Le système des retraites actuel connaît-il un déséquilibre financier ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 18 décembre 2019 à 13h28, mis à jour le 18 décembre 2019 à 14h03

Source : JT 20h Semaine

À LA LOUPE - Notre système actuel des retraites est-il en bonne santé financière ? C'est en tout cas ce qu'affirme Aurore Lalucq, économiste et députée européenne Place Publique dans une vidéo partagée plus de 600.000 fois.

"Ce gouvernement est en train d’utiliser tout un élément de langage pour faire croire aux Français qu’il y a des problèmes de financement." Dans son intervention sur BFM TV le 9 décembre, l'économiste Aurore Lalucq, élue députée européenne sur la liste PS - Place Publique en mai dernier, affirme ainsi qu'"il n’y a pas besoin de réforme puisque les retraites sont financées parfaitement jusqu’à 2025."

Un extrait qui connaît un vif succès sur la page Facebook de La Vraie Démocratie. La vidéo est partagée plus de 791.000 fois et partagée plus de 33.000 fois. Nous avons vérifié les propos d'Aurore Lalucq à la lumière du dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites évoqué dans son intervention. 

Quelle est la part des retraites dans le PIB ?

Avec 324,9 milliards d’euros versés en 2018, les dépenses brutes du système de retraite s’élevaient à 13,8 % du PIB, soit la part consacrée par la richesse nationale à ceux qui ont pris leur retraite. D'après le COR, le déficit du système de retraite devrait se situer dans une fourchette située entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d'ici 2025. Un écart de 10 milliards qui s'explique par différentes méthodes de prévisions qu'expliquent les membres du COR au sein de leur rapport. 

Mais que dit aussi le Conseil d'orientation des retraites à ce sujet ? "Quel que soit le scénario économique retenu, la part des dépenses de retraite dans le PIB, qui était de 13,8 % en 2018, serait stable ou très proche de son niveau de 2018 sur la période de projection envisagée, c’est-à-dire jusqu’en 2030." Autrement dit, mêmes dans les pires prévisions envisagées, avec le maintien du système actuel, les retraites pèseront autant qu'aujourd'hui dans la richesse nationale.

Toutefois, entre 2010 et 2018, les dépenses de retraite en milliard d'euros ont augmenté de 1,8 % en moyenne par an. Une hausse qui correspond pour l’essentiel à l’augmentation du nombre de personnes retraitées. Mais alors comment expliquer cette stabilité des dépenses pour les retraites par rapport au PIB alors qu'il y a plus de bénéficiaires de pensions ? "Sans les réformes entreprises depuis le début des années 1990, la part des dépenses se situerait autour de 19% du PIB en 2030", explique le COR. Des réformes qui ont "modéré l’évolution des pensions." 

Le COR table-t-il ses pronostics sur une baisse du nombre de fonctionnaires et une stabilisation de la féminisation de l'emploi ?

Dans son intervention, Aurore Lalucq explique que les problèmes de financements proviennent de plusieurs hypothèses, notamment du fait que "les recettes vont diminuer car il y aura moins de personnes dans la fonction publique" et sur un ralentissement de l'arrivée des femmes sur le marché du travail. 

Pour établir ses prévisions, le Conseil d'orientation des retraites s'appuie sur les projections du nombre de cotisants. S'il y a moins de travailleurs qui cotisent, mécaniquement, il y aura moins de cotisations pour financer la solidarité vis-à-vis des retraités. Dans son rapport du mois de novembre, le COR s'appuie en effet sur une baisse du nombre d'agents de la fonction publique d'Etat. Le Conseil reprend les objectifs initiaux du gouvernement actuel, 50.000 fonctionnaires en moins, qu'il ramène à un chiffre plus réaliste, 10.500 en moins sur le quinquennat. 

Concernant la féminisation de l'emploi, qui contribue elle aussi à augmenter les sources de financement, Aurore Lalucq juge que le COR s'appuie sur une vision pessimiste. "On continue à stabiliser l’arrivée des femmes sur le marché du travail alors qu’il a été multiplié par trois en l’espace de 10-20 ans." Si, en effet, le COR table sur une stagnation du taux d'activité des femmes, il l'inscrit dans un contexte global - c'est-à-dire applicable aux femmes et aux hommes. "Le taux d’activité des 25-54 ans atteindrait 88,1% en 2030, contre 87,7% en 2010, soit une quasi-stabilité malgré la progression des taux d’activité féminins. Et le Conseil ne tire pas ses prévisions du chapeau, il s'appuie sur les données de l'Insee concernant l'évolution de toute la population active. 

Pourquoi un besoin d'équilibre d'ici 2025 ?

Le COR a établi différentes perspectives de l'état du régime des retraites d'ici 2030 suite à une demande du Premier ministre. "Je souhaite que vous puissiez rapidement me présenter un état de la situation financière de notre système actuel de retraite, d'aujourd'hui à 2030", écrit Edouard Philippe en septembre. Le COR n'a donc disposé que de deux mois pour répondre à la requête. 

Pourquoi l'équilibre devrait-il être atteint en 2025 ? Là, cette demande de Matignon s'appuie sur les préconisations de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, pour la mise en place d'un système universel de retraite par points. "Garantir la pérennité du système universel de retraite suppose qu’il soit à l’équilibre en 2025 au moment de sa mise en place", estime-t-il. 

Toutefois, l'objectif d'équilibre pour 2025 n'est pas partagé par l'ensemble du conseil : "Le fait que le système de retraite présente un déficit en 2025 n’implique pas nécessairement pour tous les membres du COR que celui-ci doive être résorbé à cette échéance par des mesures d’ajustements." L'horizon 2025 est donc un arbitrage politique effectué par le gouvernement. 

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Cédric STANGHELLINI

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