PROJECTION - Depuis la parution aux éditions Hatier d’un manuel scolaire employant l'écriture inclusive, ses détracteurs et ses défenseurs s'écharpent sur la question. Enseignement, politique, linguistique, littérature, communication… alors que les prises de position s’enchaînent dans certains milieux et que le Premier ministre en a banni l'usage dans les textes officiels le 21 novembre, qu’en est-il des médias ? LCI.fr a tranché pour sa part, et sondé certains de ses confrères.
Sur la question de l’écriture inclusive, qui consiste à inclure le féminin, entrecoupé de points, dans tous les noms (comme "ami.e.s") deux camps s'affrontent : les défenseurs et les détracteurs. Et non pas les "défenseur·seuse·s" et les "détracteur·euse·s". Alors que l’orthographe non-genrée suscite un vif débat, notamment dans l'Education nationale et chez les élus, depuis la parution, en mars dernier, aux éditions Hatier, d’un manuel scolaire employant cette méthode, certains titres de presse ont eu à se positionner en interne sur son éventuel usage.
"Et dans votre rédaction, seriez-vous prêts à vous mettre à l'écriture inclusive ?" LCI.fr a posé la question à quantité de confrères responsables de rédaction... et les réponses sont pour le moins tranchées.
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"Le boulot de journaliste deviendrait ingérable"
"On en a discuté entre nous, j’ai une position très tranchée sur ce sujet. J’en ai parlé avec ma hiérarchie, je pense qu’ils la partagent", explique Acacio Pereira, Directeur de la rédaction de 20 Minutes évoquant "un faux débat". Et ce dernier de clarifier : "Tant que je serai directeur de la rédaction, personne n’appliquera l’écriture inclusive." Selon lui, il est impossible de concevoir la lecture d'un article, qu’il s’agisse de presse écrite ou de presse en ligne, "bourré de mots en écriture inclusive, complétement illisibles." Au-delà de la clarté, ce dernier mentionne aussi "le boulot du journaliste qui deviendrait ingérable."
En outre, Acacio Pereira craint que le lectorat "très fidèle" de 20 Minutes ne soit pas réceptif à cette méthode. "Dès qu’ils voient une faute, nos lecteurs réagissent dans un commentaire ou envoient des mails : imaginez un peu qu’on commence à ajouter des "· ", des "e" des "s" un peu partout !" Sceptique sur le fait que l’usage de l’écriture inclusive "améliore la position des femmes en France ou dans le monde", le directeur de la rédaction s’interroge également sur le fond de la démarche, mais n’exclut pas d’ajouter ce sujet à la prochaine réunion mensuelle de rédaction. Et preuve que le sujet n’a rien à voir, selon lui, avec l’égalité hommes-femmes, "la rédaction de 20 Minutes est majoritairement féminine, et en dehors de la hiérarchie, les salaires des femmes sont supérieurs à ceux des hommes".
"Ma première motivation, c’est la compréhension"
C’est également par courriel, et pour des raisons liées avant tout à la forme, que les journalistes du site web de L'Express ont pris connaissance, il y a peu, des consignes de leur hiérarchie sur la question. "J’ai envoyé un mail à ma rédaction en expliquant simplement qu’on n’utiliserait pas l’écriture inclusive. Ça n’est pas intéressant. Ma première motivation, c’est la compréhension. Je préfère donc privilégier le sens d’une phrase plutôt que l’on s’arrête à chaque mot", argumente Emma Defaud, rédactrice en chef de L'Express.fr. Et cette dernière d’insister sur la question de la titraille "qui deviendrait immédiatement très compliquée" en écriture inclusive.
Et du côté de LCI ? Le débat est tranché... pour l'instant. Sachez, chers lecteurs, que Nicolas Moscovici, rédacteur en chef du site, a notifié à l'équipe qu'il souhaitait voir respectée la norme de l'Académie française. "J'admets mon conservatisme sur le sujet, mais je ne suis pas fermé au débat. [...] Ce qui me gêne dans l’écriture inclusive, c’est d’abord son extrême complexité à l’utiliser (et à la lire). En outre, elle comporte une part de militantisme et d’idéologie - aussi respectables soient-ils - qui dérogent au principe de neutralité et d’équilibre de notre titre."
S'ils n'ont sans doute pas fini de relayer le débat inhérent à l'écriture inclusive, les sites web de LCI, 20 Minutes et de L'Express savent qu'il n'est déjà plus d'actualité en interne. Du côté des textes officiels, la question est elle aussi réglée, puisque le mardi 21 novembre, via une circulaire, Edouard Philippe a banni l'usage de l'écriture inclusive des textes officiels.
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