À LA LOUPE – Plusieurs études et infographies circulent en ligne et indiquent que c'est en France que l'on exerce le plus le droit de grève. Des conclusions qu'il faut néanmoins accueillir avec prudence.
À en croire les clichés, les Français portent tous un béret, marchent dans la rue avec une baguette sous le bras et… sont toujours en grève. Une réputation de peuple contestataire, habitué à battre le pavé et à bloquer le pays pour préserver son modèle social. Derrière cette image d'Épinal, que nous disent les statistiques ?
En ligne, des infographies circulent pour comparer les jours de grève observés dans les différents pays. Les résultats varient, mais la France est souvent présentée comme "championne du monde" en matière de mouvements sociaux. À tort ou à raison.
Des méthodologies qui se discutent
Les données qui sont le plus souvent présentées nous viennent de l'institut d'études économiques et sociales de la fondation allemande Hans Böckler. Les derniers résultats, publiés en mars dernier, montrent que la France demeure en tête des pays où l'on fait le plus la grève. L'infographie suivante montre que le Danemark et la Belgique suivent dans le trio de tête, loin devant les États-Unis, l'Allemagne ou la Suisse.
Fiable, ce constat ? Pour l'établir, les experts allemands ont "recensé le nombre de jours de grève identifiés dans les entreprises et les ont divisés par le nombre de salariés", explique BFMTV, précisant que les données sont compilées sur une période de dix ans. Mais la méthode souffre de plusieurs limites. Ainsi, pour la France, les chiffres ne portent que sur le secteur privé. Autre biais, seuls 17 pays ont été étudiés par la fondation germanique, et chacun comptabilise les jours de grève à sa façon. Par ailleurs, certains pays touchés par de nombreuses grèves, comme la Grèce et l'Italie, n'y figurent pas, faute de statistiques fiables.
Une "gréviculture" tout relative
Comme l'a souligné AFP Factuel en avril 2018, d'autres données sont disponibles pour comparer les grèves entre pays. Ainsi, "l'Organisation internationale du travail (OIT) a tenté de bâtir un tableau plus large pour savoir ce qu'il en est". Là encore, les résultats sont soumis à caution, puisque l'on recense "50 pays et pratiquement 50 méthodes pour compter, à tel point que de nombreux pays sont comptabilisés de deux manières parce qu'ils ont eux-mêmes changé de méthode comptable entre 2004 et 2016".
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Comme ceux de la fondation Hans Böckler, les chiffres de l'OIT relatifs à la France sont à étudier avec précaution. S'ils présentent l'avantage de couvrir une période plus longue, ils ne concernent que "les entreprises de 10 salariés ou plus du secteur marchand non agricole". Et ne prennent pas en compte l'Outre-mer !
Difficile, donc, de conclure, comme l'ont fait de nombreux responsables politiques, qu'il existe une forme de "gréviculture" dans notre pays. À la décharge du secrétaire d'État, Gabriel Attal, qui reprenait ce terme en 2018, on constate toutefois que les différentes études convergent sur un point : le droit de grève est exercé de façon régulière en France. Et ce, davantage que dans une majorité de pays. Le terme de "champion du monde" s'avère quant à lui exagéré, et surtout impossible à démontrer.
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