LA QUESTION - Les sondages le montrent, la percée des VTC et d’Uber aussi : les taxis sont souvent considérés comme les grands méchants, accusés de tous les maux. Pourquoi leurs protestations contre la concurrence déloyale ont-elles tant de mal à prendre dans l’opinion ? Alors qu'ils ont levé vendredi leur mobilisation entamée il y a trois jours, tentative d’éléments de réponse avec Marie-Xavière Wauquiez, spécialiste des déplacements et auteur de Taxis en 3D.
A table, le sujet fait consensus : les taxis, tout le monde ou presque les déteste. Chacun a, tout au moins, une critique à émettre ou une mauvaise expérience à partager. Une Parisienne nous racontait ainsi récemment que son chauffeur lui avait pris 40 euros pour aller de République à Saint-Michel, quand un Uber, au retour, lui avait fait à moitié prix. Une autre se plaignait de ne plus parvenir à arrêter les taxis roulant à vide, parce qu’ils préfèrent qu’on les appelle sur la centrale de réservation et arrivent alors avec déjà 15 euros au compteur. Sans parler des critiques récurrentes selon lesquelles ils seraient chers, réactionnaires, peu aimables et malhonnêtes...
Pourtant, le combat des taxis contre les VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur) et surtout Uber, accusés de concurrence déloyale, peut paraître légitime. Oui, ils ont moins de carcans, moins de réglementations, pas besoin de formation ou de licence. Et dans le fond, "95% des clients qui utilisent des taxis n’ont pas vraiment à se plaindre", rappelle Yoann Jouet, fondateur de Oh ! taxi, une compagnie de taxis nantaise. "Mais les gens préfèrent parler des trains qui n’arrivent pas à l’heure." Alors pourquoi les taxis ont-ils si mauvaise réputation ? D’accord, quand ils manifestent ils brûlent des pneus, bloquent des voies. Mais ils ne sont pas les seuls. D’autres corporations – pour ne pas les citer, les agriculteurs – commettent le même type d’exactions, sans voir l’opinion publique aussi braquée à leur encontre ; et d’habitude en France, le combat du petit Gaulois face à n’importe quelle grosse entreprise américaine est plutôt soutenue. Mais non, les sondages le martèlent, comme celui du Parisien en juin dernier :
58 % des Français ont une mauvaise opinion des taxis.
Un laisser-aller datant d'une dizaine d’années
Contactées, les compagnies de taxis préfèrent éviter la question. Se faire discrètes. Peur que cela se retourne contre eux. Las d’être à chaque fois les grands méchants. "C’est un sujet délicat", reconnaît Marie-Xavière Wauquiez, spécialiste de "mobilité durable", et auteure de
"Taxis, l’avenir en 3D"
. Car dans le fond, si la profession est souvent vue comme corporatiste, elle est composée d’individus très différents. Les taxis ruraux, à forte dimension sociale, les taxis métropolitains, souvent très chers, comme à Lyon, Bordeaux ou Nice, et les taxis parisiens, particulièrement mal-aimés, n’ont aucun rapport entre eux. "Le taxi est souvent une profession de reconversion, d’insertion", ajoute Marie-Xavière Wauquiez. "Cela va des boulangers allergiques à la farine, des ouvriers du TP qui se blessent… C’est très vaste."
Pour elle, la profession souffre aujourd'hui d'un laisser-aller datant d'une dizaine d’années. "Il y a eu de vrais problèmes dans certaines écoles, dans la formation, qui n’était pas du tout axée autour de l’approche client", analyse Marie-Xavière Wauquiez. "Il y a 10 ans aussi, Pôle emploi a poussé beaucoup de jeunes de banlieues vers ce métier, alors qu’ils n’avaient aucune appétence pour la relation client." A la différence d’Uber, où le client a tout de suite été mis en centre du service. Le problème est renforcé par d’autres maux : "Une tarification incompréhensible, très variable selon les distances, longtemps sans carte bleue", énumère Marie-Xavière Wauquiez. Et une profession qui n’a longtemps "pas été douée en communication et en marketing." Encore une fois, à l’inverse d’Uber, qui, malgré le fait qu’elle soit "une machine à chair fraîche", utilise à fond son image "dispo", réactive et cool pour conquérir des clients.
"Une formation pas du tout axée autour de la relation client"
A Paris, qui concentre un quart de la profession des taxis, le désamour est particulièrement violent. "Il y a eu une vraie évolution, notamment avec les collectivités qui les gèrent", note la spécialiste. "Sous Jacques Chirac, les taxis parisiens étaient appréciés, reçus une fois par an à l’Hôtel de Ville. Avec Bertrand Delanoë, ils ne sont plus des éléments de la ville, mais sont devenus des gens qu’on supporte." Alors oui, depuis quelques années et face à la concurrence galopante, les compagnies, qui chapeautent deux tiers des taxis – ceux-ci restent cependant des indépendants - ont imposés le terminal carte bancaire, développé des applications mobiles, instauré des règles de bonne conduite, se sont réaxées autour du service client. "Cette concurrence a fait du bien, cela a rehaussé les standards de qualité des taxis", fait valoirt une compagnie, qui ne veut pas s’étendre sur le sujet. "On n’est d’ailleurs pas contre les VTC. On veut juste qu’ils respectent la règlementation. Seul 4 sur 10 la respectent, ce n’est pas normal".
Reste que l’image de dinosaure continue de s’accrocher, tenace. La faute, pour certains, à une part des taxis, notamment ceux qui sont totalement autonomes. Et donc sans formation, ni stratégie. Environ un tiers des effectifs. Ce seraient eux qui mettent la radio trop fort, n’écoutent pas le client, prennent des circuits à rallonge. Et ce sont aussi eux qui, pour être sûr de trouver des clients, vont dans les gares, les aéroports. "Résultat des courses, si vous êtes un client occasionnel, vous risquez de tomber sur eux", souligne Marie-Xavière Wauquiez.
Alors, quel avenir pour les taxis ? Difficile à dire… "Aujourd’hui, on peut légitimement être inquiet pour eux. C’est compliqué", reconnaît la spécialiste. "Ils ont un carcan règlementaire hyper lourd et totalement déconnecté de la réalité. Ils sont sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, et pas des Transports, ce qui est déjà une aberration. Il faudrait changer de tutelle, les intégrer dans un véritable plan de transports, que l’Etat se mêle des plaques, revoir la formation, développer l’esprit de service." Un gros chantier, alors que pour l’heure, les taxis se battent surtout pour être indemnisés en urgence : "Je comprends que quand on a payé sa licence 200.000 euros et qu’elle n’en vaut plus que 150.000, on soit énervé. Ils font des manifestations, les politiques disent les écouter mais dans le fond ils ne font pas grand-chose, car les taxis ne sont pas vraiment la priorité."
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