Les chiffres de mobilisation des Gilets jaunes sont-ils "manipulés" par le pouvoir ?

Publié le 28 novembre 2018 à 18h52, mis à jour le 28 novembre 2018 à 18h58

Source : Sujet JT LCI

FACT CHECK - Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, près de 81.000 Gilets jaunes ont été recensés samedi 24 novembre, dans toute la France. Ils étaient près de 283.000 au total la semaine d’avant, selon le même décompte. Des données contestées, et notamment par le syndicat Policiers en colère, qui comptait un million de manifestants samedi 17 novembre et a dénoncé une "manipulation" du gouvernement. L’occasion de décortiquer cette guerre des chiffres.

Les chiffres sont contestés de tous bords. Internautes, personnalités politiques et porte-parole de Gilets jaunes accusent le ministère de l’Intérieur de les avoir "manipulés" pour amoindrir l'ampleur de la mobilisation, en comptant 81.000 Gilets jaunes  samedi 24 novembre, dans toute la France et près de 283.000 le 17 novembre. Qu’en est-il réellement ?

Une "cellule" spéciale pour un décompte national

Comme d’habitude, l'ampleur d'une mobilisation est une question sensible. La fameuse "guerre des chiffres" qui, généralement, oppose le comptage des policiers à celui des syndicats est d’autant plus forte que les Gilets jaunes ne disposent d’aucune structure officielle à même d'opérer à ce comptage. Alors, pour le 17 novembre, lors de la première mobilisation, le ministère de l’Intérieur avait annoncé mettre en place une "cellule" spéciale. Il aurait ainsi demandé aux préfets de "faire remonter le nombre de rassemblements" et "le nombre de manifestants" à l’échelle locale. Le décompte aurait été effectué par les policiers du renseignement territorial, avant d’être transmis au niveau national. Impossible, donc, de parler de "manipulation" de la part de l’État sans envisager le concours de chaque préfecture.

Dans un communiqué, Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, expliquait aussi avoir eu des "chiffres précis tout au long de la journée". Entendre par là que la place Beauveau a fait un recensement régulier. De plus, interrogé par France Info, l’Intérieur a déclaré que "tous les points de blocage ont été identifiés et ont fait l’objet d’une présence des forces de l’ordre". Pas d’oubliés, donc, selon ces précisions. Mais n’ont pas été données de plus amples précisions quant à la méthodologie utilisée afin d’estimer le "turn over", les Gilets jaunes se "relayant" sur les points de rassemblement. Il est alors impossible d’assurer qu’un Gilet jaune n’a pas été comptabilisé deux fois. Ou qu’entre les passages des forces de l’ordre des personnes n’ont pas été oubliées.  

Un million de Gilets jaunes? Un chiffre peu raisonnable

Et qu’en est-il du chiffre d'un million qui circule sur les réseaux sociaux ? Il a été initialement annoncé par le syndicat non représentatif "Policier en colère", un groupe très orienté puisque dirigé par un élu du Rassemblement national (ex-FN). Petit syndicat, qui se proclame "100 % contestataire", il a, pour aboutir à son calcul, multiplié les nombre de points de rassemblement annoncés par le gouvernement par ce qu’ils estiment être la moyenne de Gilets jaunes mobilisés sur chacun d'entre eux : soit 2000 x 500. Un "calcul rapide" par lequel ils justifient ce chiffre. 

Sauf que selon le cabinet Occurrence, sollicité par les médias pour comptabiliser de manière indépendante le nombre de manifestants dans les différentes marches, "il n'y avait souvent que quelques dizaines de personnes, pas plus" par rassemblement. Interrogé par France Info, un de ses porte-parole considère que le chiffre du syndicat n’est pas "raisonnable". Ce groupe indépendant, qui fait notamment des estimations pour différentes chaînes dont TF1, estime d’ailleurs généralement que les donnés des forces de l’ordre sont fiables "à 10% près". Les Gilets jaunes étaient donc peut-être un peu plus de 283.000 samedi 17 novembre. Mais on ne peut rationnellement parler ni de "manipulation" ni d’un million de participants. 


Felicia SIDERIS

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