ARCHIVES - Au lendemain du 6 mai, la presse française rapporte, sidérée, la violence des émeutes parisiennes. Jets de pavés, grilles arrachées et voitures retournées d'un côté, répression policière de l'autre, les Français prennent la mesure des événements.
Ils étaient plusieurs centaines lors des premiers affrontements violents, le vendredi 3 mai à la Sorbonne. Ce lundi 6 mai 1968, jour de la comparution de Daniel Cohn-Bendit devant le conseil de l'université, le mouvement étudiant, échaudé par la décision de fermer la Sorbonne et la violente répression policière et les interpellations du vendredi, a pris une autre ampleur. Malgré l'interdiction de manifester, il est cette fois soutenu par deux syndicats étudiants et un syndicat d'enseignant, le SNES. Près de 5.000 manifestants affrontent les forces de l'ordre, sous le regard sidéré des Français, plus de 12 heures durant. "Des agitateurs qui sont organisés, qui connaissent parfaitement la technique de la guérilla urbaine”, assure alors le ministre de l'Education nationale, Alain Peyrefitte. Syndicats et forces de l'ordre semblent en réalité déroutés par le caractère spontané et improvisé du mouvement, noteront les articles relatant ces événements. Les combats du quartier latin feront 600 blessés et conduiront à 422 interpellations.
Les Unes des quotidiens, le lendemain, témoignent de la surprise des observateurs face à la violence des affrontements. Les grands journaux relatent de long en large la chronologie de ces heurts qui se sont poursuivis durant la nuit, annonçant l'escalade des jours suivants, jusqu'à la première "nuit des barricades", le 10 mai. Des reportages très factuels, mais qui insistent, tous journaux confondus, sur les méthodes employées par les manifestants pour harceler les forces de l'ordre, d'un côté, et sur la violence de la réplique policière de l'autre. "Du côté de l’ordre, un contrôle sévère, équipé de bâtons, boucliers et armes ; de l’autre, une cohorte de jeunes des deux sexes, coiffés à la Che Guevara", résume Le Figaro, qui fait état de l'utilisation, comme armes, des fameux pavés parisiens, qui ont déjà fait un blessé grave parmi les forces de l'ordre. Les grenades lacrymogènes répondent aux "pavés, projectiles divers lancés par des lance-pierre", ainsi qu'aux "barrages de voitures défoncées". Rapidement, le boulevard Saint-Germain se trouve jonché "de pavés, de grilles d'arbres, poteaux indicateurs, boîtes à papiers, hachettes et boulons".
"Un véritable combat de rue"
Le Monde, qui a condamné la veille "le manque de sang-froid" des autorités qui ont attisé les tensions en faisant intervenir la police à l'intérieur de la Sorbonne, titre sur le "véritable combat de rue" qui s'est déroulé sur le boulevard Saint-Germain à partir de 15 heures. "Les manifestants, qui avancent dans le calme [...] sont surpris par une très dure charge de police, qui les refoule jusqu'au boulevard Saint-Germain", insiste le quotidien du soir. "A peine les forces de police avaient-elle regagné leurs position que les manifestants passèrent à la contre-attaque. Dès cet instant, il ne fait plus de doute que l'engrenage de la violence est déclenché".
Le Monde raconte, lui aussi, les voitures "poussées au milieu de la chaussée", les pavés et les grilles d'arbres arrachés, les cabanes de chantiers brûlées, les blessés qui s'accumulent dans les deux camps, des affrontements qui "revêtent un caractère extrêmement violent".
Dans son ouvrage de référence Mai 68, l'héritage impossible (La Découverte), le sociologue Jean-Pierre Le Goff explique la sidération brutale de l'opinion face à cette violence à la fois "symbolique" et "réelle". "La révolte étudiante éclate sous la forme d'une confrontation avec la police qui surprend tout le monde, y compris les militants les plus chevronnés", raconte l'auteur dans ce livre. "Les manifestants ne se dispersent pas en bon ordre. Ils affrontent la police avec une violence qu'on croyait éteinte depuis la fin de la guerre d'Algérie." Pire : les étudiants parviennent ponctuellement à faire reculer les CRS.
Les archives audiovisuelles témoignent de la virulence des affrontements :
Dans sa Une du 7 mai, Le Parisien libéré évoque "des commandos organisés" qui "ont dressé des barricades de voitures, défoncé des vitrines, arraché des pavés", tandis que Sud-Ouest décrit des "scènes d'émeutes au quartier latin" lors desquelles "gendarmes et CRS chargent les étudiants retranchés derrière des barricades".
Alors que le Parti communiste voyait jusqu'ici d'un très mauvais œil les actions menées par les étudiants "gauchistes", les affrontements du 6 mai accompagnent son spectaculaire revirement. "Le responsable, c'est le gouvernement", clame désormais son journal, L'Humanité, qui ciblait encore quatre jours plus tôt la responsabilité des "groupuscules anarchistes" de Nanterre. Le quotidien communiste fustige désormais "l'escalade de la violence policière au quartier latin" et affichant ainsi sa volonté de prendre part au mouvement, une décision validée le 7 mai par le bureau politique du PCF.
Plus à gauche encore, le 7 mai est le jour de la première parution d'Action, journal engagé fondé par le journaliste Jean Schalit, qui soutient le mouvement étudiant et appelle, dans son premier numéro, "à la grève générale et à l'insurrection permanente". Il publiera une cinquantaine de numéro durant un an.
Ce premier choc entre la jeunesse et l'autorité n'est qu'un début. Dès le mardi 7 mai, les manifestants seront 20.000 dans les rues de Paris... Les syndicats, Unef en tête, seront débordés. Les combats seront encore plus vifs. Mai 68 a vraiment commencé.
>> Notre prochain article de la série "Mai 68 en cinq Unes" (3/5) : le 10 mai, une "nuit des barricades" aux accents révolutionnaires
>> Notre précédent article (1/5) : le 3 mai, le jour où le journal "L'Huma" est passé à côté de la révolte étudiante
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