Déserts médicaux, 4e année d'internat : les étudiants en médecine fustigent la réforme du gouvernement

Publié le 14 octobre 2022 à 11h34

Source : JT 20h Semaine

Une manifestation est organisée par les différents représentants des étudiants en médecine ce vendredi 14 octobre un peu partout en France.
Externes et internes protestent contre l'ajout d'une 4e année en médecine générale.
Ils marquent aussi leur opposition à l'obligation de s'installer en déserts médicaux, alors que la réforme est en cours d'examen au Parlement.

Au milieu du mouvement général de mobilisation social, un public normalement plus à l'écart des grèves cherche à se faire entendre. Ce vendredi 14 octobre, à Rennes, Bordeaux, Lyon ou encore Paris, devant le ministère de la Santé, les différents syndicats et représentants des étudiants en médecine ont appelé à une grande journée de mobilisation. Ils souhaitent protester contre la réforme de l'internat de médecine générale, en cours d'examen dans la loi de financement de la sécurité sociale 2023.

Interrogations sur le public concerné

Parmi les mesures proposées, l'ajout d'une 4e année pour les étudiants en médecine générale et des incitations pour s’installer dans les déserts médicaux. "Cela reste une incitation, je ne souhaite pas que ce soit une obligation", avait affirmé le ministre de la Santé, François Braun dans une interview à franceinfo, expliquant vouloir une entrée en vigueur de la réforme dès l’année prochaine, pour les étudiants qui doivent commencer leur internat de médecine générale. Certains députés et sénateurs pressent cependant pour que ce problème de déserts médicaux soit régulé plus rapidement.

"À l’heure actuelle, on n'a absolument aucune garantie que cette réforme ne concernerait que les internes entrants la rentrée prochaine", se méfie donc Yannis Galacteros, en 2e année d’internat de médecine générale à Grenoble. D’où la mobilisation d’une partie des internes des différentes académies. En Auvergne-Rhône-Alpes, les étudiants de Clermont-Ferrand, de Saint-Etienne ou encore de Grenoble s’ajouteront à ceux de Lyon pour faire entendre leurs revendications.

Des études déjà suffisamment longues pour les étudiants

Car si l’ajout d’un an de formation pour les étudiants en médecine générale était déjà dans les cartons depuis 2017, les internes mobilisés s'inquiètent de la précipitation de cette réforme. Pour Yannis qui préside le syndicat des internes de Grenoble, Aravis, le fait qu'elle soit inclue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 (PLFSS) montrerait que celle-ci est surtout "budgétaire et vient répondre à la problématique de l’accès aux soins". "On a besoin de personnel dans les territoires et bien, on va créer une quatrième année de médecine et comme ça, ça nous fait du personnel en plus", traduit l’étudiant. 

Un effort trop grand pour ces étudiants, qui mettent déjà en avant la difficulté de leurs études et les conditions dans lesquelles ils les font. Des stages peu payés, des internes qui viennent combler le manque de personnel à l’hôpital, et ce, pendant des études qui sont déjà longues et pesantes financièrement. Pour être médecin généraliste, les étudiants doivent étudier au moins neuf ans, avec un premier cycle de trois ans, puis un cycle d'externat de trois ans et un dernier cycle d'internat de trois ans également.

"Depuis la 1ʳᵉ année, on fait déjà des sacrifices, en termes de famille, en termes de relations sociales. On ne compte pas nos heures quand on est à l’hôpital, parce qu’on aime ce qu’on fait. Mais à un moment, on aimerait que ce ne soit pas que dans un sens", souligne Thibault Guillaud-Bonne, externe à Lyon.

Le problème, c’est vraiment l’obligation d’installation
Fany Lefebvre

Pour Johan Dubos, qui étudie à Bordeaux en 4e année et qui est donc directement concerné par la réforme, la possibilité d’être envoyé dans n’importe quel désert médical l’a incité à se mobiliser. "Je ne veux surtout pas me retrouver en région parisienne, loin de chez moi, de mes proches", martèle-t-il, l’Île-de-France étant considéré comme le premier désert médical de France.

"C’est quelque chose d’extrêmement stressant parce qu’il ne faut pas oublier que pendant nos études de médecine, on vieillit. Moi aujourd’hui, j’ai 27 ans, j’ai une vie personnelle", souligne encore Yannis, qui craint comme les autres d’être missionné du jour au lendemain loin de la vie qu’il a commencé à construire.

Pour autant, tous l’assurent, ils ne sont pas contre l’installation en désert médical. Johan a même souscrit à un contrat d’engagement de service public qui l’engage, contre rémunération pendant ses études, à exercer dans une zone où l’offre de soins est insuffisante. "Le problème, c’est vraiment l’obligation d’installation", souligne encore Fany Lefebvre, externe à Grenoble et membre de l'Association Nationale des Étudiants en Médecine de France. Une revendication qui passe par un slogan, "Non à la coercition" qui, en plus d'être contraignante, serait inefficace.

Le problème des déserts médicaux pèse cependant sur l'accès aux soins. En France, 60 % des bassins de vie est confronté à un manque de médecins généralistes libéraux au regard de la moyenne nationale. Avec une première réforme des études de médecine en 2020 et la suppression du numerus clausus, le nombre d’étudiants formés, et donc de professionnels de santé, doit, à terme, augmenter. En attendant, les futurs médecins refusent d’être la génération qui assurera l’intérim, avec les contraintes que cela imposerait.


Aurélie LOEK

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