FOCUS - Après des propos controversés de Lilian Thuram, le concept de racisme anti-blanc a fait son retour sur les plateaux médias, sous l'égide de l'organisation de lutte contre le racisme anti-blanc. Une expression qui pose question : quelle est sa réalité sociologique ? A-t-elle une légitimité ? Des interrogations que LCI avait posées en juillet 2018, que nous republions pour l'occasion.
Le "racisme anti-blanc" a fait son retour, ces derniers jours, sur la scène médiatique, après une interview au vitriol de l'ex-footballeur Lilian Thuram dans la presse italienne. Invité à s'exprimer sur le racisme subi par les joueurs noirs dans les stades de Serie A, il avait tiré du comportement haineux de ces supporters le commentaire suivant: "Il est nécessaire d'avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu'ils croient l'être".
Une phrase qui avait provoqué une levée de boucliers de ce côté-ci de la frontière, le champion du monde 98 se voyant reprocher son essentialisme par certaines associations anti-racistes, quand d'autres commentateurs l'accusaient franchement de "racisme anti-blanc". Le moins inconnu d'entre eux étant le polémiste Pierre Ménès, qui a affirmé vendredi 6 septembre que "le vrai problème en France dans le football, [c'était] le racisme anti-Blanc". Mais c'est surtout par le retour médiatique de l'Organisation de lutte contre le racisme anti-blanc, association qui se présente comme "laïque et apolitique" dénonçant "le racisme sous toutes ses formes", que le concept a réémergé.
Mais quelle est la réalité sociologique du "racisme anti-blanc" ? Cette expression en elle-même dépeint-elle une situation observable, vécue, au sein de notre société ? En 2018, alors que l'OLRA poursuivait l'ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen pour son utilisation de l'expression "homme blanc de plus de 50 ans", LCI avait posé la question à deux chercheuses spécialistes de ces questions. Nous republions pour l'occasion leurs propos.
Le racisme comme un système
Pour parler de "racisme anti-blanc", disent-elles, il faut d'abord s'accorder sur la définition... du racisme. "Si on voit le racisme comme un rapport social, une relation de domination au niveau macro-sociologique, alors on ne peut pas considérer qu’en France, aujourd’hui, les personnes considérées comme 'blanches' fassent l'objet d'inégalités statistiquement significatives en raison de ce facteur" nous explique Marie Peretti-Ndiaye, docteure en sociologie et chercheuse invitée au CREF (Centre de recherches éducation et formation) Paris Nanterre. "En revanche, si le racisme est défini comme un phénomène se jouant au niveau individuel, à une plus petite échelle, alors on peut trouver quelques situations très circonscrites de personnes considérées comme blanches dans une situation qui leur est défavorable."
Or, complète Charlotte Recoquillon, chercheuse à l'institut français de géopolitique, "c'est la définition étendue du racisme qui fait oeuvre dans notre société et qui est retenue dans les travaux sociologiques". Elle ajoute : "Cette définition voit le racisme comme un système, un ordre social, dont découlent des privilèges. Personne ne nie que certaines attitudes, ponctuellement, peuvent nuire à des personnes dites blanches. Mais cela ne détermine pas leur position sociale, leur rapport aux autres." C'est pour cela, conclut-elle, que d'un point de vue sociologique, "le racisme anti-blanc n'existe pas".
Le "racisme anti-blanc" n'a pas le caractère "d'une expérience de masse"
La longue étude de l'Ined sur la diversité des populations en France, publiée en 2016, ne dit pas autre chose. Les chercheurs qui ont participé à cette enquête, basée sur du déclaratif, sans définir auprès des personnes interrogées l'expérience du racisme en question, constatent que les personnes nées en France métropolitaine de parents français à la naissance et bénéficiant d'un certain capital économique, sont les moins concernées par l’expérience du racisme. Les chercheurs précisent ainsi : "Seulement 15% des personnes de cette population déclarent en avoir été la cible au cours de leur existence, contre par exemple 60% des descendants d’immigrés d’Afrique subsaharienne." Les manifestations de racisme à l'encontre des personnes blanches n'ont donc, selon l'étude, "pas le caractère d’une expérience de masse".
Ce chiffre de 15% mérite, par ailleurs, d'être relativisé, puisque utilisé par l'OLRA pour dire que "les populations blanches sont celles qui sont le plus victimes de racisme". Rappelons d'abord que l'Ined ne mentionne pas une population "blanche" mais de "population majoritaire non paupérisée", sans lien avec l'expérience de l'immigration en France. Une population dont la proportion est évaluée à 76% de la population métropolitaine hexagonale. Il devient donc logique qu'une population à ce point majoritaire qui fait l'expérience du racisme compose l'essentiel des personnes qui se disent victimes de ce phénomène. Qu'importe, alors, que cette expérience du racisme de la part de cette "population majoritaire" soit ponctuelle, sans effet sur les parcours professionnels ou dans la vie quotidienne, qu'il faille donc le relativiser, en fonction des volumes et des proportions : l'OLRA a amalgamé des expériences qui n'avaient pas grand chose l'une avec l'autre.
Les auteurs de l'étude de l'Ined formulent ainsi cette nécessaire prudence au moment d'affronter ces chiffres : "Le racisme des minoritaires à l’encontre des majoritaires peut blesser verbalement, voire être agressif physiquement, mais il ne fait pas système et ne produit pas d’inégalités sociales." En d'autres termes, sans remettre en cause des situations isolées qui peuvent être vécues comme injustes, l'expérience du racisme à l'égard des blancs ne constitue pas, en France, un système à part entière.
Les privilèges existent du fait des discriminations
Charlotte Recoquillon
Mais si le "racisme anti-blanc" est une fiction d'un point de vue sociologique, la récupération - souvent politique - de cette expression, n'a quant à elle rien de virtuel. Outre l'opération médiatique de l'OLRA, le concept est populaire à l'extrême droite de l'échiquier politique (exemples ici, ici et là). On se rappelle également que Jean-François Copé, alors secrétaire général de l'UMP, écrivait dès 2012 dans son "Manifeste pour une droite décomplexée" : "Je sais que je brise un tabou en employant le terme de 'racisme anti-blanc' mais je le fais à dessein, parce que c'est la vérité que vivent certains de nos concitoyens et que le silence ne fait qu'aggraver les traumatismes".
Rien de plus normal que cette réaction, selon Charlotte Recoquillon : "Qui a le plus à perdre dans la mise en cause du racisme, si ce n'est les personnes qui bénéficient des positions de pouvoir ? Les privilèges existent du fait des discriminations. Certains se sentent menacés par les revendications des groupes qui sont jusqu'à présent discriminés. Par exemple, si on veut une parité dans les prises de parole, cela implique que certains... laissent la parole."
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