RENTABILITÉ - Opposé à l'interdiction progressive des animaux sauvages dans les cirques, un dresseur du cirque Pinder a fait valoir un argument économique. Pour lui, les animaux sont nécessaires pour attirer le public et faire vivre le secteur. Une affirmation très contestable.
Ce mardi, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé une "fin progressive" des spectacles mettant en scène des animaux sauvages proposés par les cirques itinérants. Une prise de position qui a fait vivement réagir des professionnels du secteurs, opposés à une telle mesure.
Parmi eux figure Frédéric Edelstein, le dresseur de fauves du cirque Pinder, dont il fut par ailleurs un ancien directeur. Il défend fermement la présence des animaux sauvages dans les spectacles et l'a fait savoir sur LCI. "Sans les animaux, un cirque ne travaille pas", a-t-il assuré, laissant entendre que leur interdiction pénaliserait de manière considérable l'activité de ces professionnels du spectacle.
Des alternatives viables
"Les animaux sont bien au cirque, j'en ai marre d'entendre n'importe quoi", s'est exclamé Frédéric Edelstein. Un point de vue qui ne fait pourtant pas l'unanimité dans le secteur, notamment pour l’un des petits-fils de la famille Bouglione, André-Joseph, qui a fait le choix en 2017 de cesser les spectacles avec des animaux. "La plupart des cirques ne devrait pas avoir d’animaux car ils les traitent mal. C’est mon opinion. Je n’ai pas la prétention de dire aux autres cirques qu’ils doivent arrêter les animaux. Mais je pense que ma démarche peut forcer le cirque traditionnel à se remettre en question car il y a des problèmes depuis 20-30 ans", indiquait-il pour justifier ce choix.
Du côté du cirque Phénix, on partage ce point de vue. Son fondateur, Alain Pacherie, se targue d'exister "depuis 20 ans" et d'attirer en moyenne "chaque année en moyenne 400.000 spectateurs". Le tout sans animaux sauvages depuis de longues années. Ce modèle, assure-t-il, "peut tout à fait être rentable". Il invoque "le regard des spectateurs qui a changé", une évolution qui lui fait dire que les spectacles avec des lions ou des éléphants, "ce n'est aujourd'hui plus possible". Pour faire vivre les 150 personnes qui travaillent pour son cirque, Alain Pacherie assure ne compter que sur la recette des entrées : "Nous n'avons jamais touché un euro de subvention", clame-t-il.
L'exemple du cirque Phénix n'est pas isolé, puisque d'autres structures ont connu un succès au fil des ans sans pour autant faire appel à des animaux. Le cirque du Soleil notamment, sauvé de la faillite au milieu de l'été par un groupe de créanciers, mais dont les difficultés financières étaient avant tout la conséquence du Covid-19 qui a frappé de plein fouet le monde du spectacle vivant. Alain Pacherie cite par ailleurs le cirque Plume. Des pionniers, forts d'une "grosse notoriété". Une institution qui parcourait la France depuis 1984 et qui avait fait ses preuves. "Les créateurs ont récemment décidé d'arrêter, mais ce n'est pas pour des raisons économiques. Ils ne souhaitaient juste pas que quelqu'un prenne leur suite à la fin de leur carrière."
Ces exemples tendent à montrer qu'un cirque sans animaux n'est pas nécessairement voué à l'échec, mais ne signifient pas pour autant qu'une telle interdiction sera indolore pour les Pinder et autres Gruss. Co-fondateur du cirque des Etoiles, qui propose des spectacles sans animaux, Bruno West s'exprime prudemment sur cette question qu'il juge "très compliquée". En effet, au contraire de sa structure qui vend des spectacles et se déplace en fonction des différentes réservations, le cirque traditionnel circulant de ville en ville est très exposé. Et souffrait déjà avant la crise du Covid. "Je conçois que pour des cirques comme Pinder et d'autres, une telle mesure porte un coup redoutable", glisse-t-il. "L'apport d'animaux est - ou était, c'est selon -, quelque chose qui attire les gens. Même si c'est discutable."
Le cirque Gruss, habitué comme Pinder aux spectacles avec des animaux sauvages, explique pour sa part qu'il ne s'agit pas de modèles comparables. "Phénix fonctionne uniquement sous forme de 'galas' remplis à 80% de comités d'entreprises uniquement sur les mois d'hiver à Paris... Contrairement à nous qui sommes en tournée avec 80% de tout public." Pour Gruss, la perte des animaux sera très préjudiciables : "Le public nous réclame ce type de spectacle", nous lancent les représentants du cirque.
Si une partie des spectateurs se déplacent pour voir des fauves et autres espèces "exotiques", les mœurs et les attentes du public pourraient avoir évolué avec le temps. Deux-tiers des Français (65%) qui se déclarent en effet "défavorables à la présence d’animaux sauvages dans les cirques". Un chiffre tiré d'un sondage réalisé à l'automne dernier par l'institut OpinionWay. Par ailleurs, 18% des sondés seulement "voient l’avenir du cirque avec des animaux sauvages".
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