Est-il vrai que deux tiers des Français éligibles au RSA n'en font pas la demande ?

Publié le 2 novembre 2021 à 18h04, mis à jour le 2 novembre 2021 à 18h12
La méconnaissance des dispositifs d'aide est régulièrement invoquée comme cause de non-recours.

La méconnaissance des dispositifs d'aide est régulièrement invoquée comme cause de non-recours.

Source : LIONEL BONAVENTURE / AFP

COMPLEXITÉ - La lourdeur de l'appareil administratif français est dénoncée par l'auteur et philosophe Gaspard Koenig. Elle entraînerait notamment un non-recours massif aux aides sociales, de l'ordre de deux tiers pour le RSA, indique-t-il. Une estimation largement exagérée.

Simplifier les normes, en finir avec une culture des formulaires, avec des démarches administratives interminables... Voilà un cheval de bataille du romancier, philosophe et essayiste Gaspard Koenig, également fondateur du parti politique "Simple". Invité de France Inter ce mardi, il a déploré les obstacles qui se dressent devant de nombreux français dans la vie de tous les jours. Des lourdeurs dont l'impact se ressent, dit-il, jusque dans la sollicitation des aides sociales. 

Prenant l'exemple du RSA, le revenu de solidarité active, il a lancé que "deux tiers des gens qui sont éligibles à cette allocation minimum ne la demandent pas ou ne peuvent l'obtenir". Une proportion assez nettement surévaluée, même si la question du non-recours demeure un problème majeur en France.

Entre 29 et 39% selon le Secours Catholique

Pour évaluer la part de non-recours aux aides sociales et au RSA en particulier, difficile de se fier à des données officielles. Les dernières en date remontent en effet à 2011, soit deux ans après son déploiement dans toute la France métropolitaine. À l'époque, la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) se penchait sur une ancienne mouture du RSA, "alors constitué d’une partie 'socle', correspondant au RSA actuel, et d’une partie 'activité', fusionnée en 2016 avec la prime pour l’emploi pour créer la prime d’activité". L'enquête en question mettait en avant que lors du dernier trimestre 2010, "le taux de recours au RSA était en moyenne de 50 % : 64 % parmi les éligibles au RSA socle seul, 67 % parmi les éligibles au RSA socle et activité et 32 % parmi les éligibles au RSA activité seul".

En se focalisant sur l'ancien RSA "socle", le plus proche du RSA tel qu'il existe aujourd'hui, on constate donc que les chiffres fournis par Gaspard Koenig se révèlent assez proches de ceux fournis par la Dares. Pour autant, il faut d'emblée rappeler qu'il s'agissait alors d'un dispositif très récent, instauré à peine plus d'un an auparavant. Parmi les obstacles mis en avant pour expliquer le non-recours, un déficit d'information a été mis en avant par des travaux parlementaires. Méconnaissance du dispositif ou des critères d'attribution figurent en tête des motifs conduisant à ne pas solliciter le RSA.

Désormais en place depuis plus de dix ans et ayant évolué avec l'instauration de la prime d'activité en remplacement du "RSA activité", cette aide fait-elle aujourd'hui toujours l'objet d'un non-recours massif ? Oui, mais pas dans les proportions évoquées par Gaspard Koenig. Si aucune étude officielle n'a fait suite à celle de 2011, une publication du Secours Catholique nous éclaire. Ce dernier a dévoilé au printemps une "étude sur le non-recours", une "dette sociale qui nous oblige" telle que l'écrivent les auteurs. Un travail auquel s'est associé l'Observatoire des non-recours aux droits et services et qui fournit diverses estimations.

Expliquant sa méthodologie, le Secours Catholique a expliqué que "la mesure du non-recours est complexe, notamment pour aborder l’éligibilité aux prestations. Les études statistiques sur le non-recours ne donnent pas des taux précis, mais des estimations intégrant des marges d’erreur." Ainsi, en ce qui concerne le RSA, le non-recours "se situerait en moyenne entre 29% et 39%", en fonction des différentes hypothèses de calcul. Cela fait écho aux chiffres proposés il y a quelques années par Sylvain Chareyron, maître de conférences en sciences économiques chez Université Paris-Est Créteil et qui livrait une évaluation de l'ordre de 28% à 35%.

Secours Catholique

SI la complexité des démarches, à laquelle s'attaque Gaspard Koenig, revient comme un facteur important du non-recours, elle n'est toutefois pas la première citée. Revient en effet toujours la question que la connaissance des dispositifs et de leurs modalités. Le site Vie Publique met d'ailleurs en avant que pour près d'une personne sur deux n'accédant pas à des aides sociales, le manque d'informations est invoqué en premier lieu. Il faut par ailleurs souligner que figure, outre la lourdeur administrative, le refus de recourir à une aide sociale, par fierté personnelle ou volonté d'autonomie.

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Thomas DESZPOT

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