EN BREF - L'association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (ACRO) a dénoncé mercredi une "contamination" dans l'eau, normalement propre à la consommation, de près de 270 communes de l'Hexagone. Que sait-on de la substance mise en cause ? Faut-il s'alarmer de sa présence dans ce qui sort de nos robinets ? Et si oui, à partir de quelle quantité ?
Des millions de Français exposés à une contamination radioactive ? C'est ce qu'affirme l'association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (ACRO), selon laquelle "6,4 millions de personnes sont alimentées par de l'eau contaminée au tritium" d'après "des données fournies par le ministère de la Santé". Carte interactive à l'appui, le laboratoire basé à Hérouville-Saint-Clair, dans l'agglomération de Caen, souligne "la présence régulière" de cette substance dans l’eau du robinet de plusieurs localités de France.
Lesquelles ? Que sait-on de la substance mise en cause ? Faut-il s'alarmer de sa présence dans ce qui sort de nos robinets ? Et si oui, à partir de quelle quantité ? LCI fait le point sur les questions que soulèvent ces révélations.
Carte exclusive de la contamination en #tritium de l’eau potable : plus de 6 millions de français concernés à cause des rejets des installations nucléaires. Et en cas d’accident #nucléaire grave, quelle mesures de protection ? https://t.co/hNFWcyAwv2 — ACRO (@__ACRO__) 17 juillet 2019
Quelles sont les zones concernées ?
La carte publiée par l'ACRO à partir des données du ministère, "fait apparaître plusieurs zones" régulièrement concernées notamment le long de la Seine, de la Vienne et de la Loire, "à cause des rejets radioactifs" de centrales nucléaires. "Autour du centre du CEA de Valduc où le tritium est produit pour l’armement nucléaire ; autour du centre CEA de Saclay où il doit s’agir d’une pollution rémanente", peut-on ainsi lire sur le site de l'association tandis que le long de la Seine, la zone concernée s'étend "de la centrale nucléaire de Nogent sur Seine à l’Ile de France" et pour ce qui concerne les abords de la Vienne et de la Loire, les installations nucléaires d’EDF (Belleville, Dampierre, St-Laurent, Chinon et Civaux) sont ciblées.
Selon l'association, 268 communes françaises sont concernées au total, dont de "grandes agglomérations" comme Orléans, Blois, Tours, Angers, Nantes, et 122 communes d'Ile-de-France.
Que sait-on de la substance mise en cause ?
Le tritium est un hydrogène radioactif. Relativement rare à l'état naturel, il est rejeté en grande quantité dans l'environnement par l'industrie nucléaire depuis les années 1940. On parle alors de tritium artificiel. Le plus souvent, ce dernier résulte du fonctionnement des réacteurs nucléaires, ou du traitement des éléments combustibles mais peut également être produit lors d'explosions nucléaires.
La détention de cette matière nucléaire est réglementée en France selon les dispositions de l'Article R1333-1 du Code de la défense. A ce titre, sur le territoire national, il doit être stocké sur site, dans des réservoirs prévus à cet effet, avant d'être rejeté conformément aux autorisations de rejets, après avoir été contrôlé. Des limites de rejets sont imposées pour chaque installation, par arrêté.
Présente-t-elle un risque pour la santé ?
"En tant qu’isotope de l’hydrogène, le tritium est bien un élément toxique en raison exclusivement de sa nature radioactive", souligne sur son site l'ACRO, qui précise que "les radiations ionisantes agissent sur le vivant à travers deux modes d’action". A savoir, l’effet direct "qui se traduit par des ruptures dans les liaisons covalentes, ce qui signifie qu’elles 'cassent' des molécules" et peuvent conduire "soit à des altérations de gènes, soit à des délétions ou aberrations chromosomiques" et l'effet indirect "qui conduit à la production de radicaux libres (espèces chimiquement toxiques)" pouvant déboucher sur "des lésions chimiques potentiellement mutagènes et/ou cancérogènes."
"La radioactivité, naturelle ou artificielle, n’est dangereuse pour les organismes vivants que si la quantité d'énergie transmise est trop élevée", rappelle le site Cancer-environnement, précisant que les premiers symptômes de l’irradiation aiguë, un syndrome "exceptionnel et toujours accidentel" sont la nausée, le vomissement, la diarrhée, la fièvre, la céphalée, l'érythème.
Un risque sous-estimé ?
A ce titre, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande "une valeur guide de 10.000 Bq/L pour le tritium dans l'eau de boisson, à considérer en cas de consommation permanente de l'eau", selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce bras technique de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), précise également que "le code de la santé publique fixe une référence de qualité de 100 Bq/L pour le tritium qui ne représente pas une limite sanitaire mais un seuil qui, lorsqu'il est dépassé, entraîne une investigation complémentaire pour caractériser la radioactivité de l'eau".
S'agissant de l'alerte de l'ACRO concernant 268 communes de France, "aucune valeur ne dépasse le critère de qualité de 100 Bq/L (Becquerel par litre) instauré par les autorités sanitaires", reconnaît l'association. Mais la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), réagissant à ces révélations, a "dénoncé la banalisation des contaminations en tritium" et appelé "à ne pas se laisser abuser par les comparaisons avec la référence de qualité de 100 Bq/L et, plus encore, avec la limite dite sanitaire de 10.000 Bq/L". Selon cet autre laboratoire associatif travaillant sur le nucléaire, "les autorités acceptent, pour les polluants radioactifs, des niveaux de risque cancérigène plus de 100 fois supérieurs au maximum toléré pour les cancérigènes chimiques !", alors que "la limite applicable à une contamination durable par le tritium ne devrait pas dépasser 10 à 30 Bq/L".
A titre d'illustration, la seule usine de potabilisation de Choisy-le-roi (Val-de-Marne) "distribue chaque année" dans son eau potable à 10 Bq/L en moyenne, 1,3 TBq (térabecquerel) de tritium, soit 2,5% des rejets de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine", selon l'ACRO. Cette usine alimente 1,9 million d'habitants de 56 communes de la banlieue sud et ouest de Paris, ajoute l'association.
Le tritium, annonciateur d'autres polluants ?
Pour l'ACRO, "la présence régulière dans l'eau du robinet de tritium rejeté par les centrales nucléaires met en évidence un risque de contamination d'autres polluants radioactifs à des niveaux beaucoup plus élevés". En effet, selon l'association, "le tritium est 'un lanceur d'alerte' : en cas d'accident grave sur une des centrales nucléaires sur la Seine, la Vienne, ou la Loire, il n'y aura pas que le tritium rejeté et ce sont des millions de personnes qui risquent d'être privées d'eau potable", poursuit le laboratoire.
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