C'était une promesse de campagne. François Hollande a annoncé la fermeture de la doyenne du parc nucléaire français d'ici 2016. Dans la commune de Fessenhiem, en Alsace, salariés, élus et habitants se battent encore.
"Regardez ma centrale, comme elle est belle ! C'est la plus belle du monde", nous lance Denis Kupper, délégué syndical CGT à Fessenheim. Dans la commune alsacienne, les commerçants, les 900 salariés de la centrale nucléaire, mais aussi ses 2500 habitants résistent encore. Pourtant, lors de son discours d'ouverture de la Conférence environnementale vendredi dernier, François Hollande l'a réaffirmé : la centrale, mise en service en 1977, sera bel et bien fermée d'ici 2016. "Un véritable choc, lâche la déléguée syndicale de la CFDT, Carole Perrin. Même si on nous l'avait déjà annoncé pendant la campagne, nous gardions espoir. Aujourd'hui, nous sommes sacrifiés sur l'autel de la politique".
"La centrale la plus sûre du monde"
Car tous, jusqu'au boulanger du village, s'accordent à le dire : la fermeture de la centrale est une décision politique, et rien d'autre. "C'est un cadeau du gouvernement PS aux Verts, avec qui ils ont passé un accord durant la campagne", assure ainsi Francis, pâtissier. Une question de sécurité ? "Elle est la plus sûre du monde", tranche la maire de la commune, Fabienne Stich. Son ancienneté ? "L'Agence de sûreté nucléaire a effectué sa visite décennale l'an dernier. Elle est parfaitement viable", répond la CGT. Quant à ce fameux incident qui s'est produit le 5 septembre dernier, présenté comme un incendie ayant fait deux blessés, "c'est un non-évènement", ajoute le syndicaliste Jean-Luc Cardoso, qui s'en amuse : "Les ouvriers ont eu les mains irritées" !
"Un symbole", voilà donc ce qu'est Fessenheim. "Depuis Fukushima, le nucléaire fait peur", ajoute Carole Perrin. Et les habitants ne cachent pas leur ras-le bol d'être ainsi pointés du doigt. Beaucoup de commerçants refusent désormais de répondre aux journalistes. "On en a assez d'entendre toutes ces bêtises", nous lance la patronne du bar principal de la commune. "On en a marre, c'était un village tranquille ici", renchérit un passant.
Avec ses jolies maisons fleuries et colorées, cette commune aisée vit au rythme de sa centrale depuis 35 ans. Désormais, c'est l'avenir des quelque 900 emplois directs ou indirects qui est au coeur des préoccupations. Suspendue entre la mairie et l'église, la banderole proclamant "Fessenheim 2012 : candidate à la poursuite de la centrale nucléaire" est toujours en bonne place.
"J'ai grandi avec la centrale"
Et quand le ministre du travail, Michel Sapin, promet que non seulement tous les emplois seront préservés, mais aussi que le démantèlement de la centrale en créera de nouveaux, ici, on sourit. "C'est une blague", lance Jean-Luc Cardoso, de la CGT. "Produire de l'électricité et démanteler un site nucléaire, ce n'est pas le même travail. Cela conservera tout au plus 10% des postes. En tout, entre les prestataires, et les activités annexes, c'est près 5 000 personnes qui vont perdre leur travail", assure-t-il. "Et les commerces alors" ? s'alarme Pascal, depuis son petit camion de rôtisserie, garé une place de la commune. "Il n'y aura plus de travail pour nous ici", s'inquiète-t-il.
Les salariés ne s'en cachent pas, cette histoire laisse un goût "amer". "Ils sont démoralisés", affirme la syndicaliste Carole Perrin. Pontant du doigt les pressions des politiques, des écologistes et des concurrents sur le marché de l'électricité, les salariés regrettent de ne pas avoir été entendus dans le débat. "Cela fait vingt ans que je travaille ici", poursuit-elle, émue. "J'ai grandi avec la centrale. Et aujourd’hui on nous demande de partir, comme ça, sans même nous convier au débat". "Nous sommes les grands oubliés de l'histoire", conclut Denis Kupper.