Inceste : la commission indépendante réclame des moyens pour protéger les victimes

M.L (avec AFP)
Publié le 19 septembre 2022 à 18h55

Source : JT 20h Semaine

En un an, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a reçu près de 16.500 témoignages de victimes.
Elle présentera mercredi un rapport à partir de ces récits, pour préconiser cinq mesures d'urgence.
Selon elle, une personne sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance.

Ce sont chaque année "160.000 enfants" qui sont victimes de ce fléau. Un an après le lancement de son appel à témoignages, la Commission Inceste, dans un rapport attendu mercredi, veut porter la voix des milliers de victimes de violences sexuelles dans l'enfance qui lui ont confié leur traumatisme. Cet organe, composé de 25 experts de divers horizons (pédiatrie, psychiatrie, gendarmerie, avocat...), appelle aussi les pouvoirs publics à passer à l'action en adoptant cinq mesures d'urgence, pour mieux repérer et accompagner les victimes.

"Les débats sur le vote du budget 2023 vont s'ouvrir, c'est le moment de mettre en avant cinq de nos préconisations", à savoir repérage systématique, création d'une cellule de soutien pour les professionnels, moyens renforcés pour lutter contre la cyber-pédocriminalité, lancement d'une grande campagne nationale et remboursement des soins spécialisés en psycho-trauma, a déclaré au Journal du dimanche ce week-end le juge Edouard Durand, coprésident de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). 

Celle-ci s'appuiera sur les témoignages de 16.454 victimes pour dresser le bilan des conséquences traumatiques de ces violences vécues dans l'enfance sur les adultes d'aujourd'hui, sur leur santé physique et psychique, leur vie affective, sexuelle, professionnelle. "Ces 160.000 enfants victimes chaque année, il faut aller les chercher avant leurs 44 ans, âge moyen de nos témoins", plaide le juge Durand. Selon la Ciivise, une personne sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance.

Seul un enquêteur spécialisé pour 2,2 millions de personnes

Infirmières scolaires, assistantes sociales, médecins : tous les professionnels en contact avec les enfants doivent leur poser la question, recommande la Ciivise. Mais ils doivent aussi être épaulés par une "cellule de soutien et de conseil" composée d'autres médecins, disponible par téléphone, pour savoir comment réagir en cas de révélation, "une situation de stress", explique à l'AFP le juge Durand.

Les services de police judiciaire spécialisés dans la cyber-pédocriminalité doivent par ailleurs obtenir plus de moyens humains et matériels, alors que le "grooming" (approcher un enfant par l'Internet pour l'agresser sexuellement) a bondi. "Les enquêteurs de l'Office central spécialisé peuvent savoir en temps réel qui consulte des fichiers pédopornographiques. Ils ont pu identifier des enfants séquestrés à l'étranger et les libérer avec les autorités policières de ce pays", a expliqué le juge Durand au JDD. Mais en France, on ne compte qu'un enquêteur spécialisé pour 2,2 millions de personnes, contre "un pour 100.000" aux Pays-Bas et "un pour 200.000" au Royaume-Uni, selon la Ciivise. 

Pour les victimes, la commission appelle à leur garantir des soins spécialisés en psychotrauma, remboursés. "Certains nous disent : 'Je me suis ruiné pour payer les soins' ou 'Je ne peux pas emmener mon enfant à des soins spécialisés en psychotrauma car je n'ai pas les moyens'", indique le juge Durand à l'AFP.

Des réunions publiques à guichets fermés

En septembre 2021, la Ciivise a lancé un appel à témoignages, sur son site et sur une ligne téléphonique dédiée, et a reçu dès les premières heures, des centaines d'appels. Depuis un an, elle a organisé des réunions publiques à travers la France au cours desquelles les victimes évoquent leur situation, leur permettant ainsi de sortir de leur solitude et du mutisme et nouer des liens entre elles et avec des associations. Une réunion publique aura lieu mercredi à Paris, après deux précédentes à guichets fermés dans la capitale.

Les travaux de la commission avaient été lancés dans le sillage de la publication en janvier 2021 de La familia grande (Seuil), le livre de Camille Kouchner accusant son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, de viols sur son frère jumeau. Ce récit avait provoqué une onde de choc, des milliers de témoignages déferlant sur les réseaux sociaux sous le mot-dièse #MeTooInceste

Plus récemment, les propos de Corinne Masiero ont aussi rencontré un fort écho en ligne. L'actrice a témoigné pour la première fois sur l'inceste dont elle dit avoir été victime dans son enfance dans le documentaire Inceste, le dire et l’entendre, réalisé par Andrea Rawlins, diffusé lundi 26 septembre à 23h10 sur France 3. Ce sujet tabou "touche tout le monde à égalité, partout", a-t-elle déclaré ce lundi sur France Inter. 


M.L (avec AFP)

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