Suspectées d'un vol qu'elles n'ont pas commis, trois sœurs portent plainte pour violences contre les vigiles d'un centre commercial

Anaïs Condomines
Publié le 11 août 2018 à 16h01, mis à jour le 24 octobre 2018 à 12h03
Suspectées d'un vol qu'elles n'ont pas commis, trois sœurs portent plainte pour violences contre les vigiles d'un centre commercial

Source : @Joelereveur / Twitter

VIOLENCES - Jeudi 9 août à Lyon, au centre commercial de la Part-Dieu, trois sœurs disent avoir été violentées par des agents de sécurité, pour un vol qu'elles n'ont pas commis. Après avoir déposé une pré-plainte en ligne, elles ont déposé plainte ce samedi. Aurélie, l'une d'entre elles, raconte la scène à LCI et s'estime victime de discrimination.

Leur virée shopping a tourné court. Trois sœurs originaires de Lyon assurent que des vigiles du centre commercial de la Part-Dieu les ont violentées, alors qu’elles étaient accusées d’un vol qu’elles n’ont pas commis. La scène s’est déroulée jeudi 9 août aux abords d’une boutique de cosmétiques, dans la galerie commerçante. LCI a pu joindre l’une des sœurs. Aurélie, 21 ans, revient sur ce qu’elle a vécu.

Ce jeudi après-midi, elle se rend donc avec sa petite sœur de 14 ans et sa grande sœur de 23 ans, dans une boutique de la marque Nyx où toutes trois ont leurs habitudes. "On avait du shopping à faire avant de partir en vacances, dimanche. Dans le magasin, on fait notre petit tour, on touche des produits, on en repose d’autres et puis finalement on va payer." Aurélie et sa grande sœur règlent leurs quarante euros d’achats puis se dirigent ensemble vers un autre magasin, lorsqu’un vigile les arrête : "Il nous dit de le suivre, sans nous donner aucune explication. Là, j’ai le réflexe de sortir mon téléphone pour filmer mais j’ai à peine le temps d’enregistrer quelques secondes qu’un autre vigile me tord le poignet et, à deux reprises, fait tomber mon smartphone au sol."

Chute et crise de panique

"Jusque-là", poursuit Aurélie, "personne ne nous dit ce qu’on a fait de mal". Le ton monte rapidement entre les sœurs et les vigiles, d’autant que la plus petite des trois, adolescente de 14 ans, commence à paniquer. "Elle pleure, elle crie. Les vigiles sont brusques, ils nous entraînent dans un hall du centre commercial et c’est à ce moment que ma grande sœur se retrouve au sol. Des passants s’arrêtent, filment la scène, mais ne réagissent pas."

Nous avons tout de même retrouvé une témoin de la scène. Celle-ci, qui ne connaissait pas les sœurs auparavant, explique à LCI : "Au centre commercial, il y a des portes qui donnent accès aux entrepôts des magasins et une amie et moi sommes arrivées devant au moment où les trois filles se faisaient emmener de force par quatre ou cinq membres de la sécurité. Les filles étaient choquées et paniquées. Elles se débattaient mais elles étaient poussées de force. L’une d’entre elle a essayé de filmer mais un vigile a frappé son téléphone. Mon amie a essayé d’ouvrir les portes qui menaient au hall mais les vigiles l’en ont empêché. Elle a eu le temps de voir une fille au sol. Ensuite nous sommes parties pour ne pas que ça dégénère encore plus."

Donc je dois coopérer lorsque des gens censés nous protéger nous violentent pour un délit qu'on n'a pas commis ?

Aurélie

A cette agitation viennent alors s’ajouter une vendeuse et une responsable de la boutique de cosmétiques. Elles soutiennent avoir vu les jeunes filles voler un produit, sur leur caméra de surveillance. Les tickets de caisse sont vérifiés, rien n’est à signaler. Mais la mésaventure des jeunes filles ne s’arrête pas là. "Il se trouve que ma sœur avait emporté avec elle un gloss usagé pour avoir les références du produit qu’elle voulait racheter. Elle l’a sorti dans le magasin pour vérifier puis l’a remis dans son sac. Je pense que c’est pour ça qu’il y a eu méprise. A la limite, je peux comprendre que les vendeuses aient eu des suspicions, mais c’est allé trop loin."

Car voilà la police qui, selon les propos de notre interlocutrice, débarque sur les lieux. Emmenées au poste dans le sous-sol du centre commercial, les sœurs sont fouillées. L'ambiance est délétère, raconte-t-elle. Finalement, aucun vol n'est constaté par la police, selon les jeunes filles, et bientôt, la mère de ces dernières, prévenue par téléphone, est autorisée à venir les récupérer. Aurélie ajoute : "A notre mère qui demande aux policiers s’ils trouvent que cette situation est normale, ils répondent : ‘si vos filles avaient été coopératives, on n’en serait pas arrivé là.’ Donc je dois coopérer lorsque des gens censés nous protéger nous violentent pour un délit qu’on n’a pas commis ?"

Une pré-plainte en ligne déposée

L'épisode aura, en tout, duré deux heures. Et se prolongera à l'hôpital, où les blessures de la grande sœur sont constatées. Son certificat médical, que nous nous sommes procuré, fait état d'une dermabrasion et d'un hématome au genou gauche, de douleurs à la hanche et à l'épaule gauche. Elle écope d'un jour d'ITT (incapacité temporaire de travail). Aurélie, aujourd'hui, est persuadée qu'elles ont toutes trois été victimes de discrimination. 

DR

"On colle des étiquettes sur les gens. Et si on se trompe, on se dit que ce n'est pas grave, qu'on a fait son travail. Je n'en veux pas personnellement aux vendeuses, mais moi je suis noire et je sais que quand je rentre dans un magasin, je sens toujours les regards lourds sur moi, les vigiles qui me suivent. C'est une réalité." 

La jeune femme a par ailleurs déposé une pré-plainte en ligne pour "agression verbale, morale et physique" avec ses sœurs. Avec ses soeurs, elle l'a signée le lendemain, samedi 11 août, au commissariat. Consultée par LCI, la plainte fait état de "violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours". 

Sollicitées par LCI ce vendredi soir, ni la boutique ni le centre commercial ne nous avaient répondu. Mais sur Twitter, la marque Nyx Cosmetics, filiale du groupe L'oréal, s'est exprimée : "Suite aux incidents qui ont eu lieu hier, après report des images de nos caméras de surveillance, nous souhaitons vous exprimer que nous n’approuvons aucunement la violence commise par les vigiles, indépendants de la boutique et de la marque, sur les personnes concernées… Nous regrettons fortement la situation et leur souhaitons le meilleur rétablissement possible."


Anaïs Condomines

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