"Je dois retenir les gens plus de 40 secondes au bout du fil" : leur vie de "démarcheurs téléphoniques"

Publié le 3 juin 2017 à 10h00, mis à jour le 3 juin 2017 à 10h33
"Je dois retenir les gens plus de 40 secondes au bout du fil" : leur vie de "démarcheurs téléphoniques"

TÉMOIGNAGES - Leur métier : appeler des gens qu'ils ne connaissent pas et qui, la plupart du temps, ne souhaitent pas leur parler et vont leur raccrocher au nez. Choisie ou subie, la profession de démarcheur téléphonique n'est pas une sinécure. Un an après la mise en place du dispositif Bloctel, censé bloquer les appels non sollicités, nous avons interviewé plusieurs "forçats du casque à micro".

"Ah tu travailles dans un centre d’appels ? C’est toi  qui me harcèles au téléphone dès que je rentre chez moi !" Combien de fois Charlène, téléconseillère chez EDF à Caen en Normandie, a-t-elle  entendu cette remarque ? Le monde des centres d’appels téléphonique traîne une mauvaise réputation. Cependant, travailler dans un call center est-il forcément un enfer ? Charlène habite à Caen en Normandie. A 33 ans, elle travaille en tant que téléopératrice depuis dix ans.

"Ce qui devrait être un simple job d’été est devenu mon métier à temps plein".  Elle touche le smic horaire (soit 9,76 euros bruts). La dimension la plus intéressante de son métier selon elle, c’est sa casquette de délégué syndical chez Sud-PTT.  Le stress, le flicage des salariés, le turn-over et le système des pauses obligatoires créent un malaise. "A force, on a l'impression de devenir des robots", déplore-t-elle.  

"Une machine fait défiler des numéros de téléphone"

Frédéric, 27 ans, vit à Paris. Il termine sa thèse et  il cherchait un job alimentaire. Je n’ai pas le droit à des aides et mes parents ne peuvent pas se permettre de financer mes études. Il a répondu à une annonce pour un poste de téléopérateur en lien avec le milieu humanitaire.  Tout le monde est aligné par rangée de dix à vingt personnes dans un immense open space, avec à chaque fois un manager qui fait office de référent. 

Une machine fait défiler des numéros de téléphone et déclenche une série d'appels simultanément. Certains téléopérateurs tombent sur un répondeur, d’autres vont être mis en attente, tandis que d'autres encore auront un interlocuteur à l'autre bout du fil. "En terme d'objectifs, sur les 600 appels générés, je dois avoir 120 personnes au téléphone, dont 80 pendant plus de 40 secondes. Dans le jargon, cela s'appelle un appel bénéfique". Les managers considérent qui si la personne est restée à l'écoute aussi longtemps, même s'il n'y a pas eu de dons in fine, elle a au moins entendu le nom de l'association.

"La plupart du temps, on se fait envoyer balader"

"Il faut à tout prix éviter que la personne raccroche au bout de 10 secondes, reprend Frédéric. Tout le monde porte un prénom imaginaire. "La manière de procéder est totalement anti-humanitaire dans l’approche, et pourtant on essaye de se rassurer en disant que c’est pour une bonne cause."  

Amélie, 22 ans, a travaillé pendant trois mois dans une société de démarchage l'an dernier pour un job d'été. Une journée et demie de formation, puis elle a été lâchée dans le grand bain.

Le travail consistait à rappeler des gens pour leur proposer des abonnements à des magazines pour enfants. "On doit suivre un script bien précis pour convaincre le client, explique-t-elle. La plupart du temps, on se fait envoyer balader. A la fin de la journée, j’avais toujours un mal de crâne pas possible. Ce n’est pas tant physiquement que c’est dur, c’est plutôt moralement qu'il faut encaisser." Un cauchemar qu'elle n'est pas prête de revivre. Pour cet été, elle a décidé d'opter pour boulot dans la nature, en pleine air. 


La rédaction de TF1info

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