Cheveux crépus, coupe afro, dreadlocks : ils se révoltent contre la discrimination capillaire

par CASSANDRE AMOUROUX
Publié le 5 juillet 2019 à 11h09, mis à jour le 6 juillet 2019 à 8h46
Cheveux crépus, coupe afro, dreadlocks : ils se révoltent contre la discrimination capillaire

Source : iStock

TÉMOIGNAGES - Dans nos sociétés avoir des cheveux afros, tressés ou des dreadlocks peut constituer un handicap, à tel point que des lois apparaissent pour endiguer le phénomène. De la moquerie dans la cour de récré jusqu’à la discrimination à l’embauche, plusieurs femmes nous ont raconté leur histoire.

L'Assemblée de l’Etat de Californie vient de voter à l’unanimité un projet de loi bien particulier. Il modifie la législation anti-discrimination en vigueur pour y inclure : "les traits historiquement associés à la race, y compris , sans toutefois s’y limiter, la texture des cheveux et les coiffures protectrices (...)  par conséquent, la discrimination capillaire ciblant les coiffures associées à la race est une discrimination raciale". 

La Californie est donc sur le point de devenir le tout premier État à interdire la discrimination capillaire. Une réglementation similaire est déjà mise en place depuis le mois de février dans la ville de New-York. Selon la commission des droits humains de la ville, aucun individu "ne peut obliger une personnes noire à modifier ses cheveux naturels pour pouvoir être admise dans un lieu".  

"Négligés", "rigolos" ou "pas professionnels", les cheveux afros sont malmenés par les normes sociétales. Face aux critiques les assumer devient un véritable combat. Chez les personnalités publiques, les exemples ne manquent pas. Au début du mois de juin, la chanteuse du groupe Shaka Ponk, Samaha Sam, poste un témoignage sur son compte Instagram.

SAMAHA SAM
SAMAHA SAM - instagram @samaha_sam_shakaponk

Elle raconte avoir été victime d’une agression parce qu'elle porte une coupe afro: "Aujourd’hui, c’est un putain de connard qui s’attaque à mes cheveux, je suis en terrasse et il veut me les arracher, en gueulant que c’est une perruque. Ça a fait rire quelques personnes". 

En avril dernier, la coiffure afro de la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye lors de sa prise de fonction a également suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. L'ancienne première dame des Etats-Unis, Michelle Obama, n'a jamais montré publiquement sa vraie nature de cheveux. Selon l'auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, si elle l'avait fait, Barack Obama n'aurait pas été élu Président en 2004.

"Bob Marley", "Jackson Five", "Serpillère"

Les personnes assumant leurs cheveux crépus doivent souvent faire face aux moqueries et aux regards des autres. Durant toute sa vie, Sylvaine a reçu de nombreux surnoms : "criquet" quand elle était petite et que sa mère lui faisait des nattes, "Bob Marley" quand elle portait des rajouts au collège puis "Jackson Five" quand elle a assumé sa vraie nature de cheveux, nous confie-t-elle. 

Pour ne plus affronter les remarques désagréables ou les "je peux toucher tes cheveux ?", certaines femmes décident de passer par la case défrisage. Une décision radicale, prise parfois très tôt : "Ma fille de 5 ans pleurait chaque jour, les enfants l'insultait : 'sale noire', 'serpillière'. Les maîtres d'école disaient qu'elle devait s'adapter. Depuis elle s'est défrisée les cheveux et tout va mieux".

Cette pratique n'est pourtant pas sans risque. Maria nous raconte qu'elle a longtemps été adepte des lissages et des coiffures protectrices (tresses, chignons, tressages) : "ça m’a valu une alopécie de traction (perte de cheveux) au niveau des tempes". Du collège jusqu'à ses 30 ans, Sylvaine a dépensé énormément d’argents pour entretenir son lissage avec des produits souvent nocifs pour la santé. Elle décide d'assumer ses cheveux naturels après avoir subi une chimiothérapie : "Durant cette période je portais une perruque lisse. Puis mes cheveux ont poussé, je les ai laissés faire leur vie de cheveux afros".

La discrimination au travail

En France, le Code du Travail interdit toute distinction entre salariés fondée notamment sur "l’apparence physique " sauf dans des cas exceptionnels. Le motif de distinction doit constituer "une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée".  Les témoignages présentent une autre réalité. Chercher du travail avec des cheveux afros semble être une épreuve de longue haleine. 

Sur Twitter, plusieurs personnes expriment leur ras-le-bol : "J'ai eu 3 entretiens cette semaine et on m'a dit 3 fois d'affilée de ne pas porter mes braids (rajouts de cheveux tressés, ndlr), de me lisser les cheveux et de les porter en chignon". Une jeune femme répond en racontant  son entretien pour travailler dans un hôpital. Sa responsable lui explique que ses braids poseront problème à ses supérieurs, elle va jusqu'à dire qu'il s'agit d'un motif de licenciement.

Mais une fois embauchée, le combat n'est pas terminé. Maria nous confie qu'elle a longtemps subi des remarques au travail où on lui faisait comprendre que le naturel n’était pas préférable : "on me disait que c’était négligé et que ça faisait sale, j’ai même eu des partenaires européens qui me demandaient de les défriser (...) J'ai appris à en prendre soin et à les aimer". 

Valoriser les cheveux crêpus avec le mouvement "Nappy"

A travers les réseaux sociaux, les femmes sont de plus en plus nombreuses à promouvoir les cheveux texturisés. Le mouvement "nappy" a vu le jour sur Instagram et vient traduire cette tendance. C'est une contraction des mots "natural" et "happy" (naturel et heureux). Sur les photos, les boucles se dévoilent librement et les internautes en profitent pour partager des astuces d'entretiens ou de coiffures tendances.

En 2016, l'association SciencesCurls est créée par des étudiantes de Science Po. Elles souhaitent valoriser les cheveux "nappy" mais aussi s'interroger sur "les implications politiques et culturelles". L'association organise de nombreux événements comme des concerts, des ateliers, des expositions artistiques mais aussi des conférences. Les débats portent autour de la problématique : "le cheveu texturé, entre oppression et célébration à travers les âges et les cultures". Les membre de SciencesCurls expliquent vouloir "raconter l'histoire à la fois intime et collective de ce cheveu ainsi que celle des femmes et des hommes qui le portent".


CASSANDRE AMOUROUX

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