Début septembre, le gouvernement a présenté aux indépendantistes et aux non-indépendantistes calédoniens un projet de nouveau statut du territoire.Les deux délégations ont jusqu'à mi-octobre pour amender le document préparé par Paris.TF1info vous détaille ce que prévoit, pour l'heure, ce texte.
La Nouvelle-Calédonie est plus proche qu'elle ne l'a jamais été de redéfinir sa place au sein de la République française. En ce sens, une nouvelle étape devrait être franchie mi-octobre, lorsque indépendantistes et non-indépendantistes devront présenter un projet amendé de futur statut du territoire, sur la base de propositions présentées par le gouvernement aux deux délégations début septembre, et dont l'AFP a pu prendre connaissance.
Pour la première fois, et de manière inédite au sein de la République française, le texte proposé fait référence dans son préambule au "peuple néo-calédonien", alors que l'accord de Nouméa en 1998 avait déjà consacré l'existence du "peuple kanak".
La notion de "peuple calédonien" a longtemps été rejetée par les non-indépendantistes. Pour une partie d'entre eux, préférer cette expression à celle de "peuple français" est un gage donné aux indépendantistes. Au contraire, la coalition "Les Loyalistes" a évolué sur la question, au point d'inscrire la notion de "peuple calédonien" dans son projet institutionnel.
La citoyenneté conditionnée à une durée de résidence
Au volet de la citoyenneté, le projet de Paris propose que cette dernière soit conditionnée à une durée de résidence, fixée à dix ans. Un autre point d'achoppement entre les deux délégations. En l'état, le document prévoit que cette citoyenneté donne accès à des droits particuliers en termes d'emploi - comme c'est déjà le cas - et qu'elle continue à conditionner la possibilité de voter pour les "élections aux institutions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie et l'exercice du droit à l'autodétermination."
Rappelons qu'en juillet dernier, en visite à Nouméa, Emmanuel Macron avait appelé (voir vidéo en tête de cet article) à l'établissement "d'une citoyenneté pleine et entière, fondée sur un contrat social fait de devoirs et de droits, et non pas sur la seule inscription sur une liste électorale. Une citoyenneté locale qui prenne en compte l'histoire, la culture, l'appartenance au Caillou".
Des changements constitutionnels et institutionnels
Vient ensuite le sujet de la Constitution française, dont le titre XIII, selon le projet présenté en septembre, serait "réécrit" pour acter "les institutions, les principes ou les règles spécifiques" au territoire : la valeur législative des lois de pays votées par le Congrès calédonien, "la reconnaissance d'une citoyenneté néo-calédonienne" et les conditions de l'exercice du droit à l'auto-détermination. Là encore, la Nouvelle-Calédonie obtiendrait donc une place à part au sein de la République.
Actuellement, le territoire dispose d'un congrès, de provinces et d'un gouvernement. Un schéma institutionnel qui connaîtrait deux modifications substantielles : le président du gouvernement local serait directement désigné par le congrès, dont le nombre d'élus serait revu à la baisse (32 au lieu de 54), et surtout dont la composition serait modifiée. Ainsi, la proportion d'élus en provenance des provinces Nord et des îles Loyauté, à majorité indépendantiste et légèrement surreprésentées depuis l'accord de Nouméa, baisserait au profit de la province Sud, dans un souci de rééquilibrage politique.
Pas de nouveau scrutin d'autodétermination "avant deux générations, à compter du prochain accord"
Autre point du projet présenté par Paris : il n'envisage pas de nouveau scrutin d'autodétermination "avant deux générations, à compter du prochain accord", et aucune date précise n'est fixée. À l'issue du délai, le congrès, "à la majorité des deux tiers", pourra décider de proposer un nouvel accord, soit à l'État soit au vote des Calédoniens.
Ce point est sans doute le plus décrié par les indépendantistes, car selon eux, cette formule empêcherait toute autodétermination, la nouvelle composition du congrès leur rendant cette majorité des deux tiers moins accessible.
Rappelons que depuis 2018, l'archipel a connu trois référendums sur son indépendance.
Vers un numéro de Sécurité sociale pour les Calédoniens ?
Enfin, sur le sujet des compétences hors domaine régalien (comme la justice, la défense ou la monnaie), que l'accord de Nouméa a progressivement transféré à la Nouvelle-Calédonie, Paris n'envisage pas de revenir sur la large autonomie octroyée au territoire il y a 25 ans. Notons tout de même qu'une partie des non-indépendantistes, réunis dans la coalition "Les Loyalistes", souhaite la possibilité de revenir sur ces transferts.
Le nouveau texte prévoit toutefois deux exceptions : en cas de carence, la sécurité civile pourra revenir à nouveau à l'État. Une disposition permettrait aussi aux Calédoniens de bénéficier d'un numéro de Sécurité sociale mais les indépendantistes y sont opposés, puisque cela donnerait à l'État français l'accès au registre de l'état civil coutumier, ce qu'ils considèrent comme un retour de fait sur le transfert de cette compétence.
Le document élaboré par Paris doit servir de bases aux discussions qu'entend mener le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, fin octobre à Nouméa, dans le but de parvenir à un accord menant à une réforme constitutionnelle début 2024.