Vendredi, Elisabeth Borne a indiqué que le gouvernement tentait de "récupérer" les images détruites du stade de France.Celles-ci ont disparu du système de vidéosurveillance après sept jours de conservation, d'après la Fédération française de football.La récupération des données semble toutefois compliquée et peut se révéler contraire à la loi.
La polémique sur le fiasco du Stade de France feuilletonne encore. Jeudi 9 juin, soit douze jours après la finale de la Ligue des champions organisée à Saint-Denis, elle a même redoublé d’intensité lorsqu’un responsable de la Fédération française de football (FFF) a révélé, au cours d’une audition au Sénat, que les images des caméras de surveillance avaient été détruites au bout de sept jours. Les scènes captées par les 220 caméras du stade de France ne devraient donc pas pouvoir servir à l’enquête, malgré la demande de la police judiciaire formulée jeudi soir.
C’est que cette réquisition n’a pas été faite par le parquet de Bobigny dans le temps imparti. Si la durée de conservation des images de vidéosurveillance est d’un mois maximum dans l’espace public, il est plus court dans l’espace privé, comme c'est le cas dans l’enceinte du stade de France. Ainsi, l’article 17 du règlement du stade de France prévoit qu’"un droit d’accès aux images pendant 8 jours est prévu, conformément à l’article 10 V de la loi du 21 janvier 1995, auprès du Directeur du Consortium Stade de France". Dans ce contexte, Elisabeth Borne a annoncé vendredi que le gouvernement tentait désormais de récupérer ces donnée. "On essaie de voir s'il est possible de restaurer les images", a indiqué la Première ministre, en visite dans le Calvados.
Une opération technique compliquée...
Maintenant, peuvent-elles être tout de même récupérées ? "Cela dépend des moyens mis et des systèmes que possède le stade de France. C’est une question d’argent et de technique", avance Maitre Hélène Lebon, avocate en protection des données et spécialiste de la vidéosurveillance. Cette possibilité dépend surtout de la vétusté du dispositif qui équipe l'enceinte dionysienne. Ainsi, les technologies les plus anciennes ne possèdent pas de système d’archives, d’après Anaïs Robert, responsable nationale d’Agora Sécurité, un réseau de directeurs de sécurité.
À ce stade, il est difficile d’estimer la modernité du système actuellement en place au stade de France. Contacté par TF1info, le consortium ne nous a pas apporté d’éléments sur son dispositif. Mais celui-ci doit être rénové en prévision des Jeux Olympiques de 2024, à l'initiative du ministère des Sports, qui a prévu en 2020 une enveloppe de 50 millions d’euros. Ces travaux comprennent justement une "refonte de l’architecture des serveurs d’application et de stockage", un "renouvellement des postes clients d’exploitation vidéo" et des caméras ou encore l’"implantation de nouvelles caméras".
Mais pour savoir si ces données peuvent être utilisables après avoir disparu des serveurs, il faut comprendre comment le système procède à leur effacement. Dominique Legrand est président fondateur d’AN2V, l’Association nationale de la vidéoprotection. Il nous détaille le processus : "On ne parle pas d’effacement, mais d’écrasement des images, quelle que soit le système. Si la durée de conservation est fixée à 8 jours réels, le serveur enregistre les 8 premiers jours. Puis, le 9e jour vient écraser le 1er et ainsi de suite. Donc mécaniquement, le jour 1 n’existe plus. Ici, sans réquisition, le cycle s’est poursuivi".
Alexandre Benoit, professeur d’informatique à l’université Polytech Annecy-Chambéry, tire les mêmes conclusions : "Une fois la commande de suppression appliquée, il est tout à fait possible que de nouvelles données aient été écrites sur celles qui semblent vous intéresser. S'il y a eu réécriture, des outils plus avancés doivent être utilisés, potentiellement dans des entreprises spécialisées. Mais il n'est pas certain que l'intégralité des contenus soient à nouveau accessibles".
... Une question aussi juridique
En plus de cette difficulté technique, la récupération des données se heurte à un problème juridique, selon plusieurs de nos interlocuteurs. Caroline Diard, enseignante-chercheuse à l’École supérieure de commerce d'Amiens, a fait sa thèse en 2014 sur la vidéoprotection. Selon la spécialiste, "le but du jeu est justement que l’on ne puisse pas conserver ces données. D’un point de vue du droit comme d’un point de vue éthique, cela pose un problème si l’on peut les récupérer". Par ailleurs, la conservation illicite d’images de vidéoprotection est punie de 45.000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement.
"Ces images sont perdues, il faudra faire sans", conclut le président d'AN2V. L’enquête ne s’arrête pas pour autant. Le seul espoir que l’on ait, c’est que des images aient été sauvegardées par la Préfecture de police. Elles seront peut-être utiles pour comprendre ce qu’il s’est passé."
En effet, la Préfecture de police a indiqué jeudi que les images de vidéosurveillance en sa possession étaient "toujours à la disposition de la justice, dans le cadre de réquisitions dressées dans une enquête pénale". Ce sont peut-être les dernières des incidents qu'il reste : les vidéos de la RATP ont été automatiquement supprimées... La SNCF, après avoir indiqué que ces images avaient également été supprimées, a assuré qu'elles avaient finalement pu être conservées.
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