Heurts rue de la Roquette : qui sont les militants de la Ligue de défense juive ?

Publié le 18 juillet 2014 à 15h16
Heurts rue de la Roquette : qui sont les militants de la Ligue de défense juive ?

PORTRAIT - Très critiquée au sein même de sa communauté, la Ligue de défense juive (LDJ) fait une nouvelle fois polémique pour avoir affronté des pro-palestiniens dimanche dernier à Paris. Metronews revient sur les méthodes sulfureuses de cette organisation interdite dans plusieurs pays.

Depuis que le Hamas et Israël ont repris le conflit armé qui les oppose, celui-ci a des répercussions jusqu'en France. Dimanche dernier, de violents affrontements ont ainsi opposé des pro-palestiniens à des membres de la Ligue de défense juive (LDJ). Metronews dresse le portrait de cette organisation controversée.

Un objectif : défendre les juifs de France

"La communauté juive de France a besoin de la LDJ et la LDJ a besoin de vous ! Évitons de nouveaux drames : rejoignez nos rangs ! #LDJveille". Sur son compte Twitter , mais aussi sur son site ou sur Facebook , la ligue martèle l'objectif qui lui a donné son nom : défendre la communauté juive de France.

Mais ce groupuscule - qui n'a pas souhaité répondre à nos nombreuses sollicitations - n'a aucun fondement juridique et n'est pas enregistré au Journal officiel . Selon l'Express , l'organisation ne compterait qu'une cinquantaine de militants, même si elle en revendique bien plus. "Ce sont surtout des adolescents perdus, des petites frappes issues de banlieue, pas des idéologues", constate Laurent David Samama, journaliste et auteur d'une enquête sur le mouvement pour le magazine Technikart.

Des méthodes très violentes

Pour défendre sa communauté, cette ligue basée à Paris et à Lyon principalement, revendique des méthodes violentes qu'elle assume dans de nombreuses vidéos. Dimanche dernier lors de la manifestation pro-palestinienne, des militants de la LDJ armés, se sont ainsi opposés aux manifestants pro-palestiniens. "Nous nous sommes seulement défendus", ont justifié certains de ses membres même si des éléments laissent penser que l'affrontement était prémédité.

Sur son site ou sur sa chaîne Youtube , la LDJ met donc régulièrement en avant ses actions coup-de-poing. Des vidéos montrent par exemple les militants de l'organisation s'attaquer à Stéphane Hessel ou à l'écrivain juif marocain Jacob Cohen pour ses positions hostiles à la politique israélienne. "Je n’ai rien vu venir. Ils ont jeté des œufs, de la farine, peut-être un peu d’huile, tout en criant. C’était assez violent, mais personne n’a été blessé", témoignait alors la victime à Rue89.

> La vidéo de l'agression :

En juin 2013, la LDJ publie un message pour revendiquer la violente agression d'un jeune. A cette époque, plusieurs associations ou sites dénoncent ce post Facebook alors que la victime concernée est dans le coma.

> Le post Facebook de la ligue :

Nouvelle polémique en 2011, lorsque la LDJ annonce vouloir se rendre en Israël avec des "intentions belliqueuses". "Ce voyage est réservé aux militants ayant une expérience militaire : le but de cette expédition est de prêter main-forte à nos frères face aux agressions des occupants palestiniens et donc de renforcer les dispositifs de sécurité des villes juives de Judée et Samarie", écrit alors l'organisation, qui ne sera pas retenue par les autorités françaises.

Enfin, un reportage diffusé dans Enquête exclusive sur M6 montre les méthodes parfois très musclées voire illégales de ce groupe. On y voit par exemple le chef de l'organisation s'entraîner au tir et ce, malgré une interdiction de port d'armes en France. Plus grave encore, lors d'une action en pleine nuit dans le 4e arrondissement de Paris, plusieurs militants de la LDJ sont filmés en train de coller des affiches qui appellent au meurtre (pour venger la mort d'Ilan Halimi), avant qu'ils n'engagent une action punitive dans un autre quartier parisien.

> Le reportage de M6 :
 

Une organisation interdite aux Etats-Unis et en Israël

Mais si la LDJ est autorisée en France, d'autres pays ont préféré dissoudre cette organisation. Fondée à New York en 1968 par le rabbin américain Meir Kahane (assassiné par un islamiste en 1990), cette ligue a par exemple été interdite en Israël depuis1994 après le massacre d'Hébron (29 morts) par un membre de la ligue. Aux Etats-Unis, l'équivalent de cette organisation, nommée Kahane Chai , figure sur les listes des organisations terroristes. En France, si l'ancêtre de ce groupuscule a été dissous en 2001, la ligue est toujours active. Et plus étonnant encore, ses membres s'entraînent dans un bâtiment officiel protégé à l'époque par la police française.

> L'entraînement de la LDJ dans des locaux protégés par la police (Complément d'enquête)

Une dissolution impossible pour le ministère de l'Intérieur

En 2012 par exemple, le MRAP, avec d'autres associations, a demandé sa dissolution après des agressions envers des militants pacifiques. "La violence de ce groupe, l’étalage sur internet de ses entraînements para-militaires, les vidéos relatant les actions de commando du groupe, ses provocations jusque dans l’enceinte des tribunaux, ne peuvent passer inaperçus du ministère", dénonçait alors le mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. En vain.

Contacté par metronews, le cabinet du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, estime "ne pas disposer de base juridique pour dissoudre cette association". "C'est clair que la LDJ n'est pas simple et que ses membres créent plus de problèmes qu'autre chose, mais à la préfecture on ne peut rien faire tant que le ministère de l'Intérieur n'agit pas", déplore un responsable de la préfecture de Paris qui préfère garder l'anonymat.

Alors la LDJ peut-elle être dissoute ? "Sur un plan technique oui, le Président peut dissoudre la LDJ par décret", nous explique un avocat spécialiste du droit des associations. Et d'expliquer : " Depuis 1936 , les groupements de fait, même s'ils ne sont pas constitués en association, peuvent être dissous si l'on prouve par exemple qu'ils présentent un danger pour la nation ou qu'ils appellent à la haine. Après c'est aussi une question politique".


La rédaction de TF1info

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