LAÏCITÉ – Didier Lemaire, professeur de philosophie dans un lycée de Trappes, se dit menacé de mort depuis une lettre ouverte où il dénonçait une "emprise communautaire" cette ville des Yvelines. Son témoignage est rapidement devenu une affaire politique.
Depuis quelques jours, on entend beaucoup parler de Didier Lemaire. Ce professeur était encore un inconnu il y a une semaine, malgré une apparition en tant que témoin dans le livre La Communauté, des journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin. L’affaire commence avec son témoignage paru, vendredi 5 février, dans Le Point, puis sur le plateau de LCI deux jours plus tard. Ce professeur de philosophie y exprime son opinion sur Trappes, ville dans laquelle il vit et enseigne, et qui est en proie, selon lui, à une mouvance islamiste. Cela fait vingt ans que Didier Lemaire travaille au lycée de La-Plaine-de-Neauphle, dans cette commune des Yvelines, et plusieurs années qu’il est engagé en politique, comme secrétaire national des "Forces Laïques", un comité devenu en 2017 un "parti républicain laïque".
À la presse, il décrit alors des coiffeurs non-mixtes, des cafés auxquels ne peuvent accéder les femmes d’origine maghrébine et raconte un changement d’attitude chez ses élèves, qui ne seraient plus dans le dialogue comme avant. Il explique aussi avoir reçu des menaces de mort, depuis une lettre publiée dans L’Obs le 1er novembre dernier, dans laquelle il parle de "la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte sur les consciences et sur les corps" et affiche son soutien à son collègue assassiné, le professeur d'histoire Samuel Paty, le 16 octobre dernier.
"Les réactions dans une de mes classes ont été très hostiles, les élèves m’ont demandé pourquoi j’avais écrit une lettre contre eux", détaille-t-il." Je ne suis pas sur les réseaux sociaux mais le commandant de police m’a raconté que Trappes était en ébullition et que beaucoup de gens tenaient des propos haineux contre moi, m’accusant d’islamophobie, de racisme." Didier Lemaire raconte aussi être sous protection policière : "À l’entrée et à la sortie de l’établissement, les policiers m’accompagnent. Ils vérifient que je ne suis pas suivi par une voiture. Il s’agit d’une escorte pour le moment". La préfecture des Yvelines a également décidé de mettre en place un dispositif de sécurité de manière non-permanente aux abords du lycée de la Plaine de Neauphle.
Des "mensonges" pour le maire de Trappes
Après l’article du Point, le professeur est reçu à sa demande par l’académie de Versailles qui décide de le laisser continuer à enseigner au lycée. Dans un communiqué daté du 6 février, le rectorat assure que la situation est sous contrôle car "prise très au sérieux" et que "conformément à sa volonté, l’académie assurera, en lien avec la préfecture des Yvelines, les conditions permettant son maintien dans l’établissement." Sur le plan judiciaire, le parquet de Versailles indique à l’AFP avoir ouvert une enquête judiciaire dès le 26 janvier, pour "menaces sur personne chargée de mission de service public" après que "des inquiétudes" à propos du professeur "à l’encontre duquel des menaces auraient été proférées".
Mais l’affaire prend un tournant politique lorsque les élus locaux ne se montrent pas d’un grand soutien et jugent ses propos disproportionnés. Ali Rabeh, le maire Génération.s de Trappes souligne que Didier Lemaire n’a "jamais fait l’objet d’une menace sérieuse", évoquant même des "mensonges" et des "contre-vérités" de sa part. En l'espèce, le professeur s'en est pris directement aux pouvoirs publics, dénonçant dans sa lettre ouverte "l'absence de stratégie de l'État pour vaincre l'islamisme". Le préfet des Yvelines, lui, estime "contre-productif de sembler stigmatiser les 32.000 habitants de cette ville qui, pour la très grande majorité d’entre eux, sont attachés aux valeurs républicaines".
Le gouvernement entre à son tour en scène, en apportant son soutien à l'enseignant mis en cause, dans un contexte où le projet de loi "séparatisme" est en discussion à l'Assemblée nationale. Jeudi 11 février, le ministre de l’Intérieur annonce en effet dans un tweet avoir proposé au professeur "une protection rapprochée", en plus de la protection policière dont il bénéficiait depuis quelques jours. Une protection qui sera assurée par le service de la protection (SDLP), chargé d’ordinaire d’escorter des dirigeants et des personnalités menacées, selon la place Beauvau.
Le même jour, le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, "réitère l'assurance de sa protection" à l'enseignant et dénonce la distribution de tracts par le maire et des élus de la ville, "devant le lycée" puis "dans l'établissement". "L'école doit rester à l'abri des pressions religieuses ainsi que des pressions politiques", accuse le ministère. Dans le tract incriminé, Ali Rabeh apportait son "soutien" aux élèves du lycée, dénonçant "les propos violents tenus contre [eux] et les Trappistes, qui condamnent par avance, qui relèguent, qui excluent". Qualifiant "d'intrusion" cette opération de tractage, la présidente LR de la région Ile-de-France Valérie Pécresse a demandé vendredi 12 février au ministre de l'Intérieur "la suspension immédiate du maire et des adjoints de Trappes, et le déclenchement de la procédure pour leur révocation".
Didier Lemaire a expliqué de son côté qu'il renonçait à enseigner, contrairement à ce qu'il semblait avoir indiqué à l'académie de Versailles lundi dernier. Plus précisément, il veut "quitter l’enseignement, mais pas forcément l’Éducation nationale".
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