Grève des urgences : malgré une baisse de mobilisation à Paris, le mouvement prend de l'ampleur

par Amandine REBOURG Amandine Rebourg
Publié le 12 août 2019 à 12h02
Grève des urgences : malgré une baisse de mobilisation à Paris, le mouvement prend de l'ampleur

Source : AFP

MOUVEMENT - Avec plus de 200 services d'urgence encore en grève, la mobilisation ne fléchit pas. Au contraire. Si sept établissements de l'AP-HP ont décidé de mettre fin à leur mouvement, la crise s'étend en régions.

Si l'été a tendance à affaiblir les mouvements sociaux, aux urgences, ce n'est cette fois pas le cas. La saison des vacances n'aura pas eu raison du mouvement le plus important connu par l'hôpital public depuis des décennies. Démarrée en mars dernier sous l'impulsion de quelques services parisiens, la grève des services d'urgence a pris de l'ampleur au fil des mois pour toucher désormais plus de 200 services sur les quelque 640 que compte le territoire français, soit près d'un sur trois. 

Dans le détail, en ce début août, ce sont 217 services qui sont toujours en grève avec les mêmes revendications que celles énoncées depuis le début du mouvement : plus de moyens humains et financiers pour la prise en charge optimale des patients, l'arrêt des fermetures de lits, ainsi qu'une revalorisation salariale accompagné d'un statut spécifique du travail dans ces services. 

A Paris, des sorties de grève parfois votée avec une infime majorité

Localement, des négociations ont eu lieu et ont parfois abouti. Sept services de l'AP-HP (qui en compte 25) ont par exemple cessé le mouvement : l'Hôpital Trousseau, d'Henri-Mondor, de Tenon, de Antoine-Béclère, de Georges-Pompidou, ou encore celui de Robert-Debré et à à la Pitié-Salpétrière. Dans cet établissement, le protocole de sortie de grève a été présenté aux paramédicaux qui l'ont ensuite soumis au vote. La fin de la grève n'a été votée qu'avec trois voix d'avance, indique une soignante à LCI. Les grévistes ont obtenu des postes supplémentaires, une meilleure sécurisation des locaux ou encore la rétroactivité depuis janvier, de la prime de 56 euros promise par l'AP-HP. 

La direction de l'AP-HP a offert de créer 230 postes dans ses 25 services d'urgences. L'une des raisons qui a poussé les soignants de Trousseau d'arrêter eux aussi la grève "il y a 15 jours", expliquait à l'AFP, Hugo Huon, du collectif InterUrgences. "Ces accords déclinent les engagements pris au niveau national, au niveau de l'AP-HP et par les directions locales des groupes hospitaliers (...) en termes de sécurité, d'équipements, d'effectifs, de rémunérations et de fluidification de l'aval des urgences", indique la direction de l'AP-HP. "Dès le mois de juillet", l'ensemble des personnels (hors médecins) "exerçant à titre permanent" dans les 25 services d'urgences de l'AP-HP ont par ailleurs "perçu la nouvelle indemnité forfaitaire de risque" de 100 euros net mensuels, promise en juin par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, a-t-elle souligné. 

Pour rappel, en juin dernier, Agnès Buzyn avait annoncé le déblocage d'une enveloppe de 70 millions d'euros pour répondre à la crise : 55 millions alloués au paiement de la prime de risque des soignants et 15 millions aux recrutements dans les services "en tension" au cours de l'été. 

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De l'avis des soignants, les négociations parisiennes ont été rapidement ouvertes et les moyens coordonnés. "L'AP-HP et l'ARS (Agence régionale de Santé) travaillent ensemble pour débloquer les moyens financiers et les effectifs", explique à LCI Orianne Plumet, membre du collectif InterUrgences, qui nuance malgré tout les avancées : "l'objectif zéro brancard ne marche pas et les lits d'aval ne sont toujours pas là". 

Voilà pourquoi, malgré la sortie de grève localement, certains soignants estiment qu'il faut continuer à soutenir le mouvement au plan national. Ainsi, à Saint-Antoine, d'où est parti le mouvement après une série d'agressions, les personnels ont massivement soutenu les propositions de l'AP-HP tout en décidant de maintenir la grève, les "revendications nationales" n'étant "pas satisfaites". 

En régions, le mouvement prend de l'ampleur

Preuve d'ailleurs que les annonces et les enveloppes débloquées par Agnès Buzyn n'ont eu un impact que limité sur l'amélioration du quotidien des soignants dans des services "en tension" : depuis juin, une centaine d'autres hôpitaux français, ont pris part à cette grève, principalement en régions. Mais comment expliquer un tel essor du mouvement dans certains territoires ? "Les annonces d'Agnès Buzyn ont permis de remettre un coup de projecteur sur la problématique des urgences", explique Orianne Plumet. "Et puis certains services n'avaient pas été contacté avant ces annonces et à côté de cela, les problèmes demeurent localement malgré les annonces." 

L'enveloppe destinée aux moyens humains, de 15 millions d'euros, "a été découpée et négociée entre les ARS du territoire et ensuite, celles-ci choisissaient la répartition sur les différents services", détaille la soignante. "Globalement, ça fait moins d’un demi-poste par service. En région, les moyens des ARS ne sont pas les mêmes qu'à Paris", analyse-t-elle. Le mouvement prend donc de l'ampleur et la mayonnaise ne prend toujours pas lors des négociations, lorsqu'il y en a.

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A Lens, faute de médecins, le SMUR est ainsi fermé certains jours ou nuits en raison d'une grave pénurie de médecins urgentistes. Même chose ou presque à Lons-le-Saunier, où il était prévu que la seconde ligne de SMUR soit fermée durant été. Yann Bubien, directeur de cabinet adjoint d'Agnès Buzyn s'était personnellement engagé auprès des soignants à suivre ce dernier dossier de près. 

Depuis la semaine dernière, les urgences de Sisteron dans les Alpes-Maritimes et celles de Sainte-Foy-La-Grande sont closes la nuit, faute de personnels pour prendre en charge les patients. A Saint-Etienne, un homme de 72 ans a passé cinq jours sur un brancard, faute de chambre disponible. Une situation qui illustre les difficultés rencontrées ces dernières semaines par les personnels hospitaliers. Difficultés qui, par ricochet, se répercutent sur les patients.

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De nouvelles rencontres début septembre

Début août, Agnès Buzyn avait déclaré qu'elle rencontrerait "tous les acteurs" de ces services "début septembre pour d'abord voir si (ses) premières mesures ont bien été mises en oeuvre (...) et voir avec eux comment mettre en oeuvre les propositions faites par le rapport" commandé en juin dernier au député LaREM Thomas Mesnier et au professeur Pierre Carli, chef du Samu de Paris. 

Reste qu'il en faura sans doute plus pour calmer la colère des soignants : une nouvelle assemblée générale du collectif InterUrgences - devenu une association - est d'ores et déjà prévue le 10 septembre prochain à Paris. Comme le reconnaissait Agnès Buzyn, début août, "la crise persiste". Elle devrait encore persister à la rentrée. 


Amandine REBOURG Amandine Rebourg

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