À LA LOUPE - Des militants favorables à l’autorisation des maillots de bain confessionnels - ou "burkinis" -, ont entraîné la fermeture temporaire d’une piscine parisienne le 1er septembre. Interdits dans les bassins, ces vêtements posent-ils des problèmes d’hygiène, comme l’avance la Ville de Paris ?
Située dans le 11e arrondissement de Paris, la piscine de la Cour-des-Lions a été fermée prématurément dimanche 1er septembre. Dans l’après-midi, un groupe d’une quinzaine de personnes, femmes et hommes, a manifesté pour réclamer l’autorisation de maillots de bain confessionnels dans les piscines de la capitale. Cinq militantes portaient pour l’occasion un burkini, ce maillot conçu pour les femmes musulmanes et qui couvre non seulement le buste, mais aussi une large partie des jambes et de la tête (sans masquer le visage).
Devant cette mobilisation, les maîtres-nageurs sont intervenus, rapidement secondés par la police. Dans la demi-heure, la direction de la piscine a fermé l’établissement. Les manifestants ont quitté sans heurts les lieux, déployant une banderole "Piscine pour toutes, stop islamophobie".
L’incident clos, la mairie de Paris - en charge de la gestion de cette piscine -, a précisé sa position : "Il s'agit de faire respecter la réglementation, qui interdit pour des raisons de sécurité et d'hygiène tout de qui amène dans l'eau beaucoup de tissus", a expliqué la Ville au Parisien. Elle précise que ces dispositions, appliquées aux quelque 40 piscines de Paris et à ses 6 millions d’usagers, permettent de réduire les risques sanitaires.
De quoi se méfie-t-on ?
L’interdiction du burkini, mais aussi des shorts de bain, des combinaisons ou des t-shirts, est souvent justifiée par des raisons d’hygiène. C’est en particulier le développement des chloramines qui inquiète. Ces composés chimiques se créent dans les piscines lorsque le chlore des bassins entrent en contact avec des matières organiques (peaux mortes, transpiration, salive…), ou avec des résidus de maquillage. Autant de particules qui peuvent se fixer sur le tissu et justifieraient des restrictions sur les tenues.
"Des études chez les travailleurs et les enfants montrent que les chloramines, en particulier la trichloramine, peuvent être la cause de pathologies respiratoires irritatives et allergiques", écrivait en 2010 dans un rapport l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
Les gestionnaires des piscines parisiennes renvoient vers leur règlement intérieur, une position confortée par celle du gouvernement. En juin dernier, une manifestation similaire dans une piscine grenobloise avait poussé le Premier ministre à réagir. Édouard Philippe souhaitait qu’"aucune conviction religieuse" ne vienne s’immiscer dans ce débat et invitait à respecter les procédures en vigueur dans ces établissements publics. Sans surprise, cette position ne satisfait pas les militant(e)s, qui dénoncent auprès de l'AFP des "règlements discriminants".
Des positions discutées
Les interdictions se basent-elles sur des motifs recevables ? Voilà en substance la question à laquelle a tenté de répondre le Défenseur des droits l’an passé. Dans sa décision du 27 décembre, il a examiné la saisine d’une femme qui se voyait refuser l’accès à une piscine municipale lorsqu’elle voulait porter un burkini. Dans ses conclusions, transmises au ministère des Sports, Jacques Toubon indiquait que le "refus d’accès" opposé à cette dame "du fait qu’elle portait un burkini et l’adoption d’un règlement intérieur interdisant son port" constituaient "des discriminations fondées sur la religion et le genre". Il enjoignait alors les gestionnaires de la piscine de modifier leur règlement.
Sur quoi s’appuie le Défenseur des droits pour motiver son avis ? Sur le droit, tout d’abord, mais aussi sur les considérations liées à l’hygiène, dont il tente de montrer les limites. "Mise à part la proportion de tissu utilisé, le burkini est constitué de la même matière que les maillots de bain classiques d’une ou de deux pièces. Il s’agit généralement d’un mélange d’élasthanne (lycra) et de polyamide (nylon). Il est conçu pour le milieu aquatique et élaboré afin de se conformer aux normes d’hygiène des piscines."
"Il faut prendre en compte la question des douches"
Le fait que ce vêtement soit "conçu pour un milieu aquatique" a son importance : son usage ne peut pas être détourné. Ce n’est pas aussi simple pour les shorts de bain, susceptibles d’être portés "comme une tenue de ville et pour effectuer des activités extérieures". "Pour le responsable d’une piscine", note le Défenseur des droits, le véritable en enjeu semble donc de parvenir à vérifier si les tenues "sont bien utilisées conformément aux règles d’hygiène". Contactée par LCI, la mairie de Paris riposte en expliquant "qu’il faut prendre en compte la question des douches". Le port d’une combinaison intégrale (ou d’un burkini), empêche de savonner de très larges parties du corps, ce qui peut, de son point de vue, limiter l'élimination des germes avant d'entrer dans les bassins.
Quoi qu'il en soit, l’interdiction des maillots de bains confessionnels par la Ville de Paris n’est pas une exception. Si les arguments liés à l’hygiène sont contestables aux yeux des spécialistes, ils sont néanmoins invoqués par de nombreuses municipalités. Des questions difficiles à trancher, d’autant plus sensibles qu’elles ont trait au fait religieux.
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info
- Police, justice et faits diversColère et émoi après le suicide de Lindsay, harcelée à l'école
- InternationalGuerre en Ukraine : les attaques en Russie se multiplient
- Police, justice et faits diversMeurtre d'Iris dans le Morbihan
- SportsMohamed Haouas, international français de rugby, dans la tourmente judiciaire
- Police, justice et faits diversKarine Pialle : mystère autour de la disparition de la mère de famille