HIJAB - La marque Decathlon fait face aux critiques ce mardi 26 février après avoir annoncé la commercialisation prochaine, en France, d'un "hijab de running" à destination des femmes voilées qui souhaitent pratiquer la course à pied. Mais qu'en pensent les principales concernées ? L'association féministe et antiraciste Lallab répond à LCI.
L'affaire aurait pu en rester là. Circonscrite, sur les réseaux sociaux, à deux ou trois tweets rageurs. Mais le désormais célèbre "hijab de running", que le groupe Decathlon souhaitait commercialiser en France, a finalement accédé, en quelques heures, au rang de polémique.
Il n'en fallait pas plus pour que la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, invitée dans la matinale de RTL, soit amenée à se prononcer sur le sujet : "J'aurais préféré qu’une marque française ne promeuve pas le voile", a expliqué la membre du gouvernement, ajoutant : "Ce n’est pas interdit par la loi, cependant, c’est une vision de la femme que je ne partage pas. Je trouve que ça ne correspond pas bien aux valeurs de notre pays (...) Il est évidemment permis, et on sait bien que la laïcité en France permet le port du voile. C’est notre société. Mais personnellement, je n’ai pas envie qu’on favorise la différenciation entre les hommes et les femmes. En tant que femme, c’est comme ça que je le vis."
#Decathlon et la vente d'un hijab de course : "C'est légal mais c'est une vision de la femme que je ne partage pas. J'aurais préféré qu'une marque française ne promeuve pas le voile", @agnesbuzyn dans #RTLMatin pic.twitter.com/8oOEgAywzM — Elizabeth Martichoux (@EliMartichoux) February 26, 2019
Le ton est donné et la brèche ouverte. Plusieurs hommes et femmes politiques s'y engouffrent dans la matinée. François Bayrou, en duplex depuis le Salon de l'agriculture, estime que "la société française refuse qu'on couvre le corps humain à l'excès". Aurore Bergé, députée LaREM, n'a quant à elle pas attendu qu'un micro se tende devant elle. Elle tweete, aux alentours de 10 heures : "Le sport émancipe. Il ne soumet pas." Et d'annoncer son intention de boycotter la marque d'équipements de sport : "Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs".
Le sport émancipe. Il ne soumet pas. Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs. Ceux qui tolèrent les femmes dans l'espace public uniquement quand elles se cachent ne sont pas des amoureux de la liberté. #Decathlon — Aurore Bergé (@auroreberge) February 26, 2019
A un moment donné, il faut nous écouter
Laura Cha, porte-parole de l'association Lallab
De son côté, Decathlon a maintenu le cap toute la journée et en s'expliquant sur les réseaux sociaux par la voix de son community manager : "Nous avons toujours tout fait pour rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif."
[EDIT : 18h30] Ce mardi soir, le groupe a finalement cédé face à la pression en décidant de ne pas commercialiser le produit pour le moment.
Mais au fait, qu'en pensent les principales concernées? Laura Cha, porte-parole de l'association féministe et antiraciste Lallab, n'est même plus étonnée par cette nouvelle controverse. Auprès de LCI, elle indique : "Tous les six mois, on nous appelle pour réagir à ce genre de polémiques. Après le burkini en 2016, les affaires Mennel à "The Voice" ou Maryam Pougetoux à l'Unef, c'est maintenant au tour du sport."
Elle poursuit : "Nous ressentons une grande tristesse de voir qu'on n'arrive pas à avancer. C'est épuisant et triste. Depuis l'existence de Lallab, on essaie de mener un féminisme qui inclut, qui ne pointe du doigt aucune femme. C'est dommage qu'au nom de l'égalité et de l'émancipation des femmes, qu'au nom d'un féminisme, on s'insurge de la commercialisation d'un tel objet qui pourra faciliter la pratique sportive de certaines femmes. A chaque polémique, Lallab répète les choses, participe à des débats, à des rencontres. A un moment donné : il faut nous écouter, écouter ce que les femmes voilées ont à dire. Le port du voile n'est pas une façon de se séparer, de se distinguer des hommes, comme on peut le lire ici ou là. Des femmes qui portent le voile sont des entrepreneuses, font des choses merveilleuses et ne sont accusées à aucun moment d'être sectaires. Laissez-les vivre. Il y a eu la polémique sur la plage, maintenant c'est dans le sport : va-t-on nous laisser un champ de la société où être libres, où être en paix ?"
Discriminées dans le sport
D'autant que, selon la porte-parole de l'association, le fond du sujet - à savoir la place des femmes voilées dans le sport - mérite qu'on s'y attarde : "Le sport est une voie d'émancipation pour les femmes. Au sein de l'association, on a des membres qui ont dû créer leur propre réseau de sport, leur propre activité, car elle ne se sentaient pas les bienvenues dans des centres. On ne peut que se réjouir que Decathlon -même si la marque obéit à un objectif marketing - mette en place cette initiative. C'est permettre à ces femmes de s'outiller et de mieux connaître leur corps."
A l'adresse des personnalités "qui s'insurgent de la commercialisation du 'hijab de running' au nom du féminisme" et "des médias qui relaient ce sujet en priorité", elle lance cette question : "Il y a tellement de sujets importants sur les droits des femmes. Va-t-on enfin rassembler nos énergies pour agir ? A-t-on l'ambition de faire avancer notre société ?"
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info
- Police, justice et faits diversDisparition inquiétante de Lina, 15 ans, en Alsace
- Police, justice et faits diversAttentat de Magnanville : sept ans après, l'heure du procès
- SportsRC Lens
- Sujets de sociétéLe pape François à Marseille, une visite historique
- SportsLigue des champions 2023-2024 : le PSG repart en campagne