Coronavirus : la pandémie qui bouleverse la planète

"Les clémentines ont un goût de ferraille" : ils ont un "Covid long" et n'en peuvent plus

Publié le 9 février 2021 à 8h18
"Les clémentines ont un goût de ferraille" : ils ont un "Covid long" et n'en peuvent plus

Source : Istock

ÉNIGMATIQUE - Un an après le début de la pandémie, l'OMS va tenter de résoudre le mystère du "Covid long", cette persistance des symptômes après une infection au coronavirus, en organisant ce 9 février le premier séminaire virtuel sur le sujet. Une bonne nouvelle pour ces malades qui tentent depuis longtemps de se faire entendre.

"Nous sommes avec vous". Les malades ne s'y attendaient plus, eux qui combattent depuis des mois, souvent très seuls, les effets à long terme de leur infection au coronavirus. L'OMS a décidé de porter toute son attention au "Covid long", cette forme chronique du Sars-CoV-2 - qu'elle avait reconnu en août comme une réelle pathologie - en lançant ce mardi 9 février le premier séminaire virtuel qui rassemblera des cliniciens, des chercheurs et des experts. Leur but : trouver une définition de la maladie, lui donner un nom formel et harmoniser les méthodes pour l'étudier. Depuis l'apparition de l'épidémie, on ne sait toujours pas vraiment pourquoi certains malades vivent pendant des mois avec les symptômes persistants du Covid, aussi divers que variés. 

Et si quelques études commencent à lever un coin du voile, la dernière en date, publiée le 8 janvier dans  la revue scientifique The Lancet, dresse un tableau plutôt inquiétant de la situation. Après avoir examiné près de 2500 personnes hospitalisées au printemps, un groupe de chercheurs chinois a en effet constaté que six mois plus tard : les trois quarts (76%) présentent encore un symptôme au moins, et près des deux tiers (63%) souffrent d’épuisement et de faiblesse musculaire. Des troubles du sommeil, des crises d’angoisse, de la dépression et une altération du fonctionnement des poumons sont également courants. 13% souffrent par ailleurs d’une défaillance des reins.

C'était comme un calendrier de l'Avent, chaque jour il y avait une surprise, quelque chose de nouveau. Une tête lourde, des maux d'estomac, des acouphènes...

Paul Garner, spécialiste des maladies infectieuses à la Liverpool School of Tropical Medicine

Aujourd'hui, on ne compte plus les témoignages de ces patients qui, pour la plupart, n'ont même pas été hospitalisés, et sont, pour certains, des jeunes sportifs. Ils connaissent pourtant une maladie qui s'éternise inexplicablement. Des cas considérés comme "bénins" mais dont les récits n’ont rien d'anodin. Paul Garner, professeur, spécialiste des maladies infectieuses à la Liverpool School of Tropical Medicine, a été l’un des premiers à décrire les symptômes du "Covid long", dès le mois de mai. Et pour cause, il parle de sa propre infection contracté à la mi-mars, et décrit dans un blog ses séquelles prolongées comme un "tour de montagnes russes"

"Pendant près de sept semaines, j'ai enchaîné les émotions extrêmes, accompagné d'un épuisement total. Bien que non hospitalisé, cela a été effrayant et long. La maladie va et vient, mais ne disparaît jamais", raconte-t-il. "C'était comme un calendrier de l'Avent, chaque jour il y avait une surprise, quelque chose de nouveau. Une tête lourde, un mollet extrêmement douloureux, des maux d'estomac, des acouphènes, des fourmis, mal partout, un essoufflement, des vertiges, de l'arthrite dans mes mains, une sensation étrange dans la peau lorsque je touchais des matériaux synthétiques...", détaille-t-il. 

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"Comme une odeur de fumée permanente"

Bruno a lui-aussi connu ces "montagnes russes". Également contaminé en mars, cet informaticien breton de 50 ans a vécu "deux semaines éprouvantes, physiquement et moralement". Mais il a "tenu bon" s'accrochant à l'idée "que les malades guérissaient au bout de quatorze jours". Sauf que durant de long mois, sa santé est restée sanglée "à un petit wagonnet de montagnes russes", écrit-il sur Facebook. "Les symptômes et douleurs apparaissent, disparaissent, reviennent encore, changent de forme, s'installent dans un organe, puis dans un autre. Cet effet yo-yo sape le moral implacablement, systématiquement. Contrairement à toute autre convalescence, l'état de santé varie d'un jour à l'autre, voire d'heures en heures", poursuit-il, ajoutant que "les trêves sont de courte durée et trompeuses, le moindre effort physique se payant comptant". Bruno se sent aujourd'hui "peut-être" tiré d’affaire. À part encore quelques "petits soucis de mémoire", l’essoufflement, les douleurs articulaires et musculaires, les œdèmes, et la fatigue ont disparu.

Le Covid long est protéiforme, et touche aussi des sujets jeunes. Pauline a 25 ans. Cette jeune Parisienne était en bonne santé, avant de "choper le Covid" aux États-Unis. Partie en mars faire un stage à New York dans le cadre de son école de commerce, elle ne pensait pas ramener un tel souvenir de son voyage. "J'étais quasiment asymptomatique lors du pic de la maladie, comme mes colocataires d'ailleurs. J'avais juste perdu le goût et l'odorat", dit-elle à LCI. La jeune femme ne s'en inquiète pas davantage, et retrouve petit à petit ses sens. Sauf que plusieurs mois après, elle a développé des odeurs "fantômes" quasiment exclusivement désagréables. "Comme une odeur de fumée permanente", précise-t-elle, tout en illustrant son propos : "Un jour ma mère faisait cuire un poulet au four, et je suis rentrée dans la cuisine en panique, persuadée que le volatile était en train de carboniser. Interloquée, ma mère a ouvert la porte du four, et le poulet me narguait de sa parfaite couleur jaune dorée. Mon odorat m'avait encore joué des tours. Une situation usante au quotidien", reconnaît-elle. 

Nivin, elle, c'est son goût qui lui fait encore des siennes. Cette jeune femme de 28 ans, tombée malade début septembre, avec un fort syndrome grippal durant quinze jours (40°C de fièvre, courbatures, maux de tête), a elle aussi rapidement perdu le goût et l'odorat. "J'avais beaucoup de mal à m'alimenter, car sans goût et odorat, c'est très compliqué de manger", raconte-t-elle. Résultat, elle perd 7 kilos en trois mois, passant de 52 à 45 kilos. Et son calvaire se poursuit aujourd'hui puisque six mois après, même si elle estime avoir retrouvé 60 à 70% de son goût, beaucoup d'aliments restent sans saveur. "Typiquement, mardi c'était la chandeleur donc j'ai fait des crêpes avec du Nutella et de la noix de coco, mais ni l'un ni l'autre n'étaient reconnaissables. Par ailleurs, tout ce qui est un peu fade, pas épicé, est insipide", détaille-t-elle. Pire, certains aliments ont carrément changé de goût. "J'adore les clémentines, et bien maintenant elles ont un goût de ferraille et de rouille. Même chose pour les produits laitiers qui ont tous ce goût terreux, infâme", se lamente-t-elle. Son alimentation a donc dû être revu de fond en comble, d'autant que la jeune femme ne digère plus certains aliments. Ainsi les plats de pâtes dont elle se délectait ne sont plus qu'un lointain souvenir cdepuis qu'elle ne supporte plus aucun féculent. Et que dire de cette sensation de nez bouché qui la poursuit inlassablement lui donnant l'impression d'être toujours en apnée. 

Face à ces maux qui les rongent et vont et viennent par vagues, les malades attendent, outre la reconnaissance, une prise en charge adaptée. C’est l’un des objectifs de la proposition de résolution que vient de déposer la députée de l'Hérault Patricia Mirallès, passée elle-aussi par la case "Covid long". Cosignée par les groupes LREM, Modem et Agir, elle sera examinée à l’Assemblée le 17 février. Même si le chemin risque encore d'être long pour ces malades qui se sentent parfois incompris, "gardez espoir", a lancé Janet Diaz, la responsable de l'OMS en charge de ce dossier, comme pour mieux souligner que désormais ils ne sont plus seuls.


Virginie FAUROUX

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