On a parlé à Matthieu Bourrette, ce procureur engagé contre les violences sexistes

Anaïs Condomines
Publié le 25 novembre 2016 à 5h00, mis à jour le 25 novembre 2016 à 12h45
On a parlé à Matthieu Bourrette, ce procureur engagé contre les violences sexistes

Source : Capture Dailymotion

TOUT UN SYMBOLE – En cette Journée de lutte contre les violences faites aux femmes, le procureur de Reims, Matthieu Bourrette, a décidé de ne faire comparaître ce vendredi que des prévenus poursuivis pour violences conjugales. Un acte militant qu’il raconte à LCI.

Il y a la justice, l’intimité feutrée des salles d’audience, et "le monde extérieur". Matthieu Bourrette, procureur du tribunal de grande instance de Reims, veut montrer que les planètes, à défaut de s’aligner, peuvent parfois se rencontrer. Ce vendredi 25 novembre, il a décidé de laisser entrer la Journée nationale de lutte contre les violences faites aux femmes sur les bancs de procès en correctionnelle. Et de ne faire comparaître que des prévenus qui vont être jugés pour violences ou menaces envers les femmes.

Un simple jeu de calendrier pour des dossiers qui ne seront, bien entendu, pas jugés autrement qu’un autre jour. "Les personnes prévenues vont être jugées de la même manière que d’habitude", explique à LCI Matthieu Bourrette. "Mais il y a peut-être une chance pour qu’elles prennent davantage conscience de leur geste en ce jour précis…", espère-t-il. Mais dans son esprit, cette initiative s’adresse moins aux auteurs des faits qu’à la société civile. Selon le magistrat, elle est capable d’agir en amont sur le phénomène des violences faites aux femmes.

Une prise en charge des victimes en amont du procès

"Ce n’est pas à la justice, à mon sens, d’endiguer au premier chef les violences conjugales", souligne encore Matthieu Bourrette. "Le travail doit se faire en amont, dans la prise en charge de la victime. Et ce dès la prise de la plainte. Dans les commissariats, de nets progrès ont été observés. Mais cela reste à parfaire. Il faudrait aussi pouvoir développer un vrai travail d’enquête, même quand la victime choisit de ne pas porter plainte." Et le procureur d’insister, avant tout, sur la primordiale importance de l’accompagnement de celle qui se trouve, depuis un jour ou depuis toujours, au cœur de ce type de violences.

C’est la raison pour laquelle il a demandé à deux associations locales – le MARS (Mouvement d'action et de réflexion pour l'accueil et l'insertion sociale) et le CIDFF (Centre national d’information sur les Droits des Femmes et des Familles) de la Marne – de travailler pour l’occasion main dans la main. Et de prendre en charge les victimes en amont de leur procès, quand l’usage veut que ce soit elles qui rentrent en contact avec les bénévoles. Renverser la machine pour mieux avancer ? Le test, en tout cas, pourrait, s’il s’avérait payant, devenir une nouvelle habitude. "Je sais que les associations ont déjà récupéré les coordonnées de toutes les victimes dans les dossiers de vendredi. Elles se répartissent les tâches entre la prise en charge judiciaire et quotidienne et elles ont l’air de bien travailler ensemble. C’est une bonne nouvelle."

La partie émergée de l'iceberg

Une bonne nouvelle qui permet à Matthieu Bourrette de s’interroger sur sa propre place au sein de cette vaste entreprise qu’est la lutte contre les violences conjugales. "Mon travail à moi, c’est d’éviter la récidive" nous rappelle-t-il. "Pour le mis en cause, il y a toute une typologie de sanctions que le procureur peut proposer. Je choisis des sanctions pour punir, mais aussi pour faire réfléchir. C’est dans cette optique que, dans notre tribunal, nous imposons souvent des mises à l’épreuve. Souvent les violences vont de pair avec un problème d’alcool, qu’il faut pousser à soigner." Parfois, ajoute-t-il, agir pour le bien de la victime signifie aussi aller contre son avis. "Je pense qu’il est bon d’imposer de ne plus avoir de contacts. Et de temps en temps, même la victime n’est pas d’accord avec ça. Pour ma part, je voudrais systématiser un temps d’éviction, même court, pour offrir un un temps de repos dans le couple."

Des idées qui pourraient, pourquoi pas, faire leur chemin au sein d’autres juridictions. Matthieu Bourrette le sait bien, et en profite. "Oui, en communiquant sur la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes, quelque part, je surfe sur la vague. Mais je l’assume. Car malheureusement, j’ai déjà eu à juger cette année 130 condamnations pour le seul chef de violences conjugales. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg."

Violences faites aux femmes : "3 minutes de viol, ça peut casser une vie"Source : Sujet JT LCI
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Anaïs Condomines

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