RENCONTRE - A l'approche du procès en appel de Jacqueline Sauvage, condamnée à 10 ans de prison pour avoir tué son mari violent et violeur, "metronews" a rencontré ses deux avocates, spécialisées dans l’aide aux victimes de violences conjugales. Nathalie Tomasini et Janine Bonaggunta se racontent, entre passion et engagement militant.
Accrochés au mur, des portraits de femmes. Et au fond du couloir blanc, un écran plat de télévision qui diffuse, en boucle, des reportages consacrés aux différentes affaires défendues par le cabinet. C’est que les avocates associées Nathalie Tomasini et Janine Bonaggunta, spécialisées dans l’aide aux victimes de violences conjugales et intrafamiliales, peuvent à présent se targuer d’une certaine notoriété. Car dans les tribunaux où se joue le triste dénouement de ces drames intimes, où des victimes sous emprise, meurtries, osent enfin parler, c’est souvent ce duo inséparable que l’on aperçoit.
Depuis mardi, elles ont quitté Paris pour Blois. Direction la cour d’assises du Loir-et-Cher, où se joue le procès en appel de Jacqueline Sauvage, 68 ans, condamnée en première instance à dix ans de prison pour avoir tué son mari, violent et violeur, de trois balles dans le corps. Entre leurs mains, sous leurs mots, le destin d’une femme. Mais aussi une question de société. La victime de violences conjugales peut-elle être considérée en situation permanente de légitime défense? La réponse est non. Pas en France. Mais depuis des années, Nathalie Tomasini et Janine Bonaggunta se battent pour que, comme au Canada depuis vingt ans, la présomption de légitime défense soit inscrite dans la loi. Traduction : une femme battue serait ainsi considérée comme en état permanent de légitime défense .
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"On a refait le monde des femmes"
Ce combat, c’est à la buvette du Palais de justice, à Paris, qu’il voit le jour. Les deux femmes s’y retrouvent, un beau jour de 2010, un peu par hasard, après une plaidoirie. Elles s’étaient perdues de vue depuis leurs débuts dans un même cabinet. Elles sont alors spécialisées en droit des affaires. "Et là, on a refait le monde" nous détaille Nathalie Tomasini, assise à la grande table de réunion, dans ce cossu cabinet de la rue de Courcelles (8e arrondissement). En face, Janine Bonaggunta complète : "Oui, on a refait le monde des femmes." Cette année-là, une loi visant à protéger les victimes de violences psychologiques vient d’être promulguée. Et dans leur tête, l’idée persistante qu’en justice, la défense des droits des femmes progresse… mais pas assez vite.
"On a donc décidé de monter ce cabinet en commençant par le site internet, afin que les victimes de violences conjugales aient un endroit pour appeler au secours", expliquent les avocates. Et les deux consoeurs de se souvenir : "Nos amis, nos confrères et surtout nos banquiers pensaient qu’on avait perdu la tête". Et pourtant, des quatre coins de la France, très vite, les demandes d’aides affluent. De femmes, principalement. "Les hommes, on en défend, mais à la marge" confirment-elles. Et en 2012, un premier fait d’armes : Nathalie Tomasini et Janine Bonaggunta obtiennent l’acquittement d’Alexandra Lange. Femme battue de 32 ans, elle a tué son mari en 2009, à Douai, lors d’une dispute conjugale. "Une victoire qui marque", selon les avocates, et qui depuis a été portée sur le petit écran .
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Procès de la dernière chance
Mais déjà, elles savent que leur lutte au nom des femmes ne fait que commencer. Graves et déterminées, elles constatent d’une même voix : "En 2015, on est encore opprimées parce qu’on est femme. Les femmes restent considérées comme une minorité. Or, il convient de faire respecter l’égalité entre les sexes, conformément à la constitution. Nous n’avons pas à subir la pression des hommes, professionnellement ou dans nos familles."
"Ce cabinet, concluent-elles, c’est une conviction chevillée au corps". Jacqueline Sauvage doit bien le savoir. C’est elle, qui, depuis sa cellule de prison, a demandé à Nathalie Tomasini et Janine Bonaggunta de remplacer son premier avocat. Pour ce procès de la dernière chance.
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