BATAILLE DU RAIL - A la veille du premier rendez-vous de contestation contre la réforme de la SNCF, cheminots de la base et syndicats fourbissent leurs armes, se préparant à un conflit "dur", quel que soit le choix du mode de grève prévu dès le mois d'avril.
Grève "perlée" aux conséquences limitées pour les usagers ou grève "dure" qui met à l'arrêt l'ensemble du service public ferroviaire ? Alors que les employés de la SNCF devraient être nombreux à la manifestation parisienne du 22 mars, la mobilisation laisse présager un mouvement suivi à partir du 3 avril. Il faut dire que, parmi ceux que nous avons contactés, le sentiment d'agression généré par le projet de réforme du gouvernement a atteint un niveau comme rarement.
De la désorganisation dans l'air, même les jours sans grève
"J'ai connu la mobilisation contre le service minimum de 2007, celle contre la réforme des retraites en 2010, une autre mobilisation en 2014 et je n'ai jamais vu ça : les gens sont remontés comme des coucous", nous confie Benoît, cheminot depuis 14 ans à Lyon."Cette grève prend déjà des allures de riposte", se félicite Bernard Aubin, un ex-CGT désormais secrétaire général du syndicat minoritaire First (Fédération indépendante du rail et des syndicats des transports). Une première raison à cela : le projet de réforme en tant que tel, avec la fin du recrutement des cheminots au statut et la transformation du statut de la compagnie.
Wladimir, conducteur de Transiliens en région parisienne depuis deux ans, prévient : "Si ça passe, c'est la mort de mon métier" ... et la voie express vers la privatisation, malgré les dénégations du gouvernement en la matière : "On sait très bien ce qui va se passer. Qu'est-ce qui empêchera l'Etat de vendre ses parts de la SNCF une fois qu'elle aura été transformée ? Ce serait terrible, on a vu quelle influence ça avait eu sur la qualité du service en Angleterre." Autre raison de la colère : les clichés dont ils font l'objet : "On entend mensonge sur mensonge", explique amèrement Benoît. "Dans toute ma carrière, je n'ai jamais eu un jour de grève payé. Ça nous rend fous !"
De quoi se poser la question de la future intensité du conflit. Le choix fait par les quatre principaux syndicats de proposer de faire grève deux jours sur cinq interroge, depuis qu'un mail interne de la CGT-Cheminots circule, appelant à la "désorganisation du travail [...] sur les jours ouvrés". "Si le programme d'un conducteur prévoit un terminus à telle gare, pas question d'aller au-delà", explique l'auteur du mail interviewé par le Parisien. De quoi mettre en colère Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, qui a aussitôt mis en garde contre "des actions pas légales. [...] Je n'ai jamais vu ça."
L'échange entre le premier syndicat de cheminots et la direction de la SNCF semble pourtant tenir du jeu de dupes, puisque la grève "perlée" porte déjà en elle les graines de la "désorganisation" à laquelle appelle le mail, dont la CGT-Cheminots a nié plus tard dans la journée être à l'origine. En effet, l'organisation du travail à la SNCF est telle que, pour deux jours de grève, il faut envisager "24 à 48 heures supplémentaires pour remettre le service en ordre", précise Bernard Aubin, du syndicat First. "C'est le temps pour acheminer les rames à leur point de départ, ce qui n'a pas pu être fait avec l'arrêt du travail. Et c'est la même chose pour les cheminots, qui parfois doivent arriver la veille sur le lieu de départ de leur train." Difficile d'imaginer Guillaume Pépy ignorer de telles conséquences sur le déroulement du trafic.
"Si nous, on baisse la tête, c'est la fin du service public"
L'ensemble a le mérite, d'un point de vue syndical, d'éviter que l'absence de payes ne viennent pénaliser les grévistes. "Notre mouvement n'étant pas vraiment populaire, la solution pourrait sembler plutôt satisfaisante", convient Bruno Poncet de Sud Rail, plutôt favorable à une grève dure, "reconductible toutes les 24 heures". Une position partagée par Wladimir qui, "par principe et par conviction", préfère le principe d'une grève dure, quelle que soit l'incidence financière : "Hors primes, je suis payé 1500 euros brut par mois. Demain, je perdrai donc 50 à 60 euros pour aller manifester. Mais si on commence une grève en pensant à l'argent, c'est foutu. Si le conflit dure, tant pis, on manger des pâtes. Mieux vaut sacrifier un peu en ce moment que de le payer les trente prochaines années".
Une détermination qu'anticipe déjà Bernard Aubin, convaincu que "la grille de Loto" à laquelle ressemble le calendrier des jours de grève perlée, "pas simple à lire", finira par "dépasser les syndicats". "C'est vrai que pour amener les récalcitrants à faire grève, c'est pas mal. Mais d'expérience, je peux vous dire que quand ils sont en grève, les cheminots ont du mal à faire l'entre-deux. Si le mouvement "part", ils y vont, et une fois lancé, le mouvement peut se mettre un peu hors du temps et finit par s'autogérer". D'autant qu'existe aussi chez les cheminots le sentiment tenace d'être un bastion des luttes sociales, gagnées par le gouvernement depuis l'élection d'Emmanuel Macron : "On a un esprit de lutte depuis la Résistance", enfonce Wladimir. "Si nous, on baisse la tête, c'est la fin du service public".
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