L'attaque au couteau, survenue ce jeudi dans un parc d'Annecy, a suscité le choc et l'effroi.Pour les plus jeunes, susceptibles d'en entendre parler, voire de tomber sur des images, via les réseaux sociaux et parfois malgré eux, le potentiel traumatique est fort.Nicolas Georgieff, pédopsychiatre, insiste sur le rôle clé des parents qui doivent, face à un tel drame, rester "rationnels".
Au lendemain de l'attaque au couteau dirigée contre de très jeunes enfants sur une aire de jeu du centre historique d'Annecy, l'émotion reste vive. Celle-ci s'accompagne également de questions, notamment chez les plus jeunes susceptibles d'avoir entendu parler du drame à l'école ou dans les médias. Il arrive que certains d'entre eux se trouvent également confrontés à des images, malgré eux ou via leur smartphone, et donc en l'absence d'adulte. Or, du fait de sa nature et du profil des victimes, l'évènement renferme un fort potentiel traumatique pour ces derniers.
Comment aborder ce sujet lourd avec eux ? Comment parvenir à les rassurer ? Le pédopsychiatre Nicolas Georgieff, sollicité par TF1info, livre ses conseils aux parents, qui doivent avant toute chose "rester rationnels".
"La transgression d'un tabou ultime"
La nature du sujet doit-elle conduire les parents à le passer sous silence ?
Il y a, derrière cette question, d'abord celle de l'exposition. Il n'y a pas de nécessité à aller au devant en mettant ces faits sous l'attention des enfants s'ils n'en ont pas eu connaissance. Il y a un certain nombre de sujets d'actualité dont il vaut mieux en effet protéger les plus petits, ces derniers n'ont pas à être informés de ce qu'il se passe dans le monde en temps réel. En d'autres termes, il n'y a pas lieu, sur ce sujet, de faire de la prévention auprès d'enfants à moins que l'on ne soit pas certain qu'ils y aient été exposés. En revanche, s'ils viennent à poser des questions, il est important d'y répondre et de les rassurer.
En quoi est-il important de les rassurer ?
Les enfants peuvent être traumatisés après un tel drame. Lorsqu'il s'agit de violences commises par des humains sur des humains, et donc d'assassinats ou de crimes de guerre par exemple, le psychotraumatisme est majeur. Les violences humaines sont vraiment les plus traumatiques, notamment en comparaison aux accidents et aux catastrophes naturelles parce qu'elles révèlent le potentiel criminel de l'homme. Et, bien entendu, il y a un pas de plus de franchi quand il s'agit d'intenter à la vie de l'enfant. C'est la transgression d'un tabou ultime et l'on voit bien d'ailleurs depuis hier à travers les réactions, y compris politiques, cette transgression d'un tabou absolu. Ce passage à l'acte, c'est le cauchemar qui devient réel.
Il est toutefois intéressant de noter que ces crimes innommables ont toujours existé, y compris dans les plus vieux contes pour enfants car les enfants par nature sont vulnérables. Les contes de fée sont remplis d'histoire d'infanticides commis par des monstres, des ogres qui sont en fait des figures d'adultes.
"Ce qui est arrivé n'arrive normalement jamais"
Quelle attitude adopter pour aborder un sujet aussi lourd avec son enfant ?
Ce qui va être déterminant, c'est la manière dont le parent gère lui-même la chose. Si le parent traite le sujet, certes lourd, de manière rationnelle et raisonnable, l'enfant devrait d'emblée être beaucoup plus rassuré. A contrario, si le parent rencontre des difficultés pour gérer le sujet en question, cela risque de majorer l'angoisse de l'enfant. C'est ce qui se produit en cas de choc émotionnel qui fait disparaitre la raison. Or, si l'on reste rationnel, ce qui est arrivé à Annecy n'est pas censé arriver et n'arrive normalement jamais, le risque qu'un adulte tue un enfant est quasi nul. Pour évoquer cette dramatique actualité, c'est cela que doit se répéter l'adulte pour garder la raison face à son enfant et réussir à le rassurer.
Mais l'on voit bien que la prévention du psycho-traumatisme dans pareil cas concerne autant l'enfant que le parent qui, rappelons-le, a conservé une part d'enfant en lui qu'une actualité pareille peut réveiller. En cas de difficultés rencontrées, si l'enfant manifeste des symptômes susceptibles d'être liés à l'actualité comme des troubles du sommeil, ou des crises d'angoisse, là, très concrètement, il faut que le parent aille chercher un peu d'appui et consulte un spécialiste.
"Les enfants ont besoin de justice"
Quels sont les points sur lesquels on peut insister lors de la discussion, pour rassurer son enfant ?
Ce que redoute l'enfant au fond, ce qui peut être vraiment terrifiant pour lui en entendant parler de cette actualité ou en tombant sur des images, c'est que ce qui arrive à ses semblables lui arrive à lui. Il y a de l'empathie bien sûr, mais l'enfant par nature est égoïste, psychologiquement parlant. Donc en premier lieu, il faut insister sur le fait que ce qui est arrivé n'arrive normalement jamais, que cela n'arrivera plus et que les adultes sont là pour le protéger. Il faut aussi lui expliquer que la société va faire ce qu'il faut elle aussi, qu'elle va traiter l'affaire, car les enfants ont un sens inné de la justice, ils ont besoin de justice : ils ont besoin que le méchant soit puni. Dans le cas d'Annecy, il peut être utile d'expliquer par exemple que "le méchant" a déjà été arrêté.
Ensuite, en marge de cette discussion, ce qui rassure l'enfant, ce sont des choses de bon sens, qu'on a souvent tendance à oublier en tant que parent. L'enfant, pour être bien, même lorsqu'il est confronté à un sujet grave, a besoin que l'on réponde à ses besoins vitaux, à ses besoins d'amour, d'attachement et de valorisation, qu'on se soucie de lui, qu'on le stimule, notamment par le jeu et qu'on le sécurise. S'il a tout cela, il a toutes les ressources en lui pour surmonter les étapes difficiles et il peut résister à tout. Même au pire. Car, encore une fois, le drame d'Annecy n'est pas révélateur du quotidien. Ce qui l'est en revanche pour plus d'enfants qu'on ne l'imagine, ce sont les drames de la vie comme la maladie, les décès, les abus, la violence intra-familiale. Et de ces sujets aussi, il faut savoir parler avec les enfants.
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