Les enfants aussi touchés par le spleen du Covid : comment déceler leur mal-être ?

Publié le 2 février 2021 à 21h21
Les enfants aussi touchés par le spleen du Covid : comment déceler leur mal-être ?
Source : Istock

MALAISE - Ces dernières semaines, plusieurs pédopsychiatres alertent sur une "augmentation alarmante" des tentatives de suicide chez les enfants dans plusieurs hôpitaux parisiens. Un phénomène lié, selon eux, au climat anxiogène de la crise sanitaire. Quels signes peuvent vous alerter ? On a posé la question à un psychologue.

On le sait, la pandémie a relativement épargné les enfants et les adolescents sur le plan physique, mais elle pourrait bien faire des ravages sur le plan psychique. Le premier à avoir lancé l’alerte début novembre est le professeur Richard Delorme, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Robert-Debré, qui s’inquiétait à l'époque d’une nette hausse des tentatives de suicide chez les mineurs depuis la rentrée scolaire. 

Ces derniers jours, c'est au tour de Pauline Chaste, cheffe du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Necker, de tirer la sonnette d'alarme, chiffres à l'appui. Selon la spécialiste, ces tentatives de suicide ont "doublé" depuis novembre - et donc depuis le début du deuxième confinement, chez les enfants de moins de 15 ans. Un phénomène qui touche particulièrement la capitale. "Cinq patients de moins de 15 ans étaient hospitalisés à Paris début novembre à la suite d’une défenestration, alors que cela concerne habituellement un adolescent par mois", indique la pédiatre. 

Ce qu'il faut évaluer chez un enfant pour voir s'il ne va pas bien, ce sont surtout des symptômes qui se répètent dans le temps.
Jean-Luc Aubert, psychologue

Pour ces spécialistes qui voient arriver des jeunes avec des symptômes plus sévères que d'habitude, où les idées suicidaires ont parfois laissé la place aux passages à l'acte, il n'y a pas d'autres explications que "la succession des confinements et l'aspect anxiogène de la situation". Le problème, c'est que les enfants n'expriment pas l'anxiété tout à fait comme les adultes. "Ils le font à travers des symptômes et non des paroles", souligne le psychologue Jean-Luc Aubert, fondateur de la chaîne YouTube "Questions de psy". D'où la difficulté de les décrypter. Par ailleurs, l'adulte a la capacité de prendre du recul, d'analyser la situation, ce que n'a pas l'enfant qui prend les événements de manière frontale. 

Alors comment faire pour déceler leur mal-être ? D'autant que cette crise sanitaire bouscule également les parents qui ont du mal à jouer leur rôle de vigie face à la tempête épidémique. "Le rôle du parent, c'est d'accompagner l'enfant, de le rassurer, et ce rôle est un peu plus compliqué à tenir dans la mesure où eux-mêmes ne le sont pas dans le contexte actuel", confirme Jean-Luc Aubert à LCI. Pour autant, certains signes doivent les alerter. "Ce qu'il faut évaluer chez un enfant pour voir s'il ne va pas bien, ce sont surtout des symptômes qui se répètent dans le temps : des crises de colère à répétition, une plus grande nervosité ou irritabilité, un repli sur lui-même, des problèmes d'insomnie ou d'endormissement, voire une forme de régression, comme sucer le pouce ou faire pipi au lit. C'est surtout la récurrence et l'intensité qui sont préoccupants", explique le psychologue. 

"Dialoguer avec son enfant"

"Attention aussi aux phénomènes d'auto-agression", prévient Jean-Luc Aubert, alors que plusieurs pédopsychiatres ont effectivement constaté une hausse des scarifications (des incisions cutanées superficielles, ndlr) chez certains jeunes. Face à tous ces signaux, plus ou moins inquiétants, une seule solution s'offre aux parents, "il faut dialoguer avec son enfant", insiste le psychologue. Mais cet échange ne portera ses fruits que si l'adulte est serein face à sa propre situation, ce qui n'est pas forcément évident dans une période où le télétravail et le chômage partiel mettent à mal les esprits. "Dans ces cas-là, il faut se tourner vers un médiateur", conseille-t-il. "Cela peut être le médecin de famille ou un proche avec lequel l'enfant discute facilement. Ces derniers pourront avoir une réponse plus apaisée car ils auront une certaine distance avec le jeune". 

Pour le spécialiste, on peut éviter d'en arriver là si on prend l'habitude de discuter régulièrement avec ses enfants dans différentes situations du quotidien, notamment pendant le dîner, ou sur le chemin de l'école. "Si on a cet échange, on peut être à peu près sûr de ne pas passer à côté de quoi que ce soit", souligne Jean-Luc Aubert. Il est donc essentiel d'instaurer ces moments dès le plus jeune âge, en bannissant par exemple la télévision ou toutes sortes d'écran lors des repas, qui viendraient parasiter ce temps de discussion. 

Face à cette crise, le psychologue souhaite malgré tout temporiser. Pour lui, ces tentatives de suicide restent "le reflet d'une situation que l'on n'a pas su voir venir pour différentes raisons. Car dans la grande majorité des cas, les enfants évoluent avec une certaine forme d'insouciance vivant les événements au jour le jour", avance-t-il. "Cette situation anxiogène va donc plutôt être la goutte d'eau chez des jeunes déstabilisés. En fait la pandémie met surtout à mal ceux qui étaient déjà fragiles, exactement comme sur le plan physique", conclut-il.


Virginie FAUROUX

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