Le réalisateur Jean-Luc Godard, décédé ce mardi, a sollicité une assistance au suicide en Suisse.Le pays helvète n'est pas le seul en Europe à autoriser cette forme d'aide au décès.Tour d'horizon des différents dispositifs de nos voisins.
La question de la fin de vie de nouveau sur la table. Alors que le débat est ravivé ces derniers jours en France, le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard, père de la Nouvelle Vague qui s'est éteint mardi à 91 ans, a eu recours à l'assistance au suicide, a confirmé le conseiller de sa famille à l'AFP. Une annonce révélée le jour même où le Comité d'éthique a jugé dans un avis qu'il était possible de légaliser en France une aide active à mourir, mais à de "strictes" conditions. La veille, Emmanuel Macron avait lancé de premières démarches en vue d'un éventuel changement de loi.
En Suisse, il existe différentes formes d'aide au décès, telles que l'euthanasie passive et l'assistance au suicide, laquelle reste la plus connue. Chez nos autres voisins européens, les législations sur la fin de vie sont spécifiques d'un pays à l'autre.
Pays-Bas et Belgique, pays pionniers
Les Pays-Bas et la Belgique ont été les deux premiers pays européens il y a 20 ans à avoir autorisé l'euthanasie, à savoir la mort provoquée par un soignant à la demande d'un malade. Aux Pays-Bas, l'euthanasie est strictement encadrée depuis le 1er avril 2002. La loi néerlandaise stipule que le médecin et un expert indépendant doivent déterminer chez le patient une souffrance insupportable et sans espoir d'amélioration. Il doit aussi être établi que la demande d'euthanasie est mûrement réfléchie, volontaire, et qu'il n'y a aucune autre "option réaliste".
En Belgique, la demande doit être "volontaire, réfléchie, répétée", "sans pression extérieure", selon un texte promulgué le 28 mai 2002. Le geste médical peut être pratiqué soit sur la base d'une demande actuelle si le patient en a la capacité, soit sur la base d'une déclaration anticipée (à durée illimitée depuis une réforme de 2020) si le patient est inconscient et que sa situation est jugée irréversible. En 2021, ce pays a comptabilisé 2700 euthanasies, soit 2,4% du nombre total de décès. Il s'agissait en majorité de personnes âgées de 60 à 89 ans. Dans 84% des cas le décès était attendu à "brève échéance".
Euthanasie et suicide assisté gagnent du terrain
D'autres pays ont ensuite, dans leur sillage, fait bouger leur législation. Le Luxembourg a dépénalisé en 2009 l'euthanasie et le suicide assisté, à savoir lorsque le patient prend lui-même un produit prescrit pour donner la mort. "N'est pas sanctionné pénalement et ne peut donner lieu à une action civile en dommage et intérêts le fait par un médecin de répondre à une demande d'euthanasie ou d'assistance au suicide", selon la loi luxembourgeoise promulguée le 17 mars 2009.
L'Espagne, de son côté, a adopté en mars 2021 une loi qui permet l'euthanasie et le suicide médicalement assisté. La loi espagnole prévoit que toute personne ayant "une maladie grave et incurable" ou des douleurs "chroniques la plaçant dans une situation d'incapacité" puisse demander l'aide du corps médical pour mourir et s'éviter ainsi "une souffrance intolérable". Des conditions strictes encadrent la démarche qui doit notamment recevoir le feu vert d'une commission d'évaluation.
La Suisse, pour sa part, autorise le suicide assisté et tolère l'euthanasie indirecte (traiter la souffrance avec comme effets secondaires possibles la mort) et l'euthanasie passive (interruption du dispositif médical de maintien en vie). Mais c'est le suicide assisté qui est le plus connu dans le pays, une pratique qui "consiste à fournir au patient la substance mortelle qu’il ingérera alors lui-même, sans intervention extérieure, pour mettre fin à ses jours", note sur son site l'office fédéral de la justice suisse. Ces actes sont encadrés par des codes de déontologie médicale et est prise en charge par des organisations comme l'association Exit qui a accompagné près de 1400 personnes dans la mort en 2021.
L'Autriche a aussi légalisé, par un vote du parlement en décembre 2021, le suicide assisté pour les personnes atteintes d'une maladie grave ou incurable. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. En Italie, où le code pénal punit "l'instigation ou l'aide au suicide", la Cour constitutionnelle a dépénalisé de fait le suicide assisté en septembre 2019 dans certains cas : pour les malades pleinement conscients "maintenus en vie par des traitements (...) et atteints d'une pathologie irréversible, source de souffrance physique et psychologique qu'ils estiment intolérable".
Interruption de soins et euthanasie passive
Au Royaume-Uni, depuis 2002, l'interruption des soins dans certains cas est autorisée. Le suicide assisté est en revanche passible d'une peine allant jusqu'à quatorze ans de prison. Mais de nouvelles directives émises en 2010 incitent à la clémence lorsque l'acte est effectué par "compassion". Du côté de nos voisins allemands, l'euthanasie passive est tolérée si le patient en a fait la demande. En février 2020, la Cour constitutionnelle a censuré une loi de 2015, interdisant l'assistance au suicide par des médecins ou associations.
Quant au Portugal, seul l'arrêt des traitements est admis dans certains cas désespérés pour l'heure. Mais il pourrait être un prochain pays européen à modifier sa législation : un vote du parlement en juin 2022 a relancé le processus législatif pour dépénaliser l'euthanasie, qui s'était heurté jusqu'à présent aux réticences du président conservateur Marcelo Rebelo de Sousa.