cinq jours de trajets pour faire 170 km… A vélo. Ils partiront de Martigues, dans les Bouches-du-Rhone, pour rejoindre leur résidence secondaire dans la petite commune de Villeneuve-de-Berg, sur les plateaux de l’Ardèche, qui leur manque beaucoup. “On prépare notre parcours, c’est une sacré randonnée” explique-t-il à LCI. “On va passer par le Pont du Gard, les Cévennes, et on campera sur les chemins de rando”... Le tout sans téléphone portable géolocalisable, pour éviter d’être repérés. “Une fois là-bas, on y restera au moins une semaine”, précise le sportif. “Pour le retour, on verra. On a des congés à solder... Alors en ces temps de Covid, autant les prendre”.
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