"La maltraitance est toujours gratuite" : la France et l'Europe épinglées pour leurs exportations d'animaux vivants

Publié le 17 avril 2023 à 17h00

Source : JT 20h Semaine

Un rapport de la Cour des comptes européenne dénonce les manquements des pays de l'UE dans le domaine du transport animal.
Le document pointe notamment les normes en matière de bien-être, pas toujours respectées.
La France, premier exportateur de bovins du Vieux continent, est concernée.

C'est un immense marché en Europe, mais qui s'accompagne d'importantes dérives. Les exportations d'animaux vivants représentent un secteur stratégique de l'élevage européen. Chaque année, des millions de porcs, veaux, bœufs, vaches laitières réformées ou volailles sont transportés par voie routière, ferroviaire ou aérienne dans l'UE, mais aussi dans des pays tiers pour la reproduction, l'engraissement et l'abattage. Et si l'Europe dispose d'une législation relative à la protection des animaux durant le transport, un rapport publié par la Cour des comptes européenne, lundi 17 avril, pointe les nombreux dysfonctionnements qui subsistent, notamment en termes de respect du bien-être animal. 

"Transporter des animaux vivants sur de longues distances peut avoir des effets néfastes sur leur bien-être", a dénoncé lors d'une conférence de presse Eva Lindström, la Membre de la Cour responsable du document d’analyse. "Les États membres n’appliquent pas de la même manière la législation européenne sur le transport d’animaux, et les transporteurs peuvent chercher à profiter des failles dues aux différents systèmes de sanctions nationaux".

Faim, soif, chaleur et manque d'espace

Le transport d'animaux est avant tout motivé par des facteurs économiques alors "qu'agriculteurs et producteur de viande cherchent à exploiter les différences de coûts entre les régions pour gagner en rentabilité", pointe le rapport de la Cour des comptes. Ainsi, des bovins nés en France sont souvent engraissés et abattus en Espagne ou en Italie, où l'activité coûte moins cher. Des animaux qui doivent subir d'importants trajets dont le temps doit normalement être limité. "Or, plus d'un trajet sur trois excède huit heures", pointe la Cour des comptes, et 4% plus de 24 heures.

Par ailleurs, alors que tous les États membres de l'UE n'appliquent pas de manière uniforme la législation, la Cour des comptes pointe l'attitude de certains transporteurs qui n'hésitent pas à opter pour des itinéraires plus longs "afin d'éviter les États qui imposent des règles locales plus strictes ou une application plus rigoureuse du règlement sur le transport des animaux".

Des trajets rallongés lors desquels les animaux "éprouvent du stress lors de leur chargement dans les véhicules". "Pendant le transport, ils peuvent souffrir de la faim, de la soif, de la chaleur, du manque d’espace ou encore de l’absence de repos. Au cours de sa vie, un même animal peut être transporté plusieurs fois : les porcs engraissés et abattus en Allemagne sont souvent nés au Danemark ou aux Pays-Bas", détaille le rapport intitulé "Transport d'animaux vivants dans l'UE : défis et pistes d'action".

"La souffrance animale est toujours gratuite"

La logique économique pousse également certains agriculteurs à transporter à l'étranger des animaux inaptes à l'abattage - malades ou blessés - car "il est généralement plus coûteux pour les agriculteurs d'abattre des vaches inaptes sur le site de l'exploitation que de les envoyer dans un abattoir", pointe la Cour des comptes, qui précise même que "la vente d'un animal - même inapte - à l'abattoir peut entraîner un gain financier". Et les sanctions ne sont que peu dissuasives : "Par exemple, la Commission a constaté lors d’un contrôle qu’une amende de 250 euros avait été infligée pour le transport d’un taureau à la patte cassée, alors que la valeur marchande d’un taureau une fois abattu peut s’élever à environ 1500 euros".

Les dérives du secteur s'expliquent par plusieurs facteurs, et notamment par la spécialisation du secteur de l'élevage, les différences de coûts de production et d'abattage entre les États membres et la marginalité des coûts de transport. "La souffrance animale est toujours gratuite", a ainsi pointé Eva Lindström durant la conférence de presse. Déjà, dans un rapport publié en décembre 2021, la commission d'enquête de l'UE sur le transport animal avait constaté des "manquements systématiques à l'application des règles existantes".

Pour tenter de mettre un terme à ces pratiques, la Cour des comptes propose des solutions : attribuer une valeur monétaire à la souffrance animale pendant le transport et l'intégrer dans le coût du transport et du prix de la viande, mais aussi promouvoir le transport de viande - aujourd'hui moins rentable - plutôt que le transport d'animaux, et étendre le recours aux abattoirs mobiles et de proximité. 


Annick BERGER

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