TEMOIGNAGE – Alors que la Ville de Paris va diffuser un "Guide de la Laïcité" pour aider ses cadres à affronter des situations où la laïcité ne serait pas respectée par des agents, un encadrant raconte à metronews comment il vit cette situation, où le service public doit composer avec la religion.
Thomas (le prénom a été changé) est cadre à la Ville de Paris. Il travaille dans ces services depuis une dizaine d’années, et a écumé à peu près autant d’ateliers en lien avec son activité. Après ce qu’il a vu, la délicate question de la laïcité au travail, le fait doucement rigoler aujourd’hui. Parce que derrière le beau concept, la réalité n’est pas si tranchée.
"Il ne faut pas se voiler la face", raconte-t-il à metronews
en réaction à l'article que nous avons publié mercredi
. "Il n'y a pas un seul atelier où je sois passé, où il n’y ait pas un ou des agents qui prient. Cela a toujours existé." Il le note, mais "c’est sans souci", fait-il remarquer. "En général les limites posées font que cela se fait sur les heures de pause et discrètement. C'est habituel et sans souci. Personnellement, je n'ai aucun problème avec ça."
"Cela crée des tensions dans nos ateliers"
Mais ce qui gêne plus particulièrement cet encadrant, qui se catégorise "plutôt d'extrême gauche", est une
circulaire appliquée à la fonction publique, qui octroie aux salariés qui le demandent des autorisations d’absence pour les fêtes religieuses
. Chaque année, un document envoyé dans les services donne la liste des dates - une petite quinzaine -, correspondant à des fêtes juives, musulmanes, arméniennes, bouddhistes, orthodoxes. Les principales fêtes catholiques et protestantes sont déjà prises en compte dans le calendrier.
Sur le papier, pas de problème. Mais en pratique, c’est plus dur à gérer. "Cela crée des tensions dans tous nos ateliers car ça fait des différences entre les salariés", explique Thomas, qui ne veut viser aucune religion. Car d’après lui, cette autorisation d’absence est souvent le prétexte à des abus. "En théorie, c'est limité avec la nécessité du service, mais en réalité aujourd'hui c'est accordé à tous ceux qui le demandent", explique-t-il encore. "Et nous ne pouvons pas demander à quelqu’un de nous prouver qu’il est de telle confession ou pas. C’est impossible à vérifier et ce serait mal vu. Alors souvent, des agents que nous savons pourtant ne pas être de telle confession sont autorisés à s’absenter."
"Les religions ne devraient pas impacter sur l'organisation du travail"
Un détail ? Pas tant que ça. "Cela pose de gros problèmes d’organisation du service, cinq à six fois par an. La religion relève du domaine privé. On ne devrait pas avoir à en tenir compte quand cela impacte la qualité du travail." Et tout ça joue sur l’ambiance de l’équipe : "Des salariés se retrouvent avec des jours de congé sous couvert de fête religieuse. Et ceux qui n’abusent pas du système se retrouvent lesés. Forcément, ça crée des tensions, et dans ce milieu ouvrier, se développent rapidement des réflexes identitaires et des amalgames."
Le sujet est sensible, très sensible. La Ville a montré qu’elle le prenait au sérieux. L’an dernier, Thomas, comme les autres cadres, a bénéficié d’une formation sur la laïcité. D’ici quelques jours, un "Guide de la laïcité" va également être diffusé à tous les cadres, et de nouvelles formations seront proposées. Là-dessus, Thomas est satisfait : "Ce sont vraiment des bons outils. Cela nous remet à plat l’histoire des religions, le principe de laïcité, on étudie des cas pratiques et les bases légales. Cela nous a permis de désamorcer beaucoup de conflits." Même s’il sait qu’il y a toujours des compromis à faire sur le terrain. "Le rôle du chef d’équipe est de maintenir une sorte de paix, de bon climat. Si on veut mettre le feu, on affiche la Charte de la Laïcité dans les locaux… Mais personne ne nous y encourage ! Il faut être flexible." Il n’est pas loin de voir une "certaine dose d’hypocrisie" dans la position des supérieurs. "Personne ne veut mettre les pieds dans le plat. Mais ça me fatigue. Ça met vraiment à mal le vivre-ensemble."
A LIRE AUSSI >> Comment la mairie de Paris veut lutter contre la radicalisation chez ses agents
Sur le
même thème
- Changer de nom devient plus facile : qui sont les Français qui le font ?Publié le 30 juin 2022 à 18h52
- "Je vois la société se racialiser progressivement", s’inquiète Emmanuel MacronPublié le 1 juillet 2021 à 9h02
- Ces enseignants racontent ces fois où, dans leur classe, la laïcité a été ébranléePublié le 21 octobre 2020 à 13h04
- Faire signer une charte de la laïcité dans les clubs de sport amateur, est-ce efficace ?Publié le 2 octobre 2020 à 11h00
- Enquête sur les dérives des écoles hors contratPublié le 2 octobre 2020 à 11h29
- Le déconfinement selon l'âge abandonné : "On ne protège pas quelqu'un en violant ses libertés"Publié le 18 avril 2020 à 12h00
- Sous couvert de "journée d'intégration", les bizutages persistent : "Un refus peut mener à rater son futur professionnel"Publié le 21 septembre 2018 à 19h07
- Petite histoire du repos dominical, du "jour de culte" au "culte de la consommation"Publié le 29 septembre 2017 à 8h00
- Un militant France Insoumise a-t-il été verbalisé à tort par un agent de la ville de Paris ?Publié le 19 septembre 2019 à 14h35
Tout
TF1 Info
- 1Guerre en Ukraine : le MAMBA, ce système de défense antimissile promis à Kiev par la France et l'ItaliePublié le 3 février 2023 à 22h11
- 4Six Nations : Ange Capuozzo, la menace italienne que la France connaît bienPublié aujourd'hui à 7h00
- 5Le bac à compost devient obligatoire dès 2024Publié hier à 18h55
- 7
- 8VIDÉO - L'incroyable découverte d'un chasseur de trésor amateur britanniquePublié le 3 février 2023 à 15h59
- 10Risques d'érosion : quelles sont les villes menacées en France ?Publié le 3 février 2023 à 17h28
- 1"Made in France" : le canapé, star indétrônable de nos salonsPublié aujourd'hui à 12h19
- 2VIDÉO - Soldes : des achats tardifs, moins impulsifs et plus ciblésPublié aujourd'hui à 12h02
- 3Suicide de Lucas : une marche blanche organisée à Épinal ce dimanchePublié aujourd'hui à 11h59
- 4EN DIRECT - Guerre en Ukraine : combats "acharnés" à Bakhmout, selon WagnerPublié aujourd'hui à 11h50
- 5Embargo sur le diesel russe : vers une nouvelle hausse des prix à la pompe ?Publié aujourd'hui à 11h14
- 6Hausse des prix : La Guerre en Ukraine est-elle la seule cause de l'inflation ?Publié aujourd'hui à 11h06
- 7Météo : les températures hivernales sont de retour cette semainePublié aujourd'hui à 11h06
- 8VIDÉO - Les incendies d'hiver sont-ils toujours plus fréquents ?Publié aujourd'hui à 10h53
- 9Accusée de "manque d'empathie", Elisabeth Borne réplique à Laurent BergerPublié aujourd'hui à 10h44
- 1VIDÉO - Les Français sont-ils vraiment les champions du monde de la grève ?Publié aujourd'hui à 9h00
- 2Grève dans le secteur de la petite enfance : "On se sent maltraités"Publié le 2 février 2023 à 19h13
- 3La question de la semaine : pourquoi rêve-t-on que l’on perd ses dents ?Publié le 6 mai 2016 à 20h40
- 4Réforme des retraites : cinq choses à savoir sur la pension de 1200 euros garantisPublié le 11 janvier 2023 à 14h26
- 5Avec la réforme, 4 Français sur 10 partiront-ils à la retraite avant leurs 64 ans ?Publié le 2 février 2023 à 19h52
- 6Cannabis : le maire de Bègles souhaite expérimenter sa légalisationPublié le 3 février 2023 à 20h40
- 7Grèves : trains, carburant, stations de ski... à quoi s'attendre pour les vacances scolaires ?Publié le 2 février 2023 à 14h42
- 8
- Politique"Favoritisme" : l'affaire qui tombe mal pour Olivier Dussopt
- InternationalUn ballon espion chinois abattu par les États-Unis
- SportsSix Nations 2023 : dernier test majeur pour le XV de France avant le Mondial
- Police, justice et faits diversPortée disparue, Sihem, 18 ans, retrouvée morte dans le Gard
- InternationalMort de Tyre Nichols : la nouvelle affaire qui choque l'Amérique