LES ULTRAS DU CLIMAT - Près d'un demi-millier de personnes étaient réunies à Paris ce dimanche pour le lancement d'"Extinction Rebellion" en France. Un mouvement international qui appelle à la désobéissance civile non-violente contre "l'inaction climatique". Des actions sont prévues à la mi-avril au motif que "les autres modes d’actions ne marchent plus".
"Aujourd'hui nous officialisons notre existence." C’est ainsi que, sur la place de la Bourse ce dimanche 26 mars, le groupe "Extinction Rebellion" s’est officialisé. Environ un demi-millier de personnes étaient présentes dans la capitale pour voir naître la branche française d’un mouvement international pour "la désobéissance civile non-violente". Né au Royaume-Uni fin 2018, il compte lutter contre l’inaction politique face à l’urgence climatique.
Sur la place du 9ème arrondissement parisien, un drôle de logo flottait. Un "X" représentant un sablier pour symboliser le temps qui passe était inscrit dans un cercle, aussi rond que notre planète. Un symbole qui s’ajoute à la multitude d’autres dessins des autres associations écologistes. Mais tous les membres interrogés par LCI s’accordent à le dire. Ce nouveau groupe ne compte pas agir contre les mouvements existants mais en complémentarité. Alors pourquoi en créer un autre ? Justement car il a en ligne de mire l’urgence climatique incarnée dans ce sablier.
"Déclaration de rébellion"
C'est ce signal d'alarme qui séduit Corinne Morel Darleux. Conseillère régionale en Auvergne Rhône Alpes, elle pense que cette initiative arrive au bon moment. Selon cette militante "écosocialiste", la raison pour laquelle "Extinction Rebellion", XR pour les intimes, émerge, c’est parce qu’il répond à un "constat et à une envie". Le constat : celui de ne pas être entendu malgré les nombreuses "actions qui restent dans les clous de la légalité et de la bienséance" et la mobilisation "de plus en plus massive" des citoyens. Elle cite ainsi la Marche du siècle, qui avait réuni au moins 45.000 personnes, selon un comptage indépendant pour un collectif de médias, dans la capitale. Pour elle, cette tactique est donc devenue insuffisante : "On s'est toujours dit que le jour où on sera nombreux, on aura un rapport de force qui fera plier le gouvernement. Mais là on voit qu'il ne se passe rien."
L'envie : répondre à une "urgence" que cette élue de gauche a ressentie dans son parcours politique. Alors qu’elle était encore membre de La France Insoumise, elle a décidé de le quitter en novembre dernier. "Tout ce temps passé au dispositif électoral n’est pas passé dans l’action", regrette-t-elle. Bien qu’elle soit toujours dans les institutions qu’elle ne "renie pas", Corinne Morel Darleux estime qu’il y a une urgence à laquelle le monde politique ne peut plus répondre. Elle retrouve d’ailleurs dans les rangs certains militants aguerris qui, comme elle, "ont déjà fait plein de choses et ont maintenant un besoin de passer à la vitesse supérieure". "Jusqu’ici, les organisations ont beaucoup misé sur le fait qu’il fallait toujours rester positif, garder de l’espoir, montrer des alternatives. Là, XR assume de dire la vérité avec gravité, de manière très responsable."
SE REBELLER EST NOTRE DEVOIR #extinctionrebellion #rebelforlife #JDR pic.twitter.com/jxdvopLBh3 — Extinction Rebellion France (@XtinctionRebel) 24 mars 2019
La phrase qui plaît tout particulièrement à cette militante est l’un des slogans du mouvement : "Hope dies, action begins" (l’espoir meurt, l’action commence). "Il est tellement à contre-courant de ce qu’on raconte depuis des années" nous confie-t-elle, estimant que les associations restent encore "trop optimistes".
Outre alerter sur l’urgence, c’est bien d’action qu’il s’agit. Et même de bataille contre un système. Sur le site du collectif, on découvre ainsi les quatre exigences phares. En premier lieu, "la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques actuelles et une communication honnête sur le sujet" de la part aussi bien de la sphère médiatique que politique. Deuxièmement, la réduction "immédiate" des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre " la neutralité carbone en 2025". Un objectif qui devrait être accompagné de "l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, à l’origine d’une extinction massive du monde vivant". Enfin, pour que la transition "juste et équitable" soit assurée, XR veut faire naître "une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place."
" Si on ne nous protège plus, il faut désobéir, c’est la seule solution"
Pour y arriver, le groupe assume une stratégie : celle de la désobéissance civile. XR en fait son principe fondateur. Les 600 signataires français d'une tribune publiée dans Libération ont ainsi accepté "d’enfreindre la loi" et "en subir les conséquences, y compris l’emprisonnement". Une série d'actions est donc prévue, en France comme à l’international, la semaine du 15 avril. Si elle reste secrète, elle pourrait ressembler à celle qui a eu lieu à Londres le 17 novembre dernier. Ce samedi là, 6000 personnes ont bloqué les ponts de la capitale anglaise. Et ont empêché la circulation jusqu'à 16h en restant enchaîne les uns aux autres. Selon un de nos confrères du Monde, les militants scandaient : "Ne doute pas qu’un petit groupe de gens puisse changer le monde."
Cette méthode de lutte est devenue indispensable pour Silvan. Militant de 28 ans, il fait partie du "groupe média" de XR, qui ne revendique aucun porte-parole. "Il y a une croyance ferme, qui relève presque du fanatisme religieux, qui voudrait que les problèmes soient résolus dans notre système actuel", nous confie-t-il. Mais cette pensée est devenue "presque criminelle", selon lui. "Elle défend un système qui préfère laisser mourir que de changer les choses". Pour ce diplômé en philosophie, il n’y aucun doute : " Si on ne nous protège plus, il faut désobéir, c’est la seule solution."
Comme le relève Marie, elle aussi dans le noyau du groupe, "les autres modes d’actions ne marchent plus". Si elle salue les "recours traditionnels" tels que les pétitions et les marches, elle avoue qu’ils ne "font plus peur" au gouvernement. "Il y a une lassitude aussi bien du pouvoir que des militants." Face à la "perspective angoissante" d’un "futur catastrophique", la femme de 26 ans salue donc le début d’une lutte plus "spontanée".
Principe de la non-violence
Marie concède cependant que certains voient ce combat comme celui de "bobos Parisiens". Une critique qui la fait gentiment sourire, elle qui étudie l'épidémiologie à Marseille. Et qu’elle balaie avec cette réponse : "C’est une critique qui ne fait plus beaucoup sens puisqu'elle revient à chaque fois qu’on parle écologie." D’ailleurs, elle relève que les personnes qui s’étaient réunies au Muséum d'histoire naturelle, ce dimanche, en hommage "à toutes les espèces disparues", venaient de tout bord. Et de tout âge. "Il y avait une soixantaine de personnes de 5 à 90 ans. Ce n’est pas un slogan, à la con. C’est une réalité."
Hier, première action de désobéissance civile au milieu du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, en parallèle de la déclaration de rébellion - 60 participant.e.s de 5 à 90 ans, avec une prise de paroles - crédit photos Adrien Selbert | Agence VU. Tous droits réservés © pic.twitter.com/UlHp9oKBZK — Extinction Rebellion France (@XtinctionRebel) 25 mars 2019
La preuve d'après elle que le mouvement est " très accessible" et "très horizontal". Un accueil qui doit perdurer, et ce notamment en gardant un "principe de base" : le caractère non-violent des mobilisations. Car si ce nouveau groupe dans le paysage des associations écologistes semble le plus radical, il prône le pacifisme. "C’est le mode d’action le plus inclusif, dans lequel tout le monde se rejoint." Marie explique ainsi comment, dans les formations en désobéissance civile, la question de savoir ce qui est considéré comme violent est toujours posée. Une ligne d’attaque qui est d’autant plus nécessaire aujourd’hui selon Silvan. Il n’envie aucunement les Gilets jaunes, qui ont fait l’actualité de la semaine dernière à cause des casses du 18ème samedi de mobilisation. Selon lui, les dégradations peuvent brouiller le message. "Lorsqu'elles sont faites dans l'anonymat, c'est qu'on ne parle plus que des actes et non plus des revendications", note-t-il. Si un jour XR devait monter en puissance et "faire des actions radicales" il estime donc qu'elles se feront à visage découvert afin d'avoir l'occasion "d'expliquer le motif". Et de conclure : "On ne lutte pas contre des individus mais un système."
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