VIOLENCES SEXUELLES- Depuis dimanche, des victimes d'inceste et de pédocriminalité témoignent sur Twitter sous le hashtag #MeTooAmnesie. Elles évoquent ce mécanisme d'oubli qui les empêche de se souvenir des violences subies. Explications avec Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie.
Depuis dimanche, la mention #MeeTooAmnesie déferle sur les réseaux sociaux. Derrière cet hashtag, des victimes de violences sexuelles ont pris la parole pour évoquer l'amnésie traumatique qu'elles avaient subie. Alors que des associations demandent l'imprescriptibilité des crimes sexuels, que savons-nous sur ce mécanisme d'oubli entraînant l'impossibilité pour la victime de se rappeler des violences ?
Tout d'abord, ce symptôme médical survient chez les personnes ayant vécu des traumatismes importants. Il est d'autant plus fréquent chez les plus jeunes victimes d'inceste ou de pédocriminalité. "Dans le cadre des violences sexuelles pendant l'enfance, on retrouve jusqu'à 40% des individus qui présentent des amnésies traumatiques, explique Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie.
Quand le cerveau "disjoncte"
Comment expliquer l'enfouissement de ces souvenirs ? "Ce n'est pas un phénomène psychanalytique. La victime ne décide pas d'oublier. C'est son cerveau qui met en place un mécanisme de sauvegarde au moment des violences", répond Muriel Salmona. En d'autres termes, le cerveau "disjoncte" et "interrompt le circuit émotionnel". En réalisant cette prouesse, le système cérébral empêche la sécrétion trop importante d'hormones de stress qui peut entraîner une mort subite ou d'un arrêt cardiaque.
Ce phénomène particulier à un nom : la dissociation traumatique. "La victime devient spectatrice de l'événement comme si elle se trouvait à l'extérieur de son corps", décrit Muriel Salmona. Elle ne ressent plus rien. Or, ce sont nos émotions qui permettent de construire des souvenirs. " Normalement, on se rappelle des moments passés en fonction de nos émotions. Sans eux, on se retrouve dans un brouillard total. Tout devient gris et au même niveau", explique-t-elle.
À noter que l'amnésie traumatique a été documentée à partir du XXe siècle. Dans les années 1920, elle a été décrite à partir du récit des soldats partis à la guerre. Trente ans après, les féministes américaines montaient au créneau déclarant que victimes de violences sexuelles présentaient les même symptômes que ceux retrouvés chez les militaires.
Une impression de vide total
Muriel Salmona, psychiatre
On peut distinguer plusieurs types d'amnésie : partielle ou totale. "Souvent, les victimes savent qu'elles ont vécu quelque chose, mais elles ignorent ce que c'est", continue la psychiatre. Si elles n'ont pas les images des violences en tête, ces personnes ne se sentent pas mieux pour autant. "Les victimes vont connaître des symptômes psychiques ou physiques qu'elles ne peuvent pas relier à ce qui leur est arrivé, indique Muriel Salmona. Conséquences ? Elles peuvent connaître une impression de vide totale. Comme si elles étaient déjà mortes." Certaines victimes peuvent rester plus de vingt ans dans cet état de dissociation traumatique.
À quel moment va-t-elle pouvoir s'extirper de cette situation ? "Lorsqu'elle est enfin sécurisée, protégée et à distance de l'agresseur. Par exemple, lorsque la victime atteint l'âge adulte et a refait sa vie ailleurs", répond Muriel Salmona. Mais si la personne est maintenue dans un environnement violent, elle restera dans cet état d'amnésie. "Souvent les femmes - touchées à 80% par les crimes d'inceste - restent plus longtemps en choc traumatique car elles ont plus de chance de subir de nouvelles violences", précise la psychiatre.
Quand les souvenirs resurgissent, l'épisode peut s'avérer violent pour la victime. "Elle va revivre les événements comme une machine à remonter le temps", commente Muriel Salmona. Parfois, un geste ou bien un bruit va créer en elle des crises d'angoisse qui peuvent se répéter." Pour ma femme, les souvenirs sont remontés lorsqu'un ami a demandé des nouvelles de son agresseur qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Ça a été très violent", reprend Pierrick. Sa femme a connu une amnésie traumatique pendant 27 ans. Elle est la présidente de l'association Enfance V(i)olée. Lorsqu'elle s'est rappelée des violences subies,"c'était comme une détonation dans le cerveau."
Quand les événements passés remontent, le discours des victimes est souvent désorganisé et fragmenté. Impossible pour elles d'aller directement porter plainte. Afin d'ordonner leurs souvenirs, certaines utilisent la technique de l'EDMR. Basée sur des mouvements oculaires, cette méthode permet de soigner l'hypersensibilité de la victime. "Elles revivent les scènes. Le cerveau traite ces informations mais enlève l'affect autour. Cette technique a permis à ma femme de parler librement de ce qu'il s'était passé. Elle est plus apaisée", estime Pierrick. Cependant, Muriel Salmona n'est pas du même avis. Selon elle, déconnecter les émotions des souvenirs permettrait de "perpétuer l'amnésie traumatique."
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