"Ensemble, on a un pouvoir extraordinaire" : i-boycott veut faire trembler les multinationales

par Sibylle LAURENT
Publié le 2 juin 2016 à 17h57
"Ensemble, on a un pouvoir extraordinaire" : i-boycott veut faire trembler les multinationales

CONSOMMATEURS MAIS ACTEURS - Pour agir, dans une société de consommation, il faut frapper au porte-monnaie. Ce pourrait être la devise d'i-boycott, plateforme citoyenne lancée mercredi. Complémentaire des plateformes de pétitions citoyennes, elle vise à mobiliser pour faire bouger les grandes multinationales épinglées pour des scandales ou dérives.

Ils veulent faire plier les multinationales. Et pensent avoir trouvé la faille de leur système : le porte-monnaie. Le défi d' i-boycott.org , "première plateforme citoyenne de boycott responsable et de buycott", a été lancé mercredi. Chacun, citoyen ou association, peut y lancer sa campagne de "boycott responsable". Préparez-vous, ça va secouer. 

A l'origine, deux frères, Levent et Bulent, bien sensibilisés au milieu associatif, à l'économie sociale et solidaire. Au téléphone, c'est Levent qui nous répond. L'ingénieur en informatique de 28 ans est emballé. Enthousiaste. Il faut dire que pour l'instant, les affaires roulent. Galopent, même. Les deux premiers appels au boycott, contre H&M et Petit navire, lancés mercredi soir, dépassent largement déjà le millier de boycotteurs. La page Facebook affiche 35.000 fans. "On reçoit des demandes d'Argentine, de Grande-Bretagne, de Pologne pour traduire le site", se réjouit Levent. "Les gens veulent agir et se rendent compte qu'ensemble, on a un pouvoir extraordinaire, pacifique !"

"Dans une société de consommation, il faut frapper au portefeuille"

En fait, le constat de départ est simple. "Aujourd'hui, la grosse majorité des scandales proviennent des multinationales, qui jouissent d'une certaine impunité", souligne Levent. "Par exemple en 2013, quand il y a eu l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, cette usine de textile où des milliers d'ouvriers travaillaient pour des grandes firmes dans des conditions indignes, il y a eu 1200 morts. Le buzz a duré trois jours. Puis tout a été oublié." De plus en plus, en réaction à des dérives, des initiatives locales se montent, émergent. "La nouvelle génération recherche de l'éthique, des valeurs, et c'est très bien", constate Levent. "Mais les initiatives locales sont des gouttes d'eau par rapport aux dégâts humains et éthiques que peuvent causer certaines multinationales".

Alors, comment agir ?  La réponse est très pragmatique. "Dans une société de consommation, c'est le portefeuille qui importe. Les bénéfices d'une entreprise, les dividendes qu'elle va reverser à ses actionnaires. C'est donc là où il faut frapper pour être entendu." Alors Levent et son frère ont fait un rêve : "Imaginez la force que pourraient avoir des centaines de milliers de consom'acteurs, qui réfléchissent à la manière dont ils dépensent leur argent...  C'est une arme redoutable..." Utopique ?

"Le boycott, c'est s'exprimer par son achat"

Le boycott, Levent le reconnaît, a mauvaise presse en France. "Beaucoup pensent que c'est interdit", reconnaît le jeune homme. "D'autres pensent directement boycott d'Israël… Il faut oublier ces clichés. Le boycott, c'est surtout s'exprimer par son achat." En octobre dernier, les deux frères ont lancé une campagne de financement participatif en ligne. Histoire de prendre la température. Et là, bonne surprise. "On a cassé toutes les statistiques !", se réjouit Levent. 40.000 partages, 140% de la somme récoltée, des CV reçus de tous les pays du monde pour participer au projet… A tel point qu'à l'heure du lancement, le 1er juin, une vingtaine de bénévoles constituait l'équipe de base. "On a des juristes, experts, comptables, ingénieurs réseaux, journalistes, dessinateurs... " Partout en France, même à Bruxelles, Montréal ou Rio, ils font carburer leur intelligence collective.

Ce boycott, c'est, pour i-boycott, le retour à la démocratie directe, le poids du nombre, un renversement du système où chacun peut peser. La plateforme reçoit déjà un large soutien du monde associatif. Mais là, elle veut toucher aussi les "non-militants" : "C'est facile, accessible à tous. On peut être affalé sur son canapé toute la journée, et être un très bon boycotteur !" Et attention, ce boycott est "pacifiste. "Notre défi est de créer un contre-pouvoir bienveillant", explique Levant.

"Il y a un scandale ? On boycotte, et grâce à ça, on fait évoluer l'entreprise." Car i-boycott donne un droit de réponses aux firmes épinglées. "Quand on lance une campagne de boycott, les revendications doivent être énoncées clairement, les faits reprochés doivent être sourcés. On ne veut pas de contrefaçon, pas de dénigrement, pas de diffamation, pas de discrimination", rappelle Levent. Et, quand un certain seuil de boycotteurs est atteint, l'entreprise concernée est informée. Peut répondre. Et à partir de là, les internautes décident de lever, ou non, leur blocus. Ce projet, Levent y croit."C'est une phobie des grosses entreprises : on les met directement face à des consommateurs. Et on touche les deux piliers de la société de consommation : l'argent, et l'image de la marque."

> Vous n'avez rien compris ? La démarche d'i-boycott est expliquée en BD par ici.
> Plus généralement, tous les détails sur le site i-boycott.org ou sur leur page Facebook 


Sibylle LAURENT

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