Il a subi deux greffes réussies et "se sent très bien" : l’homme aux trois visages dévoile sa nouvelle apparence

Publié le 17 avril 2018 à 9h45
Il a subi deux greffes réussies et "se sent très bien" : l’homme aux trois visages dévoile sa nouvelle apparence
Source : AFP

TEMOIGNAGE - Jérôme Hamon est le premier homme au monde à avoir subi deux greffes du visage. Il raconte qu’il a accepté "immédiatement" sa nouvelle apparence, sa nouvelle "identité".

Un visage étrange, sans expression, encore lisse et immobile. Un visage neuf. Jérôme Hamon est le premier homme au monde à avoir subi deux greffes du visage : il a eu trois visages dans sa vie. L’homme a été opéré à Paris, il y a trois mois, à l'hôpital européen Georges-Pompidou, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Il est toujours hospitalisé mais a dévoilé à plusieurs médias son nouveau visage. Un visage qui n'a pas épousé les traits de son crâne. Cela devrait venir peu à peu, à condition que soit bien suivi le traitement immunodépresseur empêchant un nouveau rejet.

Je me sens très bien
Jérôme Hamon

"Je me sens très bien", a dit le greffé, âgé de 43 ans, trois mois après son opération dans la nuit du 15 au 16 janvier, lors d'une rencontre avec des médias la semaine dernière. "J'ai hâte d'être libéré de tout ça", ajoute-t-il, fatigué par le lourd traitement qu'il doit subir, et s'exprimant avec difficulté.

Cette prouesse inédite est à mettre au crédit de l'équipe du Pr Laurent Lantieri, un chirurgien plastique qui avait déjà réalisé, sur le même patient, une première greffe totale du visage, en 2010. Jérôme Hamon est atteint de neurofibromatose, une maladie génétique qui a déformé son visage. La première greffe avait été un succès, comme il l'avait raconté dans un livre publié en avril 2015, "T'as vu le Monsieur?". Mais la même année, tout bascule : à l'occasion d'un banal rhume, il est soigné par un antibiotique incompatible avec son traitement immunodépresseur. En 2016, il commence à montrer des signes de rejet chronique, et le visage se dégrade.

Il ne s'est plaint. Il était même de bonne humeur
Bernard Cholley, anesthésiste

À l'été 2017, il est hospitalisé, et en novembre, son visage greffé, qui présente des zones de nécrose, doit lui être retiré. 

Il restera deux mois "sans visage" en réanimation à Pompidou, le temps que l'Agence de la biomédecine signale un donneur compatible. Des moments difficiles à vivre, avec un faciès d'écorché vif. Mais à cas exceptionnel, patient exceptionnel. "Toute l'équipe en réanimation a été époustouflée par le courage de Jérôme, sa volonté, sa force de caractère dans une situation tragique. Parce qu'il est alors dans l'attente, et que jamais il ne s'est plaint. Il était même plutôt de bonne humeur", a raconté à la presse Bernard Cholley, anesthésiste-réanimateur.

Le donneur de visage sera un jeune homme de 22 ans, décédé à plusieurs centaines de kilomètres de Paris. Le Pr Lantieri l'apprend un dimanche soir, le 14 janvier, ce qui déclenche une grosse logistique. Il faut d'abord prélever ce visage dans la journée du lundi. Le soir, il faut le transporter le plus rapidement possible, par la route, vers Georges-Pompidou. 

Ce qui est amusant, c’est qu’on me dit que j’ai rajeuni
Jérôme Hamon

Jérôme Hamon est entré au bloc opératoire le lundi 15 janvier, à la mi-journée. "Vers midi, l'équipe a effectué la préparation au niveau receveur : préparer les vaisseaux, préparer les nerfs, pour qu'on puisse ensuite faire cette transplantation", raconte le Pr Lantieri. Le nouveau visage a été posé, délicatement, comme un masque, en le reliant à tout ce qui fait l'anatomie complexe de la tête. Très vite, l'équipe constate que le greffon montre des signes de vie encourageants en se colorant. Le patient ressort du bloc le mardi en fin de matinée, au terme d'une opération hors normes. Elle fera l'objet d'une fuite dans la presse quelques jours plus tard.

"L'opération répond à une question qui était de l'ordre de la recherche : est-ce qu'on peut refaire une greffe du visage? Oui, on peut retransplanter, et voilà ce qu'on obtient", a expliqué le Pr Lantieri. Les soins sont encore lourds pour le patient : pour éviter un rejet, l'opération a exigé de "nettoyer le sang d'anticorps", par une plasmaphérèse, et de "bloquer la production de ces anticorps" par traitement médicamenteux pendant "les trois mois qui ont précédé la transplantation", a détaillé Éric Thervet, néphrologue. 

Et pour Jérôme, y-a-t-il eu des difficultés à accepter son nouveau visage ? Se reconnaît-il ? Quelle est son identité ? Il raconte : "La première greffe, j'ai accepté immédiatement le greffon. J'ai considéré que c'était un nouveau visage et maintenant c'est pareil", dit aujourd'hui Jérôme Hamon. "Si je n'avais pas accepté ce nouveau visage, ça aurait été un drame. Effectivement, c'est une question d'identité. (...) Mais là, c'est bon, c'est moi." 

Jérôme s’exprime encore avec difficulté, mais petit à petit, voit le bout du tunnel. La semaine dernière, raconte le Parisien, il a pu quitter l’hôpital pour aller profiter de sa famille en Bretagne. Et il paraît que d’ici l’été, il pourra à nouveau rire et sourire, et son visage marquer les expressions, il arrive même à plaisanter : "Ce qui est amusant, c’est qu’on me dit que j’ai rajeuni", dit-il dans le Parisien, en évoquant l’âge du donneur, 22 ans.


La rédaction de TF1info

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