Formations à l'égalité dans les entreprises : "On nous demandait de ne pas parler de harcèlement sexuel"

Anaïs Condomines
Publié le 13 février 2019 à 18h47
Formations à l'égalité dans les entreprises : "On nous demandait de ne pas parler de harcèlement sexuel"
Source : Thinkstock

ÉGALITÉ - Dans les médias, dans la restauration et partout ailleurs : les comportements sexistes sont présents dans la plupart des secteurs professionnels. Le mouvement #MeToo a-t-il changé la donne en matière de formations à l'égalité ? Le groupe Egae, spécialisé sur la question, nous a donné sa réponse.

L'actualité nous le rappelle tous les jours depuis #MeToo. L'affaire de la "Ligue du Lol", révélée au grand jour par Libération, montre par ses ramifications diverses que le harcèlement sexiste coule des jours heureux au sein même des médias et dès les écoles de journalisme. Dans un tout autre secteur, LCI dévoilait lundi 11 février les mécaniques de l'oppression masculine dans l'hôtellerie-restauration, où agressions sexuelles et harcèlement sont légion. 

Des pratiques qui laissent à penser qu'un travail colossal reste à mener sur les formations contre les violences sexistes en milieu professionnel. Le groupe Egae, co-fondé par la militante féministe Caroline de Haas, le sait et depuis longtemps. Le but de cette entreprise, accompagner des structures, quelles qu'elles soient, en matière d'égalité femmes-hommes. Un vaste programme qui comprend aussi bien une formation en matière d'égalité professionnelle que de lutte contre les violences faites aux femmes au travail.

Un sujet "clairement tabou"

Pauline Chabbert est directrice associée du groupe Egae. Si elle estime qu'il reste en effet du travail à fournir et un public plus large à toucher, elle témoigne auprès de LCI d'une sacrée évolution post-#MeToo. "Ce sont surtout les sujets abordés qui ont évolué" nous dit-il. "Nous faisons une activité de conseil depuis 2013 et avons créé l'entreprise en 2015. Entre 2013 et aujourd'hui, les centres d'intérêt ont changé. Avant, on intervenait principalement sur les questions d'égalité professionnelle, car les entreprises avaient des obligations à remplir en matière de disparités salariales. Dans ce cadre, on essayait quand même de placer un module sur le harcèlement sexuel, car pour nous l'égalité est une histoire de continuum. Mais à l'époque, il arrivait qu'on nous demande de ne pas en parler. Le sujet était clairement tabou."

Depuis MeToo, note Pauline Chabbert, la tendance est inversée. "Pendant un an, il ne s'est rien passé. Mais depuis quelques mois, on reçoit beaucoup de demandes d'entreprises privées, publiques et aussi d'ONG. On fait toujours appel à nous pour parler d'égalité professionnelle, bien entendu, surtout quand le gouvernement fait une piqûre de rappel via des circulaires. Mais on a aussi aujourd'hui de nombreuses demandes spécifiquement sur la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles."

Du travail à faire dans les écoles

Chez Egae, le mode opératoire est simple : partir du réel pour montrer le problème. "On propose de recueillir des questionnaires anonymes en interne. Ils nous servent ensuite à démontrer qu'en règle général, il y a un sujet sur le sexisme au sein de l'entreprise. On casse l'illusion selon laquelle 'chez nous, ce n'est pas pareil'" explique encore Pauline Chabbert, qui ajoute ne rencontrer du déni et du rejet chez les personnes en formation uniquement à la marge. "La majorité des personnes sont contentes qu'on ouvre un espace de discussion, soit parce qu'elles ont été victimes, soit témoins de telles situations, et qu'elles n'ont pas su réagir."

Reste que certains secteurs demeurent quelque peu hermétiques à leurs formations. Dans le monde du journalisme par exemple, Egae nous indique "travailler avec des rédactions, mais pas encore les écoles". Or, là aussi, un besoin existe : France Inter révélait ce mercredi 13 février l'existence d'une sorte de "Ligue du Lol" locale, intra-étudiantes, où des jeunes femmes étaient insultées et moquées. La directrice associée note : "D'une manière générale, on aimerait beaucoup atteindre les étudiants pour semer des graines. Dans les universités, c'est en train de se débloquer au sein des plus militantes. Peut-être entraîneront-elles les autres, mais pour l'instants, les élèves et étudiants ne sont pas nos clients principaux."


Anaïs Condomines

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