PSEUDOS - Le débat sur une levée de l'anonymat en ligne a été relancé ces derniers jours, des élus comme Xavier Bertrand s'y déclarant favorables. Il s'avère pourtant quasi inexistant, les autorités pouvant identifier très rapidement les auteurs de publications délictueuses, y compris rédigées sous pseudo.
L'assassinat du professeur Samuel Paty a conduit une série d'élus et de responsables politiques à réclamer que soit mis un terme à l'anonymat sur les réseaux sociaux. Un débat qui revient régulièrement depuis dix ans et relancé notamment par deux figures de la droite, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse.
Outre le président de la région Hauts-de-France et son homologue en Île-de-France, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, s'y est lui aussi montré favorable, à l'instar du Premier ministre. 20 Minutes note ainsi que Jean Castex "avait qualifié le 15 juillet l’anonymat des réseaux sociaux de 'choquant', allant jusqu’à une comparaison avec le régime de Vichy, même s’il nuançait un peu en indiquant que cette question n’était 'pas une priorité'". Des prises de position qui laissent perplexes les spécialistes du numérique : ces derniers expliquent en effet que l'anonymat est très relatif en ligne, et que les autorités n'ont en général que peu de difficultés à identifier les auteurs de propos pouvant faire l'objet de poursuites.
Anonymat ou pseudonymat ?
Professeure et chercheuse en informatique, membre de l'Université Toulouse 3 Paul Sabatier, Florence Sèdes est catégorique : "Il n'y a pas d'anonymat réel sur Internet, a fortiori sur les réseaux sociaux." Comme nombre de ses confrères, elle évoque plutôt une forme de pseudonymat, voyant les internautes dissimuler leur identité derrière des noms d'emprunt. Pour autant, d'un point de vue technique, ne pas poster en son nom propre ne signifie pas que l'on ne laisse aucune trace, loin de là.
"Il existe des équipes de gendarmes très branchés sur les nouvelles technologies", souligne-t-elle, "ce sont notamment eux qui démantèlent des réseaux de hackeurs". En France, ajoute la spécialiste, "ils sont très forts" et peuvent sans difficultés remonter le fil de publications afin d'en identifier les auteurs. "Une commission rogatoire peut notamment permettre de demander à un fournisseur d'accès internet l'identité d'une personne", à partir du moment où l'adresse IP de son terminal a été récupérée. Cette adresse, qui fait en quelque sorte office de carte d'identité pour un ordinateur ou un téléphone portable, est difficile à dissimuler.
Des experts en informatique peuvent bien sûr renforcer leur anonymat et utiliser une série d'outil pour évoluer incognito en ligne, mais "le quidam de base peut mettre ce qu'il veut comme pseudo, cela ne l'empêchera pas d'être retrouvé", tranche Florence Sèdes. L'ancien secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, partageait ce constat en janvier 2019. "Quand quelqu’un insulte, harcèle en ligne, croyant qu’il est anonyme derrière un pseudonyme, cette année, c’est plus de 500 d’entre eux qu’on a attrapés et condamnés", déclarait-il à l'époque.
De toute évidence, les outils techniques existent aujourd'hui pour identifier les auteurs de propos répréhensibles. La question qui se pose semble donc plutôt être celle d'une levée du pseudonymat, qui n'est pas sans poser des questions de fond, relatives notamment au respect de la vie privée. "Cela peut rapidement conduire à des dérives liberticides", alerte Florence Sèdes. Le pseudonymat ? "C'est aussi grâce à ça que peuvent témoigner des gens qui craignent des répercussions pour leur vie familiale et professionnelle", témoignait au Parisien l'avocat Eric Morain, qui a défendu des victimes de cyber-harcèlement.
En tout état de cause, il apparaît donc que les débats autour d'une levée de l'anonymat partent d'un postulat trompeur, selon lequel il serait compliqué voire impossible de retrouver des internautes qui posteraient sous une fausse identité. La justice dispose en effet d'outils pour y parvenir, tandis que les fournisseurs d'accès internet sont tenus de collaborer et d'aider les magistrats dans le cadre d'enquêtes. Se pose alors la question d'une levée du pseudonymat en ligne, sans réelle conséquence du point de vue de la justice et qui laisse aujourd'hui très perplexes les défenseurs des libertés individuelles, craignant que cela n'aboutisse à des dérives liberticides.
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