EN PREMIÈRE LIGNE- Au lendemain de la rentrée des vacances de la Toussaint, les syndicats de l'enseignement et de la petite enfance sont unanimes après l'élargissement des profils "à risque" face au Covid-19 : un problème d'effectif risque de poindre sans tarder.
De onze cas, elle est passée à quatre, puis de nouveau à onze. Sans que cela ne fasse grand bruit, la liste des critères de vulnérabilité au Covid-19, qui avait été restreinte cet été, a de nouveau récemment été étendue. Derrière ce revirement ? Une décision du Conseil d’Etat rendue mi-octobre, selon laquelle l’exclusion de sept profils "à risque" n'était pas justifiée. Désormais donc, davantage de personnes que cet été, et autant que lors du déconfinement en mai, peuvent prétendre automatiquement à l’activité partielle (pour les salariés) ou à un arrêt de travail (pour les fonctionnaires).
Un retour aux anciens critères qui fragilise les effectifs
Établie par le Haut Conseil de la santé publique, la liste des pathologies ou cas attestant de la fragilité d’un individu comprend des cas très divers comme l'âge de la personne, ses antécédents (ATCD) cardiovasculaires, le fait qu'elle ait du diabète non équilibré ou présentant des complications, d'être atteint de cancer évolutif sous traitement ou encore d'être au troisième trimestre de la grossesse.
Mais alors que la situation sanitaire se dégrade, au point d'encourager un reconfinement national de quatre semaines, le retour concomitant aux anciens critères de vulnérabilité fait planer la menace d'un manque d'effectifs imminent dans certains secteurs en "première ligne" pas ou peu concernés par la généralisation du télétravail : la grande distribution par exemple mais aussi, les écoles et les crèches - tenues de rester ouvertes à la différence du printemps dernier.
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"On surcharge les classes alors qu'il faut éviter les brassages"
"C'est une bonne chose dans ce contexte épidémique très violent que les personnes fragiles soient à l'abri car potentiellement, ce sont elles qui risquent la réanimation", tient d'abord à souligner Guislaine David, porte-parole du premier syndicat du primaire SNUipp-FSU. Mais, pointe-t-elle aussitôt, "nous n'avons pas assez de remplaçants pour pallier les absences". Pour illustrer son propos, elle s'appuie sur un exemple frais de ce lundi matin. "Une collègue me disait qu'elle avait deux enseignants absents et un seul remplaçant. Elle a donc dû répartir une classe dans les autres. On se retrouve à surcharger dans un contexte où l'on devrait mettre en place la distanciation et éviter les brassages", regrette-t-elle.
Comme Guislaine David, pour Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc), des remontées de terrain à ce sujet sont à prévoir cette semaine. "Les agents n'ont jusque-là reçu aucune communication sur la marche à suivre en cas de vulnérabilité", souligne-t-il, précisant avoir dû fouiller dans la Foire aux questions (FAQ) du site du ministère de l'Education nationale pour trouver confirmation de l'élargissement de la liste, mise en ligne ce dimanche à 20h. "On était en attente d'une nouvelle publication pendant toute la durée des vacances de la Toussaint après l'arrêt du Conseil d'Etat et aujourd'hui il y a sans doute des collègues qui sont dans les collèges et lycées alors qu'ils ne devraient pas", envisage le responsable.
"Des personnes vulnérables ne se sont pas signalées au printemps"
"Certains nous ont contactés ces derniers jours en prévision de la rentrée car ils se faisaient refuser un certificat par leur médecin", explique-t-il. Faute de mieux, quelques-uns ont décidé de se mettre à l'abri en utilisant leur droit de retrait dès ce lundi. Jean-Rémi Girard, qui évalue la part du personnel enseignant vulnérable à la sortie du confinement entre 3 et 4%, ne souhaite pas pousser plus loin la comparaison avec le mois de mai. "C'était la fin de l'année, on avait des emplois du temps provisoires, tous les élèves n'étaient pas revenus en cours, il y avait beaucoup plus de souplesse puisque la situation sanitaire était plus favorable et le système de remplacement pouvait fonctionner", énumère-t-il. Guislaine David abonde. "Certaines personnes s'étaient signalées au printemps, d'autres non, donc on a peut-être des personnels vulnérables qui sont venues travailler à l'époque mais qui cette fois ne vont pas prendre ce risque-là et qui ne doivent surtout pas le prendre alors que la situation épidémique est encore plus tendue".
Or, selon la porte-parole du SNUipp-FSU, ce manque inévitable de personnels "n'a pas été anticipé par le ministère malgré les appels à recruter massivement à partir de la liste complémentaire au concours". Et d'insister : "On savait que ce type de scénario allait arriver et cela risque de se reproduire alors qu'on parle de plusieurs vagues successives". Aux absences d'enseignants "vulnérables" qui sont en arrêt de travail, s'ajoutent les arrêts de travail ordinaires et notamment les congés maternités, les femmes représentant pour rappel près de 80% des enseignants dans le pré-élémentaire et l'élémentaire. "Dans certaines écoles, ça va être problématique de laisser les classes ouvertes", s'inquiète la responsable syndicale, qui appelle le ministère de l'Education nationale à prendre "la mesure de la situation".
La crainte ne se limite pas aux écoles, collèges et lycées. Elle concerne aussi agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), les accompagnants d'élève en situation de handicap (AESH), les éducateurs de jeunes enfants ou encore les agents de service en crèche."Entre les personnes à risque, le personnel testé positif et les maladies hivernales, il peut y avoir des difficultés d'encadrement dans les crèches, à commencer par les petites structures où la marge de manœuvre est faible", estime à son tour Cyrille Godfroy co-secrétaire général du Syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE). Il n'exclut pas dans les semaines à venir une probable baisse d'agréments dans certaines structures, ou que "des familles se retrouvent en difficulté", comme au printemps lorsque les enfants de parents exerçant certaines professions devaient être accueillis en priorité.