FACTCHECKING - Un post Facebook massivement partagé rapporte la récente agression d'un prêtre du Vaucluse, qui serait ignorée par les médias. Il s'agit en réalité d'une histoire de vol de portable régulièrement reprise par la fachosphère... et qui date de mai 2013.
C’est un peu l’éternel revenant des faits divers. Un post Facebook, partagé plus de 34.000 fois le 15 février dernier, relaye l'agression du père Grégoire, un curé du Vaucluse. Pourtant, repéré par la rédaction de Centre France-La Montagne puis vérifié par le projet CrossCheck, un consortium de journalistes luttant contre les fausses informations dont LCI est partenaire, ce message alarmiste massivement relayé sur les réseaux sociaux est en réalité un détournement… déjà daté. Explications.
Sur la photo, le père Grégoire (à gauche) est amoché. Il se tient à côté de Monseigneur Cattenoz, archevêque d’Avignon. Sur sa page Facebook, un certain Corentin Clamens, qui se présente comme un soutien de Marine Le Pen, agrémente ce cliché d’un court texte. Il détaille ainsi : "Lundi soir vers 20 heures à Avignon, le père Grégoire de la communauté de Saint-Jean a été agressé en pleine rue par quatre voyous d’origine nord-africaine. Tabassage en règle, fracture du nez, perte de connaissance, nuit à l’hôpital. (…) Le religieux, qui était en habit, a été trouvé inconscient sur le sol." En préambule, l'internaute prend soin d'insister sur le silence des médias, qui, selon lui, ne s'emparent pas de l'affaire.
La dimension religieuse de l'agression non avérée
Et pour cause. Une rapide recherche d’image inversée nous permet de comprendre que le fait divers date en réalité… du 13 mai 2013. A l'époque, Le Parisien, RTL ou encore Europe 1 relatent tous l'histoire d'un "religieux agressé pour un portable", d'après les informations de l'AFP. On y apprend donc que le prêtre a été agressé "après s'être fait voler son téléphone portable dans la cour du centre paroissial du quartier Saint-Ruf à Avignon". "Peu après 20 heures lundi, le père Grégoire se tenait devant l'église et envoyait un message avec son téléphone, lorsque quatre jeunes du quartier se sont dirigés vers lui. L'un des jeunes lui a volé son téléphone et s'est enfui. Le père Grégoire a fait alors rentrer les trois autres jeunes dans les locaux paroissiaux pour tenter de les convaincre de lui restituer le téléphone (...) Le ton est monté et l'un des jeunes a asséné un coup de poing au visage du père Grégoire", précise encore la dépêche.
Une première version des faits qui ne mentionne donc nullement, contrairement au post Facebook en date du 15 férvier dernier, "quatre voyous d'origine nord-africaine". L'affaire, néanmoins, prend rapidement une tournure polémique. Car dès le lendemain de l'altercation, Le Dauphiné relate dans ses pages les propos de l'archevêque d'Avignon, dénonçant "un quartier progressivement pris en main par des gens de religion musulmane". La sortie pousse alors le président du Conseil français du culte musulman de l'époque, Mohammed Moussaoui, à calmer le jeu et à rester prudent sur "la dimension religieuse" du fait divers.
Pourtant, depuis, l'affaire revient régulièrement sur les réseaux sociaux sous des allures de "breaking news" dissimulée par les médias, imputant à chaque fois un critère religieux au mobile de l'attaque. On la retrouve notamment sur un blog, dans une note datée de février 2015. Parée, là encore, des habits de la nouveauté. De son côté, l'auteur du post Facebook n'a pas répondu à nos sollicitations.