Selon Sandrine Rousseau, les SDF "meurent plus l’été que l’hiver".En réalité, non : la mortalité dans la rue n’est pas une affaire de saison.
Le 12 juillet à l’Assemblée, la nouvelle députée écolo Sandrine Rousseau a pointé la responsabilité de la canicule, et donc du réchauffement climatique, dans la mortalité survenue dans la rue. D’après l’élue de Paris, "les personnes sans domicile fixe meurent plus de chaleur l’été que l'hiver". Outre la formulation maladroite, qui lui a valu quelques moqueries, le constat de Sandrine Rousseau est-il vrai ? On fait le point.
D’abord, la mortalité de rue est très mal recensée en France. Depuis 2002, un collectif se charge de décompter le nombre de décès parmi les sans-abri chaque année dans le pays, mais peine à avoir des statistiques complètes. Dans chaque rapport, le Collectif Morts De la Rue (CMDR) mentionne d’ailleurs que leur liste n’est pas exhaustive. Environ 600 décès sont recensés par an par le collectif, mais le croisement de ses données avec celles de l’Inserm en 2014 a montré que cela représentait seulement 17% des morts réelles. Un sujet sur lequel nous nous étions penchés il y a quelques mois.
La rue tue, pas les saisons
"Nous n’avons qu’une vision limitée de la situation", rappelle donc Julien Ambard, épidémiologiste et membre du CMDR. Mais le spécialiste souligne très vite que la mortalité dans la rue n’est pas une affaire de saison, ni de température. "Les personnes sans domicile décèdent toute l’année. La vie à la rue tue, laisse des cicatrices indélébiles. La rue, l’errance les fragilisent. Elles sont donc particulièrement exposées au pic de canicule comme aux vagues de froid." Certes, ces périodes de chaleur, comme de grand froid, contribuent à aggraver la santé des plus vulnérables, et notamment des personnes vivant dans la rue. "Les sans-abri meurent assez rarement d'un coup de chaleur. En revanche, la canicule aggrave les pathologies existantes", énonçait en 2015 Eric Pliez, le président du Samu social de Paris, auprès de BFM.
De 2012 à 2020, 4876 décès de personnes sans domicile ont été recensés par le CMDR. Parmi eux, 26% sont survenus l’hiver, 22% au printemps, 22% l’été, 25% l’automne, et 5% sans de précision sur le mois et le jour de décès. Et d’après des données partielles, qui nous ont été communiquées et qui seront consolidées dans le futur rapport de cet automne, 618 décès ont été rapportés en 2021 par le collectif : 26% en hiver, 17% au printemps, 20% l’été, 32% à l’automne et toujours 5% sans date de décès précise. "Il n’y a pas de conclusion à tirer de la proportion plus élevée à l’automne en 2021. C’est lié très probablement à notre manque d’exhaustivité", selon l’épidémiologiste.
Selon lui, ce constat nécessite maintenant des réponses urgentes et pérennes : "Il faut agir massivement mais de manière structurelle pour permettre l’accès au logement". Sa collègue Christel Estela, coordinatrice du CMDR, abonde : "On aimerait que la prise en charge soit meilleure toute l’année. Dire qu’il fait chaud et que les gens meurent, c’est réducteur. Nous voyons bien que quand il fait froid, il n'y a pas que l’hypothermie qui tue. Les périodes de pluies ne rendent pas aisée non plus la vie dans la rue". Au 11 mai, 181 personnes sans-abri étaient mortes depuis le début de l'année, à 48 ans en moyenne, d'après le décompte du collectif.
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