Elles veulent donner la parole aux femmes sur Youtube

Anaïs Condomines
Publié le 20 avril 2017 à 19h27
Elles veulent donner la parole aux femmes sur Youtube

YOUTUBE POUR TOU(TE)S - Un documentaire questionne la place des femmes sur Youtube, entre cyber harcèlement rarement sanctionné et difficile représentation en dehors des sentiers rebattus de la beauté ou du lifestyle.

"J'ai trop peur qu'on me pense pas assez pointue. (...) Autant j'ai une culture cinématographique nulle, autant je connais beaucoup de musiques et de styles différents. Donc en fait, je sais que je suis calée, mais je sais pas, j'ai un peu peur. En t'en parlant, je crois vraiment que c'est parce que je suis une gonzesse, c'est terrible... c'est un cauchemar!" Ces mots, ce sont ceux de Lola Dubini , chanteuse et créatrice d'une chaîne Youtube sur la musique. Aux côtés d'autres vidéastes influentes, elle témoigne dans le cadre du documentaire "Elles prennent la parole", qui interroge la place des femmes sur Youtube. 

Sa prise de conscience soudaine, dévoilée avec humour, pourrait prêter à sourire si elle ne mettait pas en lumière de manière criante les obstacles rencontrés par les femmes avant de se lancer dans l'aventure Youtube. Des obstacles d'abord dressés par elles-mêmes. C'est en tout cas ce que cherchait à montrer Léa Bordier, co-réalisatrice du documentaire avec Lisa Miguet, qui raconte à LCI : "On est parties du constat que ce sont naturellement des figures masculines qui viennent en tête quand on pense à des stars de Youtube. Et pour cause : les hommes sont beaucoup plus nombreux à y faire des vidéos, sur des sujets très variés. En revanche, le peu de femmes que l'on cite, souvent, réussisent sur des chaînes beauté et lifestyle. Dans le cadre de l'association 'Les Internettes', créée en avril 2016, on voulait valoriser la création féminine et mettre en avant celles qui parlent aussi de sciences, d'art, de culture..."

"Youtube, le reflet de la société"

Premier barrière donc, la faible confiance en soi. Les youtubeuses sont nombreuses à avouer qu'en l'absence de "rôle-modèle", de figure inspirante et précurseuse en la matière, elles ont longtemps pensé n'avoir aucune légitimité pour disserter en ligne sur la physique quantique ou l'Histoire. "En fait, Youtube est le reflet parfait de la société", remarque encore Léa Bordier. "Les problématiques rencontrées par les jeunes femmes y sont les mêmes que dans la vraie vie. Tout simplement parce qu'Internet, c'est la vraie vie."

Alors, comme dans les rues lorsqu'elles se promènent, les femmes sont harcelées en ligne lorsqu'elles font des vidéos. Un cyber harcèlement lourd et récurrent, visible à travers des centaines de commentaires injurieux ou dégradants, que les réalisatrices ne pouvaient laisser de côté dans leur documentaire. "Au début, on n'avait pas prévu d'en parler autant. Et puis elles étaient tellement nombreuses à l'avoir vécu qu'on a compris qu'il s'agissait d'un problème central." 

Des harceleurs impunis

Central, et impuni. Menaces de mort, menaces de viol, remarques indécentes sur le physique et même tentative d'intrusion au domicile de certaines, le quotidien des Youtubeuses en matière de cyber harcèlement est bien garni. Et si la loi existe pour réprimer les comportements des harceleurs, force est de constater qu'ils ne sont, dans les faits, que rarement sanctionnés. Léa poursuit : "La ministre des droits des Femmes, que nous avons interviewée, est au courant de ces problématiques. Mais il est encore difficile de voir émerger des actions directes. Quant aux youtubeuses harcelées, il leur est impossible de porter plainte contre des milliers de personnes à la fois."

Une chose est sûre, en attendant. Pour Léa, certains de ces obstacles pourraient un jour disparaître si de plus en plus de femmes se mettaient aux vidéos sur Youtube. Et n'incarnaient plus une exception mais la norme. "Malgré tout, on veut laisser un message positif. Et donner envie à plein de jeunes femmes de se lancer sans pour autant se cantonner aux sujets étiquettés féminins".


Anaïs Condomines

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