Jack Lang : "L’enseignement de la langue arabe ne doit pas être laissé entre les mains d’officines privées"

Publié le 18 février 2020 à 22h08, mis à jour le 18 février 2020 à 22h21

Source : TF1 Info

INTERVIEW - Fervent défenseur de l’enseignement de l'arabe mais au sein de l'école publique, Jack Lang a réagi auprès de LCI.fr dès après les annonces d’Emmanuel Macron à Mulhouse, mardi 18 février.

Emmanuel Macron a annoncé mardi 18 février que le dispositif de cours facultatifs en langues étrangères dispensés par des enseignants désignés par les gouvernements d'autres pays (Elco) sera supprimé à la rentrée scolaire 2020. Depuis 1977, ces Elco permettent à des dizaines de milliers d’élèves de recevoir des cours de langues financés par 9 pays (Algérie, Croatie, Espagne, Italie, Maroc, Portugal, Serbie, Tunisie, Turquie. Mais le contrôle insuffisant de l’Education nationale sur ces cours fait polémique depuis plusieurs années. A tel point que des accords sont progressivement signés avec chaque pays pour réintégrer un contrôle de l’Etat sur ces cours.

Que pensez vous des annonces d’Emmanuel Macron ? 

Jack Lang : Je me sens en harmonie avec les propos du président de la République. La philosophie qui prime est aussi la mienne. J’apprécie ce qu’il a dit sur la laïcité, rappelant avec justesse que la laïcité, c’est le respect de la liberté d’opinion et de croyance ou de non croyance et qu’elle ne doit pas être utilisée comme un instrument contre telle ou telle religion ou croyance..

[Comme Emmanuel Macron], je ne me suis jamais senti à l’aise avec l’expression communautarisme. De multiples communautés vivent dans ce pays, animées par des citoyens français qui ne nient pas des particularités. En revanche, je trouve l’expression séparatisme bien choisie dans un débat qui est souvent hystérisé par l’extrême droite.

La seule réponse, c’est l’école de la République, du CP jusqu’à la faculté
Jack Lang

 Vous avez été un des instigateurs des accords avec des pays étrangers pour enseigner des langues étrangères… 

Les Elco répondaient, à une certaine époque, à une urgence d’assumer un enseignement dans les langues d’origines. Mais ces Elco ont été assumées par des enseignements non qualifiés, sans aucun contrôle ni respect des programmes. 

L’enseignement de la langue arabe, par exemple, ne doit pas être laissé entre les mains d’officines privées qui utilisent cet enseignement pour faire passer des valeurs qui ne sont pas les nôtres. L’arabe est une langue universelle. C’est un trésor national. C’est elle qui a ouvert notre culture aux mathématiques, à l’histoire, à la médecine. C’est notre patrimoine, c’est le rapprochement de François Ier et de Soliman le magnifique. A l’époque, le roi désigne l’arabe au même titre que le grec pour être enseigné.

Partagez-vous cette crainte que "celui qui finance influence" ?

C’est plus compliqué que cela… Il y a des associations et des mosquées qui, sous couvert de l’enseignement de la langue arabe ou turque, inculquent des valeurs qui ne sont pas celles de la République. Sur ce sujet, il faut plus de sévérité. 

La langue, c’est autre chose : du point de vue de l’Etat, la seule réponse, c’est l’école de la République, du CP jusqu’à la faculté.

Il y a des paradoxes. L’école primaire n’assure pas sa mission concernant l’enseignement de l’arabe, là où, dans les grandes écoles et les universités, l’arabe est demandé, prisé. Il a une place prépondérante, de Polytechnique à Sciences-po ou l'Ecole normale supérieure. Des dizaines de milliers d’étudiants demandent à apprendre l’arabe. 150 000 élèves apprennent l’arabe dans les lycées français mais à l’étranger. Ce sont ces paradoxes qu’il faut dépasser.


La rédaction de TF1info

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