L’HISTOIRE - En juillet dernier, Serge Nizet, un Belge, est tombé par hasard sur la photo de son père, décédé six ans auparavant, utilisée pour sensibiliser aux dangers du tabac sur les paquets de cigarettes. Depuis, il a tenté d’obtenir le retrait de la photo. Mais le combat est difficile. Six mois après, ses démarches n'ont pas avancé.
Il est fatigué. Fatigué de se battre. "Je suis dans une impasse, parce que c’est la parole d’un simple citoyen, contre celle d’une immense institution qui est celle de l’Europe, où personne ne sait qui fait quoi, et où l’omerta est de rigueur", souffle Serge Nizet, contacté par LCI.
Il y a six mois, cet habitant de Liège, en Belgique, a fait une découverte surprenante : la tête de son père, décédé six ans auparavant, sur un paquet de cigarettes. Cette photo n’est pas inconnue des fumeurs : c’est celle d’un homme, pris de près, les yeux clos, le visage pâle sur son oreiller, équipé d’une sonde respiratoire. Objectif : montrer les dangers du tabac. Pour la famille Nizet, ce fut le choc. Il s’agit de Joseph Nizet, alors alité en soins intensifs. Le papa de Serge. "C’est ma mère, elle-même gravement malade, qui m’a prévenu le jour où elle a aperçu la photo. Elle était en pleurs", rapporte Serge.
Qui a pris ces photos ?
Car Serge le martèle : nul, dans la famille, n’a jamais pris son père en photo sur son lit d’hôpital, ni n’a jamais donné d’autorisation pour divulguer les photos. Joseph Nizet n’a pas non plus averti la famille de l’existence d’une telle photo, alors qu’il aurait dû signer un document autorisant un photographe à réaliser le cliché. "Aucun membre de notre famille n’aurait osé un seul instant prendre une photo de mon père", soutient Serge. "Et aucun accord écrit ou verbal n a été donné... ".
Serge veut protester, exiger le retrait de la photo. Mais, il va le découvrir, la demande est loin d’être aisée… car tous se renvoient la balle. Il s’avère d’abord que ce ne sont pas les cigarettiers qui sont responsables des images diffusées sur les paquets. Elles leur sont fournies par la Commission européenne à la Santé, qui en possède les droits et qui gère leur diffusion dans l'UE. Ce ne sont en effet pas les Etats qui choisissent ces clichés, mais bien Bruxelles.
Serge essaie donc de contacter la Commission, sans succès. "Une journaliste locale m’avait donné un numéro de téléphone là-bas… Imaginez-vous un labyrinthe, C’était pareil et pénible", raconte-t-il. "Un jour on me répond que les personnes ont donné leur accord. Un autre, on me répond que ce sont des acteurs et blablabla. Une vraie galère. "
42 images au total gérées par Bruxelles
Les médias belges essaient aussi de remonter le fil de l’histoire. Mais il ne leur est pas plus aisé de remonter à l'origine du cliché et d'obtenir des explications. La RTBF a tout de même retrouvé un document d'information de la direction générale Santé de la Commission européenne. Il précise qu'elle gère une bibliothèque de 42 images pour les paquets de cigarettes . "Selon ce document, elles ont été prises par des sociétés externes pour 600 000 euros ! La Commission détient les droits d'auteur et toutes les personnes représentées ont donné leur consentement", détaille la RTBF.
Et le document précise : "La Commission connaît l’identité de toutes les personnes apparaissant sur les photos, mais, dans un souci de protection de leurs droits, elle ne peut en dire plus". Et, comme un message à l'attention de Serge, elle écrit "recevoir parfois des protestations de gens convaincus que les sujets photographiés n’ont pas donné leur accord et elle tient à préciser que toutes les personnes représentées ont été informées de l’intégration des photos dans la bibliothèque d’images de l’UE et ont signé une déclaration de consentement quant à leur utilisation". Quant aux sociétés externes à l'origine des clichés, impossibles de savoir qui elles sont.
Je ne désire pas un euro. Juste des excuses
Serge Nizet
Aujourd’hui, Serge est face à un mur. Il a fait appel aux services d’un avocat, mais pour l’instant tout paraît bien bouché. "Nous n’arrivons pas à obtenir le nom de ces sociétés", dit-il. "Je suis vraiment dans une impasse. Mon avocat ne peut rien faire pour l’instant tant que nous n’avons pas plus d’éléments." Sans compter qu’il redoute les frais à engager, s’il faut se lancer dans un combat judiciaire. "Imaginez-vous les frais d’avocat ? C’est le pot de terre contre le pot de fer."
Serge est fatigué. Blasé. Désabusé aussi : "Si vous saviez, comment les gens de la Commission nous balayent d’un simple revers de la main", soupire-t-il. Pourtant, il ne demande pas de dédommagement. "Je ne désire pas un euro. Juste des excuses pour l’honneur de mon père. Et que l’on retire la photo des paquets, bien sûr."
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