ENQUÊTE - Intrusions, agressions... En matière de sécurité, les hôpitaux sont "de vraies passoires"

par M.L | Reportage TF1 Julien Cressens, Marie Belot et Erina Fourny
Publié le 10 mai 2023 à 8h00

Source : JT 20h Semaine

Selon les derniers chiffres officiels, plus de 34.500 personnes ont été victimes en 2021 d'incivilités, de violences, de dégradations ou de vols dans des établissements de santé.
Parmi eux, une majorité de personnels, mais aussi des patients.
De récentes intrusions au sein d'hôpitaux ont jeté la lumière sur d'inquiétantes failles de sécurité.

Son séjour à l'hôpital a tourné au cauchemar. Le 27 juillet dernier, une septuagénaire se remettait d'une chute au Centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, quand elle a été agressée et violée par un homme étranger à l'établissement. Arrivée quelques minutes plus tard à son chevet, sa fille n'oubliera jamais le regard de sa mère ce jour-là. "Elle avait l'air plus petite que jamais, fatiguée et dévastée", se souvient Sandrine, dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article. Toujours renversée par le drame, elle est aussi en colère. 

Mi-septembre, un suspect avait été identifié. L'homme, un sans-abri, avait été mis en examen pour viols, soupçonné d'avoir agressé la victime, ainsi qu'une autre patiente, septuagénaire également, qu'il aurait aussi violée le même jour, à trente minutes d'intervalle. D'après Sandrine, l'agresseur est entré dans l'hôpital par une issue de secours défaillante. Pour le prouver, elle a fourni une vidéo tournée selon elle le lendemain du viol, dans laquelle on aperçoit la personne qui filme ouvrir une porte vitrée sans difficulté, depuis l'extérieur, ce qui devrait en théorie être impossible.

Les proches de la victime affirment avoir repéré ce dysfonctionnement et en avoir alerté l'établissement quelques jours avant l'agression. "Cela me met en colère, parce que l'hôpital doit être sanctuarisé", martèle Sandrine. Selon l'avocate de sa mère, il n'y avait ni caméra ni vigile dans le bâtiment au moment des faits. L'hôpital de Nanterre a-t-il fait preuve de négligence ? 

"Des portes mal fermées, bloquées avec des cales"

L'ancienne patiente a déposé une plainte contre l'établissement et sa directrice pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui. Une enquête a été ouverte mi-novembre, selon le parquet de Nanterre. Le centre hospitalier a refusé les demandes d'interview de TF1 mais a transmis une courte réponse par mail : "Nous réservons nos réponses à la justice, sur les circonstances des faits et les mesures en vigueur au sein de l'établissement".

À la suite du viol des deux patientes, l'établissement avait assuré à l'AFP avoir pris "des mesures complémentaires de sécurité", notamment "un renforcement des contrôles à l'entrée de l'hôpital" et "des rondes plus fréquentes des agents de sécurité". L'agresseur présumé, lui, a été arrêté et placé en détention provisoire dans l'attente de son jugement. 

La famille de la patiente n'est pas la seule à vouloir alerter sur le manque de sécurité de certains hôpitaux. Dans une vidéo que le JT de TF1 s'est procuré, un employé s'est aussi filmé dans le centre hospitalier où il travaille, se montrant en train d'ouvrir sans mal une issue de secours grillagée, depuis une cour. Au bout d'un escalier, il trouve une porte grande ouverte, bloquée avec une chaise. Cet accès est pourtant extrêmement sensible, puisqu'il débouche sur le service des soins intensifs, selon lui.

En découvrant la vidéo, un infirmier expérimenté n'a pas été surpris. "Les hôpitaux sont de vraies passoires", lâche le professionnel de santé, qui témoigne à visage masqué. En 35 ans de carrière, il affirme avoir observé ces défaillances dans de nombreux hôpitaux au niveau des infrastructures, mais aussi à cause de négligences du personnel. "Il y a des portes qui sont mal fermées, ou bloquées avec des cales. Parce que c'est plus pratique, parce que c'est un petit raccourci pour aller chercher les résultats au labo, ou parce qu'il y a le livreur qui vient amener de la nourriture aux équipes le soir, et que cela leur évite de descendre lui ouvrir", énumère-t-il. "C'est la facilité. En faisant ça, ils ne se rendent pas compte du danger que cela représente." 

Depuis 2017, des millions d'euros débloqués

Pour lui, la sécurisation des hôpitaux est urgente. Des aides sont pourtant allouées chaque année aux établissements de santé depuis six ans. Fréquemment confronté à des intrusions et des agressions, l'hôpital d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône, a récemment reçu une enveloppe de 200.000 euros, de quoi lui permettre notamment d'installer de nouvelles caméras, un système de badges ainsi qu'un dispositif de fermeture des portes à distance, grâce à un interrupteur. "En mode jour, les portes s'ouvrent automatiquement si une présence est détectée, et au moindre danger on peut passer en mode nuit, qui verrouille ces portes", détaille Emmanuel Nicolas, responsable sécurité du centre.

Moins de deux ans après avoir sécurisé son établissement, la directrice se félicite déjà de bons résultats. "On avait en moyenne plus d'une agression par mois au sein du service des urgences en 2021. En 2022, on ne compte plus que sept agressions par an, donc on a divisé par deux leur nombre", relève Sylvia Breton. Depuis 2017, 25 millions d'euros sont dédiés chaque année à la sécurisation des hôpitaux. 


M.L | Reportage TF1 Julien Cressens, Marie Belot et Erina Fourny

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