Euthanasie : "La fin de vie et la mort relèvent-elles d'un texte législatif ?", demande Emmanuel Hirsch

I.N.
Publié le 8 avril 2021 à 10h18

Source : TF1 Info

FIN DE VIE - Alors que s'ouvre ce jeudi à l'Assemblée le débat sur l'euthanasie, Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale, reste perplexe quant à l'idée de légiférer sur ce sujet. "Il ne faudrait pas qu'il y ait une norme qui dise 'la bonne mort, ce sera sous forme d'euthanasie", indique-t-il sur LCI.

Un sujet clivant qui revient à l'Assemblée. Après une proposition de loi du député Olivier Falorni (Libertés et Territoires) pour une "fin de vie libre et choisie", le débat sur l'euthanasie retrouve à compter de ce jeudi sa place au Parlement, même si celui-ci risque de ne pas aller à son terme, faute de temps face à un barrage de milliers d'amendements. Invité de LCI, le professeur d'éthique médicale Emmanuel Hirsch se satisfait de l'avancée du débat, mais s'inquiète qu'une règle autour de l'euthanasie soit inscrite dans la loi.

"Doit-on légiférer dans ce domaine ?", se demande-t-il. "L'important ce n'est pas la mort, c'est la qualité de vie jusqu'au terme de l'existence", explique l'auteur du livre Une démocratie confinée - L'éthique quoi qu'il en coûte (éditions Érès). "La fin de vie et la mort relèvent-elles d'un texte législatif ? C'est une question que l'on peut se poser. Pour moi, non. Il ne faudrait pas qu'il y ait une norme qui dise 'la bonne mort, ce sera sous forme d'euthanasie'."

"La situation n'est pas satisfaisante, la loi de 2016 est un compromis"

Toutefois, "la situation actuelle n'est pas satisfaisante", poursuit Emmanuel Hirsch. "La loi de 2016 pose pour moi un problème éthique essentiel : la sédation profonde et continue jusqu'au décès", indique-t-il. "Regardez une personne comme Vincent Lambert. Sa sédation profonde et continue jusqu'au décès a duré 11 jours. Quelle est la différence entre une forme d'euthanasie prolongée, c'est-à-dire la sédation profonde et continue, et l'euthanasie qui est un acte létal immédiat ? La réflexion doit être posée."

S'il reste sceptique face à l'instauration d'une nouvelle législation sur le sujet, Emmanuel Hirsch assure que "la loi de 2016" n'est qu'un "compromis". "À l'époque, François Hollande voulait l'euthanasie, mais il y a eu la Manif pour tous, il a donc été dans un compromis", rappelle-t-il. La ministre de la Santé d'alors, Marisol Touraine, "disait elle-même qu'il s'agissait d'une loi transitoire, et tout le monde le sait", poursuit le professeur d'éthique médicale. "Mais ce n'est pas satisfaisant, car on a le sentiment d'un arbitraire."

Emmanuel Hirsch craint aussi "les dérives" que pourrait entraîner une législation sur l'euthanasie. Au départ, cela concernerait "les personnes en fin de vie, même s'il faudrait la définir", indique-t-il. "Ensuite, des personnes atteintes d'une souffrance psychologique ou physique qu'elles considèrent incompatibles avec leur survie. Mais comment l'interpréter ? Dans la loi de 2016, les personnes peuvent rédiger des directives anticipées que le médecin n'a pas à discuter. Tous ces éléments sont à prendre en compte et rendent l'arbitrage difficile."

Enfin, "il y a aussi un problème éthique fondamental : est-ce un acte médical ?", demande Emmanuel Hirsch. "Le geste de tuer met en cause une certaine idée de la déontologie médicale. L'Association médicale mondiale est d'ailleurs hostile à cette évolution."


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