Immigration, logement, sécurité... Que sait-on de l'opération "Wuambushu", qui sera menée à Mayotte ?

par TD
Publié le 21 avril 2023 à 12h17, mis à jour le 24 avril 2023 à 10h15
Immigration, logement, sécurité... Que sait-on de l'opération "Wuambushu", qui sera menée à Mayotte ?

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a confirmé jeudi la mise en place d'une vaste opération à Mayotte ciblant l'immigration clandestine et l'habitat insalubre.
Des centaines de forces de l'ordre doivent être envoyées depuis la métropole, en renfort des effectifs sur place.
Cette action suscite de multiples craintes sur le 101e département français.

Ces derniers jours, l'opération "Wuambushu" prévue à Mayotte était devenue un secret de polichinelle. Jusqu'à son officialisation, jeudi soir, par Gérald Darmanin, qui a évoqué le sujet pour la première fois. 

L'objectif, selon Gérald Darmanin, est de "redoubler d’activité" contre la délinquance locale, et notamment une "quarantaine de bandes criminelles organisées" identifiées. 

Signifiant "reprise" en mahorais, l'opération Wuambushu vise également à lutter contre l'immigration illégale, majoritairement originaire de l'archipel voisin des Comores, et à détruire des habitations insalubres. "Nous prendrons le temps nécessaire, toujours sur autorisation du juge, car il va de soi que nous relogeons les personnes conformément au droit", a assuré Gérald Darmanin. 

Un important dispositif policier déployé

Ces derniers jours, les médias locaux rapportaient qu'un "appel à candidature" a été ouvert aux policiers français pour une mission à Mayotte, "du 22 avril au 17 juin". Une date qui concorde avec la fin du Ramadan (95 % des Mahorais sont d'obédience musulmane), mais aussi avec l'actualité parlementaire en métropole puisque l'examen de loi immigration est attendu à l'Assemblée à la même période. 

"Quatre escadrons de gendarmes mobiles, des policiers de la CRS-8, spécialistes de la lutte contre les violences urbaines, au total 510 membres des forces de l’ordre" ont été envoyés ces derniers jours dans l'archipel, a détaillé le ministre de l'Intérieur. Côté justice, "six magistrats et sept greffiers, ainsi que quinze agents de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)", ont été dépêchés. Gérald Darmanin a rappelé que "1800 policiers et gendarmes" sont déjà mobilisés dans les opérations anti-criminalité. 

Lutte contre l'habitat illicite

À ce jour, les autorités n'ont pas confirmé la date de lancement de l'opération. Elle pourrait commencer au début de la semaine prochaine, a indiqué une source proche du dossier à l'AFP. Cette opération vise ainsi à raser les habitations de fortune illégales où se rassemblent les personnes en situation irrégulière ainsi que celles qui se trouvent au cœur des filières migratoires, passeurs en tête. Dans le même temps, il s'agit pour les forces de l'ordre de multiplier les contrôles et interpellation d'individus en situation irrégulière, afin de procéder dans la foulée à des expulsions du territoire. À Mayotte, près d'un habitant sur deux est étranger, et près de 25.000 personnes (un peu moins de 10% de la population globale) font l'objet chaque année d'une procédure d'expulsion. 

Un dispositif critiqué

Des hauts fonctionnaires, qui témoignaient sous couvert d'anonymat dans les colonnes du Canard enchaîné, avaient critiqué un "coup de com" du ministre de l'Intérieur, soulignant que sans mesures pérennes, des telles mobilisations des forces de l'ordre seront nécessaires "tous les 6 mois".

Du côté des Comores, d'où sont originaires de nombreux migrants arrivant à Mayotte, on voit d'un mauvais œil le projet mis en place Place Beauvau. Celui-ci "va à l'encontre du respect des droits humains et risque de porter atteinte aux bonnes relations" entre les deux pays, peut-on lire dans un communiqué de la présidence comorienne. Le porte-parole du gouvernement comorien a d'ailleurs annoncé, vendredi, que les Comores "n'entendent pas accueillir les expulsés"

Le Journal de Mayotte, ces derniers jours, a relayé une tribune signée par 170 professionnels de santé. Ces derniers se disent "pleinement conscients de la complexité de la situation politique et sociale du territoire de Mayotte", mais partagent leurs "plus vives inquiétudes". Ils demandent que soit maintenue une "continuité de l’accès au soin de la population avant, pendant et après Wuambushu", redoutant que les contrôles et les destructions d'habitats puissent limiter la prise en charge des patients, ou causer des retards de diagnostic. Ils souhaitent par ailleurs "avoir la certitude qu’aucune intervention ne soit opérée dans les lieux de soins". Des critiques ont également été émises par la section régionale du Syndicat de la magistrature. 

Dans les rangs des syndicats policiers en revanche, l'opération semble très attendue. Le représentant local d'Alternative Police, Abdel Aziz Sakhi, assume "avoir demandé une opération coup de poing de grande envergure". Sur l'île, "nous avons déjà le RAID, ce sont des policiers surentraînés, mais pour combien de temps ?", interroge-t-il au micro de France Télévision. "Nous voulons qu’ils soient installés en permanence à Mayotte", poursuit l'intéressé, "il nous faut du matériel adéquat et de l’entrainement à de nouvelles techniques d’intervention pour faire baisser la délinquance." Selon lui, "les jeunes n’ont plus peur" des forces de l'ordre. Il espère d'ailleurs que les renforts qui seront déployés sur place seront "bien préparés psychologiquement". Notamment parce qu'ils "vont avoir affaire à des mineurs armés, des enfants. Ils vont être choqués", lance-t-il.


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