PENSION - L'internat est souvent plébiscité par les parents dont les enfants présentent des difficultés scolaires ou de comportement. Par des parents qui n'ont pas le temps de s'en occuper. Mais est-il vraiment la solution à tous les problèmes ? LCI a posé la question à deux professionnels.
Sur les 5,7 millions d’enfants scolarisés en France, 244.000 le sont en internat. Une vie loin des parents au bénéfice d'une éducation solide, d'un quotidien cadré et parfois plus stable qu'à la maison. Une vie qui n'est pas toujours vécue de gaîté de cœur, autant du côté des parents que des enfants. Car vivre en collectivité, c'est accepter la séparation avec sa famille, mais aussi les règles inhérentes au lieu. Pas toujours évident, et cela surtout pour les enfants en bas âge. En effet, si la majorité des établissements accueillent des pensionnaires à partir de 11 ans, d’autres en admettent dès 5 ans, pour la dernière année de maternelle. Alors malgré des périodes qui peuvent être difficiles, l'internat est-il toujours un choix judicieux ? LCI a posé la question à une psychologue clinicienne pour enfants et adolescents et à une directrice d'établissement.
On accepte des enfants que l'on pense pouvoir aider
Emmanuelle Barsot, directrice de l'école et de l'internat Saint-Etienne (33)
L'internat de Saint-Etienne est situé à une soixantaine de kilomètres de Bordeaux, sur la pointe du Médoc. Entouré de vignobles, en bordure du village Saint-Estèphe (33), la bâtisse accueille 92 élèves dont 25 internes. 12 garçons et 13 filles, de la grande section au CM2. "C'est l'un des seuls internats primaires du sud-ouest", indique sa directrice, Emmanuelle Barsot, qui affirme avoir énormément de demandes. "Pour privilégier un accueil de qualité, et non de quantité, on doit refuser des enfants régulièrement."
Mais si pour certains, le refus vient surtout du fait que l'internat ne compte pas assez de lits, il s'agit pour d'autres d'une solution qui s'avère inadaptée. "On accepte des enfants que l'on pense pouvoir aider. S'il y a des troubles du comportement trop importants, nous ne sommes qu'un établissement éducatif et scolaire. On ne relève pas du thérapeutique", explique Emmanuelle Barsot dont l'établissement travaille plutôt avec des enfants en difficulté scolaire, avec de "petits problèmes de comportement" ou qui connaissent des difficultés au sein de leur famille.
Un projet porté aussi (voire d'abord) par l'enfant
Lors des pré-inscriptions, l'équipe pédagogique entame "tout un cheminement" avec les familles pour déterminer si le lieu convient autant aux enfants qu'aux parents. Après le premier contact, la direction envoie à ceux-ci un formulaire dans lequel ils doivent expliquer leur choix. S'en suit un rendez-vous d'une heure avec chaque famille. "Dans un premier temps, on va leur faire visiter l'établissement avec l'enfant. C'est important que le projet soit porté et par les parents et par l'enfant, souligne la directrice. Et puis on va rencontrer l'enfant. Ça doit être d'abord son projet. On va lui demander des choses toutes simples : s'il sait pourquoi il est là, si ça lui plaît, s'il a envie..."
L'équipe s'entretient ensuite avec les parents, notamment sur leurs attentes et les raisons qui les poussent à demander l'inscription de leur enfant dans l'établissement. Pour les éducateurs, pas question de servir de roue de secours aux parents. "On insiste bien sur le fait que c'est eux les principaux éducateurs et qu'on ne les remplacera jamais. C'est un travail conjoint entre l'enfant, les parents et l'école."
D'autres options à envisager avant l'internat
Les parents, principaux éducateurs, c'est bien ce que souhaite aussi rappeler la psychologue clinicienne pour enfants et adolescents Angélique Kosinski. Selon elle, de nombreuses options peuvent être envisagées avant d'envoyer un dossier d'inscription à l'internat. "Parfois, les parents ont un rôle un peu passif. 'Je suis dépassé, je n'y arrive plus, hop, je vais donner mon enfant à l'internat et ils vont, entre énormes guillemets, le dresser, l’éduquer et comme ça il va revenir avec des bonnes notes, poli...' C'est aux parents de ne pas être défaitistes dans leur rôle éducatif", estime-t-elle.
Dans le cas de conflits familiaux, l'internat doit là encore être vu comme une seconde option. Un plan B. "L'enfant a besoin d'être rassuré, de se recréer un monde à lui où il a déjà des repères, estime Angélique Kosinski. Là, au lieu de le rassurer, on va le mettre dans un endroit où il a encore moins de repères. Pour lui c'est la double peine. Il risque de se sentir abandonné." Selon la médecin, "c'est aux parents de prendre sur eux. Ce sont des adultes. Ils se doivent de protéger leurs enfants et de se mettre d'accord sur certains points pour les préserver". Et d'ajouter : "Si on choisissait l'internat dès qu'il y a des tensions au sein d'un couple, tous les enfants seraient en pension dans ces cas-là".
Enfin, si l'enfant souffre de problèmes de comportement, la première chose à faire, estime Angélique Kosinski est d'aller consulter un professionnel. "Avec un psy, on peut améliorer ça en très peu de temps. Il est important que l'enfant s'explique face à un tiers. Parce qu'il y a beaucoup de conflits non-dits, surtout chez les adolescents. C'est l'endroit où on peut se décharger, se déverser d'un trop plein", indique-t-elle. Et de rappeler : "Ce n'est pas une baguette magique, l'internat".
L'internat, un lieu inadapté pour certains enfants
"Pour la grande majorité des cas, c'est par amour que les parents demandent cette aide-là, assure Emmanuelle Barsot. Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'ils nous les déposent." Mais malgré toutes les bonnes raisons et l'amour du monde, l'internat n'est pas un lieu adapté à tous les enfants. Ainsi, si de nombreux dispositifs ont été mis en œuvre à Saint-Etienne pour le bien-être des pensionnaires les plus jeunes, la directrice le concède : "il est évident que l'accueil des tout-petits n'est pas dans l'ordre des choses. Lorsqu'on les accueille, c'est qu'il y a vraiment eu une démarche de la famille. C'est un réel choix, avec une histoire personnelle, qui les a amenés à ça".
Angélique Kosinski, elle, aimerait voir ces placements évités au maximum : "L'enfant est encore en train de se développer. Il a encore besoin du soutien de ses parents et de s'identifier à eux. En internat, il va se développer à faire tout correctement, mais avec des substituts de parents. Je ne dis pas que ça n'est pas bien mais si on peut empêcher ça, c'est mieux à mon sens." L'enfant serait également, selon la psychologue clinicienne, plus enclin à vivre son enfance en accéléré. "Chaque chose en son temps. Déjà que les enfants d'aujourd'hui vont très vite... L'internat leur fait sauter d'autant plus d'étapes. Si les parents peuvent attendre le collège, c'est peut-être mieux."
Chez les enfants très sensibles [...], un placement en internat n'est pas une bonne idée
Angélique Kosinski, psychologue clinicienne pour enfants et adolescents
Au-delà de l'âge, certains caractères peuvent également ne pas être adaptés à une telle vie. Si les enfants aux troubles du comportement trop importants relèvent plutôt d'établissements spécialisés, les enfants émotifs peuvent également avoir du mal à trouver leur place. "Chez les enfants très sensibles qui n'arrivent pas à passer le cap de la séparation, un placement en internat n'est pas une bonne idée, assure Angélique Kosinski. Il risque de se renfermer sur lui-même et de passer une mauvaise année."
Selon elle, le risque d'être pris en bouc-émissaire par ses camarades est plus grand que pour un autre enfant au caractère plus affirmé. "Il faut vraiment être très, très vigilant par rapport à ça. Quand il sort de l'école et qu'il rentre chez lui, l'enfant a au moins une soupape de sécurité. En pension, il est tout le temps avec son harceleur. On a beau dire que les adultes sont là, ils ne voient pas tout."
Pour se prémunir de possibles échecs, l'internat de Saint-Etienne, après une fine étude du dossier d'inscription, propose aux enfants inscrits une journée et une nuit d'essai. Les enfants qui ne semblent pas être adaptés au cadre ne sont pas admis. Ceux qui le sont, en revanche, semblent en tirer, selon Emmanuelle Barsot, de nombreux bénéfices. "On a des fois des enfants qui arrivent le regard et le visage un peu durs. Parce qu'ils ont vécu chez eux des choses pas toujours faciles. Et au fil des semaines, on voit le visage s'adoucir et les enfants s'apaiser. Du coup, ils sont prêts à rentrer plus facilement dans les apprentissages. C'est la corrélation : "je vais bien donc je m'autorise à être heureux et je m'autorise à apprendre."
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